You are currently viewing La protection des logiciels par le biais du droit d’auteur

S’il est une innovation due au numérique et à internet qui a particulièrement touché le droit de la propriété intellectuelle, il s’agit de l’apparition des logiciels. Ce terme regroupe le programme informatique ainsi que le matériel ayant servi à sa conception. La volonté de les protéger par le droit de la propriété intellectuelle a rapidement émergé et dès 1968 le législateur a exclu sa  brevetabilité[1].

Le logiciel fait désormais partie de la liste (non exhaustive) des œuvres de l’esprit protégeables par le droit d’auteur et ce depuis la loi du 3 juillet 1985. La solution est similaire à l’échelle européenne qui assimile le « matériel de conception préparatoire » et les programmes d’ordinateurs à des œuvres littéraires au sein de la directive 2009/24/CE du 23 avril 2009, sans pour autant définir les notions de logiciel ou de programme d’ordinateur. Dans la pratique, ces termes sont considérés comme équivalents. En France, la notion de logiciel a tout de même été définie au sein d’un arrêté d’enrichissement de la langue française en date du 22 décembre 1098 comme « l’ensemble des programmes, procédés et règles, et éventuellement de la documentation, relatif au fonctionnement d’un ensemble de traitement de données ».

Le logiciel est donc protégé par le biais du droit d’auteur dès lors qu’il est original. Cette condition d’originalité peut apparaître tant au sein du matériel de conception préparatoire que dans « les composantes du logiciel, telles que les lignes de programmation, les codes ou l’organigramme ». Toutefois, ne sont pas protégeables le langage de programmation ainsi que la fonctionnalité du logiciel. En ce qui concerne l’interface graphique, elle peut être considérée comme une œuvre conformément au droit d’auteur mais ne sera pas qualifiée de logiciel.

Outre les questions de qualification, se pose la question des droits que détiennent leurs auteurs sur les logiciels qu’ils conçoivent.

Concernant les droits patrimoniaux, le CPI dispose que « le droit d’exploitation appartenant à l’auteur d’un logiciel comprend le droit d’effectuer et d’autoriser :

1° La reproduction permanente ou provisoire d’un logiciel en tout ou partie par tout moyen et sous toute forme. (…) ;

2° La traduction, l’adaptation, l’arrangement ou toute autre modification d’un logiciel et la reproduction du logiciel en résultant ; 

3° La mise sur le marché à titre onéreux ou gratuit, y compris la location, du ou des exemplaires d’un logiciel par tout procédé. (…) ».

Les droits que détient un auteur sur son logiciel sont donc limitativement énumérés et sont sujet à l’épuisement. En effet, dès lors que le logiciel a été proposé en téléchargement sur internet, la jurisprudence considère que le droit de distribution est épuisé, ce qui laisse la voie ouverte pour un marché des logiciels d’occasion.

S’agissant des exceptions aux droits patrimoniaux prévues par l’article L122-6-1 du CPI, elles ne sont applicables qu’aux personnes autorisées à utiliser le logiciel. De plus, l’exception de copie privée semble écartée en la matière, le texte ne permettant que la réalisation d’une copie de sauvegarde « lorsque celle-ci est nécessaire pour préserver l’utilisation du logiciel ».

Pour pouvoir exploiter les droits qu’il détient en vertu de la loi, l’auteur d’un logiciel devra conclure un contrat de cession de manière similaire aux auteurs d’œuvres “traditionnelles”.

La dernière particularité des logiciels en ce qui concerne les droits patrimoniaux de leur auteur tient à l’hypothèse dans laquelle ce dernier est un salarié. Dans ce cas de figure, les droits sont dévolus de manière automatique à l’employeur. Il convient de souligner qu’il n’est pas exigé de celui-ci qu’il rémunère l’auteur du logiciel en contrepartie de sa production. Cette solution peut paraître injuste envers l’auteur qui devra se contenter de son salaire. Elle semble constituer néanmoins un juste équilibre entre la protection des logiciels et la réalité du marché. En effet, si les auteurs d’œuvres classiques se consacrent pour la plupart à leur art durant leur temps libre, la plupart des logiciels sont conçus dans le cadre d’une activité professionnelle. Il a donc fallu trouver une solution n’aboutissant pas à un patchwork illisible de droits répartis entre les salariés d’une entreprise.

Enfin, l’auteur d’un logiciel ne dispose pas de toutes les prérogatives prévues au titre du droit moral. En effet, l’article L121-7 du CPI ne permet pas à l’auteur d’un logiciel de « s’opposer à la modification du logiciel par le cessionnaire des droits (…) lorsqu’elle n’est préjudiciable ni à son honneur ni à sa réputation » ou d’exercer « son droit de repentir ou de retrait ». Les prérogatives que détient l’auteur au titre du droit au respect de son œuvre sont donc drastiquement réduites. Il ressort de l’analyse du régime applicable aux logiciels une véritable adaptation du droit d’auteur à cette catégorie particulière d’œuvres. Ceci témoigne à la fois de la souplesse dont fait preuve le droit d’auteur mais aussi de la nécessité pour le législateur de s’adapter aux nouvelles technologies et aux évolutions de la société.

 

Lola ESQUIROL

M2 Cyberjustice 2021-2022

 

Sources :

Jean-Pierre Clavier, Audrey Lebois, Carine Bernault, « Fiches de droit de la propriété intellectuelle », éditions ellipses, 2ème édition, 2021

Fabrice Mattatia – Droit d’auteur et propriété intellectuelle dans le numérique – n°00174 – éditions Eyrolles.

Cours de Madame Laure Marino – Faculté de droit de Strasbourg – 2020-2021.

 

[1] Article L611-10.2, c) CPI

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