You are currently viewing Le logiciel CASSIOPEE, la désillusion d’un projet de dématérialisation prometteur

Le logiciel CASSIOPEE (Chaine Applicative Supportant le Système d’Information Oriente Procédure pénale Et Enfants) a été installé en 2008 au sein des juridictions de Grande Instance. Si le projet était ambitieux et prometteur, il était déjà critiqué en 2011 pour ces nombreux bugs. En 2022, les magistrats et les greffiers évitent de l’utiliser et sont revenus aux anciens logiciels, même s’ils paraissent vieux et obsolètes.

Le logiciel CASSIOPEE a été développé par le ministère de la Justice afin d’enregistrer et de compiler les informations issues de plaintes ou de procès dans le cadre de procédures judiciaires. Il a pour but d’améliorer le traitement des dossiers et d’en créer un panorama complet pour les magistrats. Cela permet de réduire le délai de traitement des dossiers et d’assurer l’information aux victimes.

Le logiciel contient des données personnelles relatives aux justiciables personnes physiques, des données relatives aux procédures commerciales des parquets, aux condamnations, aux infractions et mesures de sûreté. C’est le ministère de la Justice qui est responsable de celles-ci et elles ne sont renseignées que si elles apparaissent indispensables au suivi du dossier.

L’objectif premier de CASSIOPEE est d’établir des fichiers statistiques descriptifs en matière pénale. Les fichiers sont regroupés en deux catégories : de façon globale et par famille de contentieux. Le traitement des données “porte sur les caractéristiques des personnes (auteurs et victimes), le traitement des affaires et des auteurs, la durée des affaires, les réponses alternatives et les décisions d’orientation vers les différentes filières de jugement, les mesures pré-sentencieuses, les condamnations et la mise à exécution des peines prononcées.”. Si la dématérialisation des dossiers est rendu effectif par le logiciel, et que les fichiers statistiques permettent notamment de faire une analyse pratique de la justice pénale, il existe encore certaines difficultés. En effet, il convient d’analyser avec prudence les données récentes à cause des délais parfois tardifs de leur saisie dans le logiciel. Il est encore difficile d’étudier la récidive et la réitération avec CASSIOPEE, puisque le même auteur de plusieurs infractions aura un identifiant différent dans chaque dossier. Ainsi, un individu n’a pas d’identifiant unique ce qui empêche de regrouper les infractions qu’elles devraient être étudiées ensemble. Davantage, le cadre législatif couvert le logiciel peut encore évoluer et ainsi impacter les données étudiées.

Malheureusement, le déploiement de CASSIOPEE est décevant dans la mesure où les professionnels à qui il s’adresse évitent de l’utiliser. Cette défiance tient au fait que déjà en 2011, on assistait a de trop nombreux bugs sur la plateforme. Par exemple, le logiciel s’est bloqué pendant 60 heures à Bourg-en-Bresse en 2011 ralentissant l’activité du tribunal. En outre, le pilotage du projet s’est fait sans concertation avec les principaux utilisateurs : les magistrats et les greffiers.

En 2022, si les bugs ne sont plus à déplorer, c’est son manque d’ergonomie qui est pointé par les greffiers et magistrats. Ils sont, dans certaines juridictions, revenus aux anciens logiciels. On note par exemple l’utilisation en masse de WINCI TGI au Tribunal Judiciaire de Strasbourg. Ce logiciel ne paye pas de mine, il est même très vétuste puisque le clic droit ou le copier-coller n’existent pas. Il est d’ailleurs uniquement compatible avec la version WordPerfect du début des années 90, du logiciel de traitement de texte de Microsoft. Pourtant, il est plus efficace et ergonomique d’après les professionnels interrogés.

Même s’ils l’utilisent, les greffiers sont obligés de prévoir les lacunes éventuelles du logiciel en imprimant des documents. Pour la dématérialisation, on repassera. Mais certains relativisent en admettant que CASSIOPEE a permis une certaine fluidité des communications entre les juridictions.

Il conviendrait désormais de développer un nouveau logiciel qui prendrait en compte les échecs et les forces du logiciel CASSIOPEE. 

 

Ludine WAGNER 

M2 Cyberjustice 2021-2022

 

Sources :

https://www.cnil.fr/fr/cassiopee-chaine-applicative-supportant-le-systeme-dinformation-oriente-procedure-penale-et-enfants

https://www.liberation.fr/france/2017/11/10/chez-les-magistrats-cassiopee-frole-la-nullite_1609375/

http://www.justice.gouv.fr/art_pix/fiche_sources_et_m%E9thodes_Cassiopee_pour_internet.pdf

https://www.lefigaro.fr/actualite-france/2011/02/28/01016-20110228ARTFIG00708-le-grand-bug-informatique-de-cassiopee-freine-la-justice.php

A propos de COMED 2021/2022