Le premier semestre de l’année 2022 est tristement marqué par un conflit militaire sur le territoire ukrainien. Le présent article abordera le rôle crucial de l’accès à internet par satellite, permis par le projet Starlink en période de guerre et dévoilera des enjeux méconnus, mais mortels, du recours au numérique.
Un contexte propice au recours à l’internet par satellite
Le 24 février 2022 débute l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Dans les semaines qui s’ensuivent, cette guerre prend différentes formes à travers des actions militaires et des restrictions économiques. Pour autant, ce conflit moderne a pour caractéristique notable de se dérouler, plus que n’importe quel autre, dans un environnement numérique et médiatique.
Du fait de la performance des technologies de l’information et de la communication, il est de nos jours possible pour chaque belligérant au conflit, d’informer et de diffuser des nouvelles à un large public avec célérité, afin que l’opinion soit en sa faveur. Ce faisant, internet et plus particulièrement les réseaux sociaux, sont devenus de nouveaux champs de bataille, où chaque partie mène sa guerre de l’information et de la propagande. Cette faculté de communication massive de l’information étant permise essentiellement par des architectures filaires (ADSL/fibre optique). Il ne fut pas étonnant de voir celles-ci être prises pour cible par l’armée russe, dont l’objectif est d’empêcher la transmission et la circulation de l’information à la population ukrainienne.
C’est donc dans ce contexte de guerre à l’ère du numérique, qu’intervient SpaceX, l’entreprise aérospatiale américaine fondée par le milliardaire Elon Musk avec son projet Starlink.
En effet, le vice-Premier ministre ukrainien a lancé un appel à l’aide à destination de celui-ci. Depuis le 28 avril, SpaceX avec l’aide de l’USAID a fait parvenir à l’Etat ukrainien des cargaisons de terminaux de service internet par satellite Starlink, tout en activant ce service sur le territoire.
L’objectif affiché étant de permettre à la population ukrainienne de bénéficier d’un accès à internet et d’une connexion haut débit, grâce aux satellites placés en orbite basse, alors que les réseaux de télécommunication traditionnels sont régulièrement victimes de cyberattaques ou de bombardements.
L’utilisation de Starlink à des fins militaires
Bien que l’envoi de kits Starlink présente un caractère altruiste et humanitaire, le recours à des antennes satellites sur un territoire en guerre témoigne de nouveaux enjeux et d’incidences plus morbides.
Effectivement, pour se connecter à internet via l’espace, les liaisons satellitaires de Starlink impliquent pour la population de devoir placer des paraboles à l’extérieur et à proximité de leur habitation. Or, cela fait courir un risque extrême pour les personnes, les antennes de communication Starlink devenant à présent des cibles militaires pour les forces russes.
Comme le faisait remarquer Dmitri Rogozine, directeur général de l’agence spatiale russe, le projet Starlink, initialement à vocation civile, ne l’est plus vraiment. Et même si la Russie revêt le rôle de l’agresseur durant cette guerre, l’intensification du conflit a poussé les soldats ukrainiens à utiliser les services satellitaires Starlink à des fins militaires critiquables.
En effet, l’unité d’élite de pilotes de drones ukrainienne dénommée Aerorozvidka sème la terreur dans l’armée russe. Cette unité, effectuant des tirs d’artillerie de nuit, s’avère redoutable du fait qu’elle bénéficie de la technologie Starlink. La connexion offerte étant stable et non soumise aux déficiences du réseau filaire ukrainien, les drones peuvent se coordonner pour frapper les soldats russes durant leur sommeil ou éliminer des véhicules prioritaires.
En conséquence, l’Etat major russe pourrait ordonner la destruction de toute antenne Starlink, dont la technologie de constellation satellitaire sert des enjeux qui dépassent aujourd’hui le simple accès à internet en zones rurales, ce qui mettrait en grand danger la population civile.
L’accentuation de futurs enjeux ?
Selon certaines estimations, SpaceX aurait déjà lancé près de 2000 satellites dans l’espace et prévoit d’en envoyer plus de 43 000 dans les années à venir.
Seulement Starlink, en plus de démontrer le potentiel meurtrier d’une simple connexion à internet, témoigne également d’une multitude d’enjeux passés sous silence. On peut mentionner la pollution spatiale, le Big Data Earth ou encore la concurrence entre Etats dans la mise en place de systèmes de communication spatiale. Pourtant en février dernier, les Etats membres de l’UE se mettaient d’accord sur la nécessité d’établir une constellation satellitaire européenne souveraine.
Les technologies d’accès à internet sont actuellement au cœur de problématiques tentaculaires manipulées par des acteurs aux moyens colossaux. Et pourtant de manière paradoxale, Starlink peine à proposer son service en France, alors que le mois dernier le Conseil d’Etat cassait la décision de l’Arcep quant à l’octroi de fréquences hertziennes à SpaceX dans l’Hexagone.
Léo Détoisien – M2 Cyberjustice – Promotion 2021/2022
Sources :