You are currently viewing Réforme européenne du droit des dessins et modèles : adaptation à l’environnement numérique

Dans cet article, toutes les propositions de la Directive et du Règlement ne seront pas traitées, mais simplement celles en lien direct avec le droit du numérique.

L’évolution de la protection de la forme d’un produit ou d’un dessin est le résultat d’un long et fastidieux conflit jurisprudentiel. Marquée par de multiples réformes européennes, la protection des dessins et modèles aboutit enfin à « LA » proposition de Directive abrogeant celle en date du 13 octobre 1998, et de la proposition de Règlement modifiant celui de la Commission n°2246/2002. 

La proposition de directive publiée le 29 novembre 2022, complétée par le Règlement de la même date, forment ensemble le projet européen communément appelé « Paquet Dessins et Modèles ». Ce dernier expose les stratégies claires de modernisation et d’harmonisation de la législation de l’Union européenne en matière de protection des dessins et modèles. Ces modèles, de moins en moins protégés par la jurisprudence (dessins et modèles non enregistrés à l’office de l’Union Européenne pour la propriété intellectuelle-EUIPO), se font peau neuve en adaptant les textes à l’ère du numérique. Ce nécessaire ajustement juridique aux nouvelles professions offertes par l’emploi dit « virtuel » peut se résumer en cinq mots clés : modernisation, harmonisation, interopérabilité, accessibilité et compétitivité. Une fois publiée, peut-on encore affirmer que la directive est inadaptée aux droits du cyberespace ?  

L’adaptation des dessins et modèles au métavers

Le Web 3.0 (successeur du WEB 2.0, l’idée d’un Internet décentralisé et plus libre) n’est pas une zone de non-droit. Au contraire, pour protéger chaque créateur de design, des législations sont mises en place pour conserver un usage efficient de ces nouvelles technologies. Une fois la proposition de Directive publiée, les objets du métavers pourront être protégés.

Requalification du « produit »

Comment parler de numérique sans protéger le produit créé en ligne  ? C’est la question sur laquelle les milieux professionnels se sont penchés lors de la période de contribution. En effet, il était urgent d’élargir la notion de « produit » défini dans le Paquet « Dessins et Modèles », répondant dorénavant au nom de design afin de l’adapter aux nouveaux usages déployés dans l’environnement virtuel.

Selon l’art. 2 de la Directive et l’art. 3 du Règlement, est protégé « l’apparence d’un produit ou d’une partie d’un produit qui lui confèrent les caractéristiques […]du produit lui-même […] ». Aujourd’hui, le produit commercialisé n’est plus physique, mais numérique (les programmes d’ordinateur demeurant exclus).

Salarié et droit de titularité

En matière de dessins ou modèles de l’Union européenne enregistrés, les DMUEE (ou Registered EU Designs), les dessins et modèles appartiennent à leur créateur. La directive consacre, pour la première fois, l’inverse. Dorénavant, la titularité des dessins et modèles enregistrés par les salariés est octroyée à part entière à leur employeur (cf. art. 11 du projet de Directive), à l’instar de ce qui existe déjà pour la titularité des droits d’auteur sur les logiciels.

Toutefois, en matière de droit d’auteur, le cumul (législation nationale et législation de l’Union Européenne) ne doit pas être perçu « comme un risque ou un danger ». 

Dans le cas où un salarié aurait pour mission de créer un logiciel, ce dernier verrait son employeur disposer des droits d’auteur sur ledit logiciel. (art. L113-9 du Code de la propriété intellectuelle). Avec la nouvelle Directive, la situation dans laquelle un salarié aurait pour mission de créer un dessin ou un modèle connaîtrait la même solution. Ainsi, la question de la titularité des droits d’auteur sur un logiciel, un dessin ou un modèle créé dans le cadre d’un contrat de travail par un seul et même salarié ne serait plus débattue. 

Cependant, il est possible de se questionner sur l’avenir de la pratique contractuelle en la matière. Il est fort probable que de futurs salariés veillent à garder leurs droits d’auteur sur de telle création et pour ce faire, ils seraient tentés d’insérer différentes clauses contractuelles.

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Le consentement du titulaire des droits

Depuis l’avènement des nouvelles technologies dans l’environnement juridique, de nouveaux droits et limitations conditionnent nos usages. L’exemple des imprimantes 3D, utilisé par Anne-Emmanuelle Kahn, professeure de droit privé à l’université de Lyon 2 met en lumière le principe du consentement. Afin d’équilibrer nouvelles technologies et droits fondamentaux, le consentement, ajouté aux points d) et e) (art. 16.d et cons. 28 ; art.19.d de la Directive), devra être recueilli avant toute exploitation d’un support.

Bien que l’autorisation préalable émerge dans le sens d’une sécurisation accrue offerte aux détenteurs de dessins et modèles, ces notions seront à redéfinir. En effet, elles font l’objet de très peu de contentieux et sont souvent utilisées dans la sphère privée pour un usage non commercial, difficile à encadrer.

Les manquements de la réforme

Malgré une présentation globalement satisfaisante, il est déconcertant de constater que certains aspects digitaux n’ont pas été pris en compte. La question centrale du lieu de première divulgation des dessins et modèles non enregistrés, soit le DMUENE (Unregistered EU Designs) n’a pas été abordée, alors que plusieurs dispositions se concentrent uniquement sur les DMUEE (Registered EU Designs). Par exemple, les textes suppriment le paragraphe 5 de l’art. 110 bis, exigeant « que la divulgation ait lieu sur le territoire de la communauté » (art. 126 du projet de Directive). Or, il est crucial de définir un lieu de divulgation dans un contexte où celle-ci peut être diverse et dont la terminologie « communautaire » étant devenue obsolète. Avec l’exemple d’Internet, une divulgation partielle d’un produit peut s’avérer problématique, laissant libre cours à d’éventuelles contrefaçons en tout genre.

 

Amandine Derouet

Master 2 Cyberjustice – Promotion 2023/2024

 

Sources :

Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la protection juridique des dessins ou modèles (refonte). COM(2022) 667 final

Proposition de RÈGLEMENT DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL modifiant le règlement (CE) n°6/2002 du Conseil sur les dessins ou modèles communautaires et abrogeant (CE) n°2246/ 2002 de la Commission. 

Le Web 3.0

Article 11 du projet de Directive

Cour de justice de l’Union Européenne, Cofemel, C-683/17, 12 septembre 2019

Article L. 113-9 du Code de la propriété intellectuelle 

Droits fondamentaux et Cour de Justice de l’Union Européenne, Nintendo, C-24/16 et C-25/16, 27 septembre 2017.

Exemples des imprimantes 3D : Anne-Emmanuelle Kahn, “Un an de droit de la mode”, Les revues LexisNexis Communication commerce électronique- Propriété intellectuelle, droits des réseaux et des médias,septembre 2023, n°9, p. 

Les contrefaçons : Cour de Justice de l’Union Européenne, Ferrari SpA contre Mansory Design & Holding GmbH et WH, C‑123/20, 28 octobre 2021

Flora Donaud, « La proposition de réforme européenne du droit des dessins ou modèles », avocate au sein du Cabinet GREFFE et chargée d’enseignement au CEIPI – BLIP!

https://www.racine.eu/wp-content/uploads/2023/02/flash_info_-14_02_2023-dessins-et-modeles.pdf

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