Mais quelle est la valeur des conditions générales d’utilisation (CGU) ? Aussi dites « contrat de licence d’utilisateur final » (CLUF), elles sont disponibles sur tous les sites internets, et se sont démocratisées dans le paysage numérique. Documents contractuels, les CGU encadrent les règles applicables à la relation entre le fournisseur d’un service et ses utilisateurs.
Les contours des CGU
Bien que leur présence soit optionnelle, l’immense majorité des plateformes imposent aujourd’hui des CGU à leurs utilisateurs. Elles prennent la forme d’une fenêtre ou une page web dédiée, que l’utilisateur est censé lire et choisir d’accepter ou de refuser librement. La notion de choix est cependant à nuancer dans la mesure où dans certains cas, le refus de ces termes entraîne l’impossibilité d’utiliser la plateforme en question. L’utilisateur peut donc prendre connaissance des différentes obligations imposées par le prestataire mais ne négocie pas le contenu des CGU qui lui sont imposées.
Puisque le contrat n’est pas librement négocié entre les parties, il s’agit d’un contrat d’adhésion conformément à l’article 1110 du Code Civil. Pour témoigner son approbation, l’utilisateur est souvent amené à cocher une case, démonstration de consentement. En l’absence d’acceptation, elles ne sont pas opposables à l’utilisateur devant les juridictions car elles n’ont pas de force contraignante (Cass. Civ 1., 31 octobre 2012, « M6 c/ TV-Replay » n°11-20.480).
Comme tout document contractuel, les CGU engagent l’utilisateur du service et son exploitant à en respecter le contenu. Leur contenu à destination des utilisateurs détaille le fonctionnement général du site, la manière dont l’utiliser et les règles à suivre.
Ainsi, les plus petites plateformes comme les plus grosses imposent à leurs utilisateurs un code de conduite, souvent mal maîtrisé par les personnes concernées. En effet, très peu d’utilisateurs peuvent arguer avoir lu l’intégralité des CGU de chacune des plateformes auxquelles ils se sont inscrits. Souvent trop compactes, avec l’emploi d’un vocabulaire juridique lourd, les CGU ne sont pas toujours comprises par le public. En effet, l’Université de Carnegie Mellon a prouvé à l’aide d’une étude, qu’il faudrait pas moins de « 76 jours par an pour lire la totalité des CGU des services utilisés ».
La contractualisation de l’expérience numérique et ses limites juridiques
En tant que contrat de consommation, les CGU peuvent contenir des clauses abusives réputées non écrites comme précisé à l’article L. 212-1 du code de consommation. En ce sens, de célèbres réseaux sociaux ont été condamnés par les juridictions françaises en raison des clauses abusives contenues dans leurs CGU.
Ainsi, dans une décision du Tribunal de Grande Instance de Paris du 9 avril 2019, dite « FACEBOOK Ireland limited c/ UFC que choisir » (RG n°14/07298), 430 des clauses de Facebook ont été caractérisées comme abusives. De même, le 7 août 2018 dans un arrêt « TWITTER international company c/ UFC que choisir » le tribunal déclare 266 clauses abusives dans les CGU de Twitter (X).
La Commission des clauses abusives a établi une liste, à l’intention des consommateurs, des clauses considérées comme abusives.
La clause attributive de compétence, par exemple, à la faveur de la juridiction californienne, comme dans les CGU de Facebook est une clause qui a été réputée non écrite par la commission.
Seulement, aujourd’hui, les plateformes d’adhésion ou celles proposant des licences contiennent régulièrement de telles clauses. En guise d’exemple, à l’article 9 des Terms of use d’OpenAI, la partie (l) Jurisdiction, Venue and Choice of Law (Compétence, lieu et choix de la loi) fait mention d’une obligation pour l’utilisateur de se soumettre à la loi californienne en cas de litige.
Or, selon la Commission des clauses abusives, quand un litige survient entre un utilisateur et la société, la clause attributive de compétence n’est pas anodine. Selon elle, « l’éloignement est de nature à dissuader l’utilisateur, en raison des difficultés pratiques et du coût relatif à leur accès, d’exercer toute action ainsi que de le priver de fait de tout recours de nature judiciaire à l’encontre du fournisseur de réseau social ».
Cette catégorie de clause est jugée abusive car levier d’inégalité par le consommateur qui ne peut pas agir librement. Pourtant, il s’agit d’une clause récurrente. Il en existe de nombreuses, comme celle contenant une redirection de l’usager vers une page internet rédigée en anglais. Ce genre de site n’est pas compréhensible directement par l’utilisateur français qui « ne peut pas accéder de manière effective au contenu du contrat, et aux modalités d’exercice de son droit au signalement d’un contenu illicite”. Cette clause est déclarée abusive en raison « du déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat au détriment du consommateur ».
Recevoir des communications lorsque les plateformes modifient leurs CGU est devenu une habitude. Or cette pratique s’est imposée dans la mesure où « la clause qui présume le consentement de l’utilisateur aux modifications unilatérales apportées par le fournisseur de service est abusive ». En ce sens, chaque modification doit être notifiée aux utilisateurs et soumise à un nouveau consentement exprès.
La Direction générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF), est l’autorité de régulation qui veille à la licéité des règles contenues dans les CGU. Elle a compétence pour demander la suppression de clauses considérées comme abusives.
Certaines d’entre elles ont été déclarées illicites pour non-respect de la Loi informatique et liberté et du Règlement Général pour la Protection des Données (RGPD), « la clause permettant à un réseau social de conserver les données personnelles d’un utilisateur désinscrit n’a pas de raison d’être ».
Souvent acceptées comme immuables, il convient pour les utilisateurs de remettre en question les termes qu’ils acceptent.
Jeanne GAUTHIER
Master 2 Cyberjustice – Promotion 2022/2023
Sources:
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000026573989/
https://www.legalis.net/jurisprudences/tgi-de-paris-jugement-du-9-avril-2019/
https://www.legalis.net/jurisprudences/tgi-de-paris-jugement-du-7-aout-2018/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Conditions_générales_d’utilisation
Les CGU des réseaux sociaux : attention aux clauses abusives | UseYourLaw