Les plateformes de données de santé sont des infrastructures numériques qui regroupent des données de santé et proposent des outils pour les traiter et y accéder. Les enjeux majeurs liés à ces plateformes concernent principalement la protection et la sécurité de ces données, qui sont considérées comme extrêmement sensibles. C’est pour cela que le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) et le Comité national pilote d’éthique du numérique (CNPEN) se sont auto-saisis pour rendre un avis (Avis 143 CCNE/Avis 5 CNPEN) et proposent 21 recommandations. Publié en mai 2023, le rapport souligne les enjeux relevant tant de l’éthique de la santé que de l’éthique du numérique.
Une plateforme de données de santé, qu’est-ce que c’est?
Les plateformes de données de santé sont définies dans le rapport comme des « entrepôts de données de santé qui offrent des services pour partager, traiter et analyser les données, tels que des logiciels et des capacités de calcul sur des serveurs de haute qualité ». Pour comprendre cette définition, il convient de reprendre celle d’un entrepôt de données de santé. Il s’agit d’une base de données qui rassemble, en un lieu physique, des données de santé, souvent utilisées à des fins de recherche, d’études ou d’évaluations.
Ces plateformes ont été créées pour accompagner l’évolution de la médecine, notamment les évolutions vers la médecine dite des 4 P (personnalisée, préventive, prédictive et participative), qui nécessite des données à grande échelle et de très grande qualité.
Ces plateformes représentent également un enjeu pour la recherche et l’innovation dans le domaine de la santé. Elles rendent accessibles des données de santé d’origine très variées et rendent possible leur traitement notamment par des algorithmes d’intelligence artificielle.
La protection des données des personnes
Les données de santé enregistrées dans ces plateformes font partie des neuf catégories de données dites sensibles identifiées à l’article 9 du Règlement général sur la protection des données (RGPD). Malgré la protection qui leur est apportée, il existe, dans l’Union européenne, un marché où des données se rapportant à la santé des personnes circulent.
Pour circuler, ces données doivent néanmoins faire l’objet d’une anonymisation afin d’éliminer le risque d’une réidentification de la personne concernée. Les procédés d’anonymisation existants ne sont pour le moment pas certifiés. Du fait de l’évolution constante des technologies, un tel processus pourrait devenir rapidement obsolète.
L’article 9.2.j) du RGPD prévoit une exception à cette interdiction de traitement lorsqu’il est nécessaire, notamment à des fins de recherche scientifique. Cette exception, utile pour permettre l’échange et la transmission des données de santé, se fait sous condition de la pseudonymisation des données ainsi que de la mise en place de mesures de sécurité suffisantes.
En France, la plupart des plateformes de données de santé ont adopté une stratégie opt-out. C’est-à-dire que les personnes concernées sont informées du traitement possible de leurs données, mais que leur consentement est implicite. Pour ne pas voir leurs données traitées, elles doivent explicitement dire qu’elles ne consentent pas à ce traitement de données.
Enjeux éthiques de la souveraineté des plateformes de données de santé
La gestion, l’utilisation et le transfert des données de santé donnent lieu à des situations complexes. Elles sont protégées au plus haut niveau dans l’Union européenne par le RGPD et sont considérées comme étant un attribut de la personne. En revanche, d’autres modèles plus libéraux, comme celui des États-Unis, conçoivent les données de santé comme des biens parmi d’autres, susceptibles d’être commercialisés.
Les enjeux de souveraineté sur les données de santé sont présents également à l’échelle nationale où les centres hospitaliers et d’autres organisations veulent à la fois protéger et exploiter leurs propres données (par exemple, avec des Data Hub).
Il est important de concilier ces deux aspects : protéger les données de santé en tant que données particulièrement sensibles tout en laissant circuler ces données, sous conditions, pour concourir à la recherche et à l’innovation dans le domaine de la santé. Le volume des données recueillies doit être suffisamment important et de qualité pour permettre des traitements représentatifs.
Maud Igersheim
M2 Cyberjustice – Promotion 2022/2023
Sources :
Avis 143 CCNE – Plateformes de données de santé : enjeux d’éthiques.