Les États-Unis et l’Union européenne travaillent sur plusieurs initiatives régulatrices afin de faire face à la rapide expansion des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) dans le domaine numérique. Ces mesures comprennent des exigences de contrôle et de transparence, ainsi que la possibilité d’une éventuelle séparation des géants du secteur.
La perspective d’un démantèlement des GAFAM
Le démantèlement des GAFAM est fréquemment évoqué comme une solution lors des discussions sur la régulation des géants du numérique, afin de freiner leur expansion.
Aux Etats-Unis, en mars 2019, la sénatrice démocrate Elisabeth Warren a présenté un plan en ce sens. Bernie Sanders, sénateur au Congrès des États-Unis, a également soutenu cette idée, tandis que le président des Etats-Unis, Joe Biden, s’est montré plus réservé sur la question.
En octobre 2020, la commission antitrust de la Chambre des représentants a publié un rapport dénonçant le monopole des GAFAM et suggérant également leur démantèlement. Bien que ce rapport ait été signé uniquement par des démocrates, plusieurs sondages ont montré que la majorité des américains était favorable à une telle mesure.
L’intérêt d’un démantèlement
Il y a un consensus parmi les dirigeants américains sur la nécessité d’une régulation des GAFAM, mais le démantèlement n’est pas considéré comme la solution privilégiée. Cela s’explique d’abord par la complexité du processus. L’échec passé du démantèlement de Microsoft et la durée de la procédure ne plaident pas en faveur de cette mesure. De plus, la fragmentation des GAFAM en une multiplicité d’entités rendrait difficile la coordination et la régulation des échanges. En effet, la taille unique des GAFAM permet une législation adaptée à ce type d’acteurs.
D’autres arguments mettent en doute l’efficacité d’un démantèlement. La division des géants ne supprimerait pas les monopoles, mais les répartirait simplement dans différents secteurs. Par conséquent, le pouvoir et le contrôle des données détenues par les GAFAM ne seraient que légèrement réduits.
Ces éléments suscitent des doutes quant à la mise en œuvre directe d’un tel démantèlement, et semblent plutôt orienter la régulation vers l’établissement de mesures plus strictes. L’Union européenne a opté pour cette approche en proposant deux textes visant à encadrer les acteurs du domaine numérique.
La régulation des GAFAM mise en œuvre par l’Union européenne
En décembre 2020, en parallèle des différentes procédures aux États-Unis, la Commission européenne a présenté deux projets de règlements relatifs au numérique.
- Le Digital Services Act (DSA)
Ce projet de règlement vise à réguler les services proposés par les plateformes numériques, notamment en ce qui concerne les contenus publicitaires et illicites. Bien que les GAFAM ne soient pas mentionnés explicitement, ils sont considérés comme des « très grandes plateformes en ligne » dans le texte, c’est-à-dire celles qui fournissent leurs services à au moins 45 millions de citoyens de l’Union européenne chaque mois. Le texte prévoit des obligations progressives en fonction du statut du fournisseur et de la nature des services fournis.
En tant que très grandes plateformes, les GAFAM sont soumis à des obligations spécifiques. Ils doivent réaliser une analyse des risques systémiques liés à leurs services et réduire les risques identifiés. Ils doivent également nommer un responsable de la conformité chargé de veiller au respect de ce règlement et faire l’objet d’un audit externe.
- Le Digital Market Act (DMA)
Ce texte vise à réguler le marché du numérique, qui est atypique en raison de son innovation constante et de la diversité de ses acteurs. Pour cibler les GAFAM, la Commission a introduit une nouvelle catégorie appelée les « contrôleurs d’accès » (gatekeepers). Il s’agit d’acteurs capables de contrôler l’accès à un marché en raison de leur poids économique.
L’expression englobe les fournisseurs de « services de plateforme essentiels » tels que les moteurs de recherche, les réseaux sociaux, les plateformes de streaming, les services de communication, le cloud, etc. Pour être considéré comme un contrôleur d’accès, le fournisseur de services de plateforme essentiels doit avoir une position significative sur le marché, il doit également être un point d’accès majeur pour les entreprises souhaitant atteindre les utilisateurs finaux.
En ce qui concerne les obligations, le projet vise à empêcher les contrôleurs d’accès d’abuser de leur position dominante. Le texte prévoit également des sanctions considérables, telles que des amendes pouvant atteindre 10% du chiffre d’affaires annuel mondial total.
Lise Bujon
M2 Cyberjustice – Promotion 2022/2023
Sources :
- https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/entendez-vous-l-eco/les-gafam-dans-le-viseur-de-l-antitrust-1010210
- https://www.latribune.fr/technos-medias/loi-antitrust-l-administration-biden-apporte-un-soutien-crucial-pour-contrer-le-monopole-des-gafam-907337.html
- https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/letau-de-lantitrust-se-resserre-sur-tous-les-geants-de-la-tech-1900551
- https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/281851-les-gafam-vers-une-regulation-ou-un-demantelement-par-louis-perez
- https://www.contrepoints.org/2023/01/17/448410-la-drole-de-guerre-de-joe-biden-contre-les-abus-des-gafam