You are currently viewing La fracture entre le numérique et les droits de l’Homme

La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) de 1789 a accompagné la France dans sa transition d’une monarchie vers une république et a inspiré le monde. En 1948, après les horreurs causées lors de la Seconde guerre mondiale, l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies (ONU) rédigea un texte dénommé « Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) » afin de replacer l’humain au centre de la société et ainsi lutter contre la mise en place de politiques intolérables. Les valeurs humaines issues de ces textes ne sont désormais plus menacées que par les États, mais aussi par l’utilisation malveillante de la technologie. 

Comment la technologie dissocie la société avec les droits de l’Homme ?

 

La fracture numérique et des disparités d’accès aux services publics 

Selon l’article 1er de la DDHC : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. » 

En vertu de cet article, tous les hommes qui naissent et demeurent sur le territoire français doivent disposer des mêmes droits. Cependant, des discriminations positives accordant un avantage à certains individus ou d’autres négatives, défavorisant certains individus sont également prévues par le texte. 

Comment ce texte souligne-t-il cette ambivalence de position au regard du droit de saisir une administration ? 

L’article L112-8 du Code des relations entre le public et l’administration dispose que : « Toute personne, dès lors qu’elle s’est identifiée préalablement auprès d’une administration, peut, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État, adresser à celle-ci, par voie électronique, une demande, une déclaration, un document ou une information, ou lui répondre par la même voie. » 

Ce texte énonce qu’en dépit d’un décret du Conseil d’État énonçant le contraire, la saisine par voie électronique est le mode de saisine d’une administration par défaut.
Demander un papier d’identité ou effectuer une déclaration d’imposition doit se faire exclusivement en ligne. Une personne qui ne dispose pas d’une connexion Internet et d’un bon équipement informatique risque de se retrouver exclue des services administratifs. Il n’est pas possible de considérer cette situation comme de la distinction sociale au sens de l’article 1 de la DDHC car il n’y a aucun intérêt pour l’État de ne pas rendre ses services accessibles à tous.  

La plupart du temps, ce n’est pas l’État qui utilise la technologie à mauvais escient mais les citoyens eux-mêmes. Ce phénomène a pour conséquence d’impacter les principes et les valeurs défendus par l’État.

 

Les médias sur Internet et la fin de la présomption d’innocence

S’il y a bien un fait qui pèse fortement sur le système juridico-sociétal aujourd’hui, c’est que les médias et sociétés de l’information poussent les internautes à croire que telle ou telle personne, souvent des célébrités, se sont rendues coupables d’un délit ou d’un crime avant même que celles-ci ne soient condamnées.

L’article 9 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen dispose que : « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi. » 

Ces allégations incriminatrices apparaissent souvent lors d’accusations de viol ou d’agression sexuelle. Cependant, ce n’est pas aux médias ou aux internautes de rendre justice mais aux juges et aux institutions habilités de le faire. 

 

Internet, fléau de l’expression  

Il ressort de la combinaison des articles 10 et 11 de la DDHC que : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi. »

« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi. »

L’ordre public établi par loi existe-t-il ?

L’ordre public apparaît au sein de l’article 6 du Code civil mais n’est pas défini. Sa portée est d’ordre jurisprudentiel facilitant la préservation de la société, de ses valeurs ainsi que de ses institutions. Chaque individu devrait pouvoir exprimer librement ses opinions et ses pensées car il n’y a pas d’ordre public spécifique à Internet défini par un texte.

Toutefois, il y a deux types d’espace partiellement réglementés sur Internet. L’espace public et l’espace privé. Dans le premier cas, sont compris les propos tenus par une personne sur un compte public d’un réseau social ou d’un forum, blog. Dans le second cas, l’espace privé d’Internet contient les propos tenus en privé par des individus entre eux dans les applications de messagerie ou les espaces de chat, par exemple.
Selon la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, pour être sanctionnables, les propos publics doivent faire l’apologie de crime contre l’humanité, de terrorisme, d’une haine raciale, d’incitation à la violence, d’harcèlement ou encore de diffamation, la liste n’est pas exhaustive. De plus, les propos doivent être consultables en France, en langue française, destinés à la population française ou avoir porté atteinte à une personne vivant en France. En dehors de ces cas, le propos n’est pas sanctionnable, à l’exception des propos tenus dans le cadre de cyberharcèlement. 

Pour conclure, ce n’est pas tant la technologie en elle-même qui impacte l’État, la société ou encore les droits de l’Homme mais son utilisation. Le célèbre adage d’Hobbes dans le léviathan en 1651 “homo homini lupus est / l’Homme est un loup pour l’Homme”, le souligne bien. En effet, c’est l’Homme qui a créé ses droits et c’est par la technologie qu’il crée, qu’il s’en détourne. 

 

Ugo GAROSCIO VOLTO 

M2 Cyberjustice, Promotion 2022/2023

 

Sources :