You are currently viewing Les objectifs de la loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (SREN)

Avec l’arrivée du règlement européen sur les marchés numériques dit DMA (Digital Markets Act), et celui sur les services numériques dit DSA (Digital Services Act), le gouvernement français souhaite adapter son droit national et renforcer la protection en ligne des citoyens. 

Une nouvelle loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (loi SREN) a donc été approuvée par le Sénat en juillet 2023. Elle a été discutée durant le mois d’octobre par l’Assemblée nationale, et validée en première lecture à 360 voix pour et 77 contre. Cette nouvelle loi prévoit de nombreuses mesures pour encadrer davantage les activités dans le cyberespace français. 

Les différentes mesures prévues 

Concernant les citoyens, la loi SREN prévoit notamment : 

  • La création d’un filtre de cybersécurité anti-arnaque. Un message d’alerte avertira les Français, lorsqu’ils s’apprêteront à se diriger vers un site malveillant, à la suite de la réception d’un SMS ou mail frauduleux.
  • Le pouvoir de choisir librement un moteur de recherche, navigateur et messagerie. Il ne sera plus possible de contraindre l’utilisation en ligne de tel ou tel outil.
  • Le bannissement des réseaux sociaux des personnes condamnées pour cyberharcèlement. Elles pourront se voir appliquer une peine complémentaire de suspension de leur compte d’une durée de six mois, ou un an en cas de récidive. Une amende de 75 000€ est également prévue pour les réseaux sociaux qui ne procéderont pas au blocage du compte suspendu.
  • L’encadrement des nouveaux jeux à objets numériques monétisables (basés sur la blockchain ou les NFT). 

Pour les enfants, il est prévu : 

  • La fin de leur exposition aux contenus pornographiques en ligne. Les sites pornographiques auront l’obligation de mettre en place un vérificateur d’âge fiable, et sans fichage. À défaut, ils encourent le blocage de l’accès par les fournisseurs d’accès à Internet, le déréférencement des moteurs de recherche et de lourdes amendes.
  • Le retrait plus rapide des contenus pédopornographiques en ligne. Les hébergeurs de ces contenus auront 24 heures pour les retirer, sous peine de lourdes sanctions pénales (1 an d’emprisonnement et 250 000 euros d’amende). 
  • L’interdiction totale de publicités ciblées sur les mineurs, ou utilisant des données sensibles (sexe, origine, religion, etc). Si les plateformes ne respectent pas cette interdiction, elles risquent également de lourdes sanctions pénales. 

Par rapport aux entreprises et collectivités, la loi envisage : 

  • L’interdiction aux géants du numérique (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) de privilégier leurs services sur leurs plateformes. 
  • La réduction de leur dépendance aux fournisseurs de Cloud. Les entreprises seront désormais libres de choisir, gratuitement, les fournisseurs de services cloud correspondant à leurs besoins. 
  • Le soutien des collectivités dans la régulation des meublés de tourisme. 

Afin de lutter contre la désinformation et protéger la démocratie, il est envisagé : 

  • L’interruption de la diffusion des médias étrangers faisant l’objet de sanctions internationales. 
  • La collaboration facilitée entre les principales plateformes en ligne, les acteurs du secteur de la publicité, les organisations de recherche et de la société civile. 

Le renforcement des pouvoirs de l’ARCOM 

Pour mettre en place ces nouvelles mesures et assurer leur respect, la loi SREN a entendu élargir les pouvoirs de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM). Ce sera notamment à cette autorité publique indépendante de se prononcer sur la censure d’un site pornographique qui ne vérifierait pas l’âge de ses internautes. Il s’agit là d’une censure administrative, c’est-à-dire extra-judiciaire. Ce n’est donc qu’a posteriori que le juge vérifiera la légalité de cette censure. 

En outre, dans le cadre de la lutte contre la désinformation, l’ARCOM pourra également enjoindre un site Internet de retirer un contenu sanctionné sous 72 heures. À défaut d’exécution, elle sera en mesure d’ordonner le blocage du site concerné. 

Cependant, confier autant de pouvoirs à une autorité administrative peut comporter des risques. En effet, sans le contrôle préalable d’un juge judiciaire, il est vite possible de craindre un abus de pouvoir ou encore une censure excessive

Les limites d’application 

Si la loi SREN prévoit en théorie des mesures efficaces, leur application effective peut sembler assez difficile. En effet, certaines de ces mesures sont susceptibles de mettre en péril le droit à l’anonymat en ligne, le respect de la vie privée, ou encore la liberté d’expression. 

Par exemple, pour le bannissement des réseaux sociaux des personnes condamnées pour cyberharcèlement, comment s’assurer que la personne ne se crée pas un nouveau compte ? Il est légitime de craindre, ici, une généralisation du contrôle d’identité en ligne. En effet, les autorités compétentes devront forcément vérifier que l’internaute, voulant se créer un compte, ne soit pas une personne interdite de réseaux sociaux. 

Concernant la vérification de l’âge des internautes par les sites pornographiques, les internautes devront justifier de leur âge. Il s’agit là d’une mise à mal de l’anonymat en ligne, ainsi qu’une violation du respect de la vie privée. 

Enfin, les hébergeurs de contenus pédopornographiques devront répondre à la demande de leur retrait en moins de 24 heures, à défaut ils encourent de lourdes sanctions pénales. Seulement, cela risque d’encourager les hébergeurs à retirer trop de contenus, quitte à se tromper, par peur de se faire sanctionner. Une censure excessive et une répression systématique sont ainsi à craindre. La loi du 24 juin 2020, dite Avia, visant à lutter contre les contenus haineux en ligne sur Internet prévoyait déjà la même chose. Cette loi avait finalement été censurée par le Conseil Constitutionnel pour atteinte à la liberté d’expression et sanction trop sévère. 

Il reste donc à savoir si cette loi SREN va être approuvée par le Conseil Constitutionnel et effectivement promulguée…

 

Julie FREIERMUTH

M2 Cyberjustice – Promotion 2023/2024

 

Sources : 

https://www.entreprises.gouv.fr/fr/actualites/numerique/projet-de-loi-securiser-et-reguler-l-espace-numerique

https://www.lemonde.fr/pixels/article/2023/07/06/le-senat-vote-a-l-unanimite-un-projet-de-loi-pour-securiser-et-reguler-l-espace-numerique_6180758_4408996.html

https://www.vie-publique.fr/loi/289345-projet-de-loi-numerique-sren

https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/secteurs-d-activite/numerique/dp-pjl-securiser-et-reguler-lespace-numerique.pdf

https://www.laquadrature.net/2023/09/12/projet-de-loi-sren-le-gouvernement-sourd-a-la-realite-dinternet/

https://www.legifrance.gouv.fr/dossierlegislatif/JORFDOLE000047533100/

 

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