You are currently viewing La réglementation « e-evidence » et l’accessibilité de la preuve pénale

La coopération judiciaire à l’échelle européenne se poursuit et s’approfondit de plus en plus. Plusieurs projets sont actuellement en cours, dont la réglementation « e-evidence » (preuve électronique). Cette réglementation sera un nouveau pas dans le rapprochement des différentes juridictions des Etats membres de l’Union européenne. Elle vise l’obtention de données hébergées dans un autre pays membre dans le cadre d’une enquête pénale. 

 

Fluidification et accélération des processus.

Actuellement en cours de validation à l’échelle européenne, la réglementation « e-evidence » a pour but de permettre aux autorités nationales d’exiger la communication de données à caractères personnelles dans le cadre d’enquêtes pénales. Concrètement, l’autorité compétente pourra exiger d’un fournisseur de service qu’il fournisse les données demandées, peu importe la localisation du stockage de ces données. Ce mécanisme permettrait d’accélérer grandement les procédures pénales. En effet, recueillir les données stockées à l’étranger nécessaires à l’établissement de preuves dans une affaire pénale nécessite, pour le moment, l’accord dudit pays. En application de cette réglementation, une simple notification à l’Etat membre dans lequel sont stockées les données sera suffisante. La demande pourra être envoyée directement au fournisseur de service d’hébergement de données. Les fournisseurs en question sont majoritairement ceux de services en nuage (cloud).

 

Une double formalité restante

La réglementation « e-evidence » sera en réalité formée de deux textes. Le premier sera un règlement qui précisera les modalités relatives aux injonctions de délivrance de tout type de données. La seule exception concerne les données de contenu et de trafic. Celles-ci ne pourront être demandées que dans le cadre d’une infraction passible de 3 ans de privation de liberté minimum, ou impliquant des crimes spécifiques (pédopornographie, cybercriminalité, terrorisme, contrefaçon de moyens de paiement). Le fournisseur aura alors 10 jours pour fournir les données exigées. En cas d’urgence, une procédure spécifique prévoit même un délai réduit à 8 heures. Les Etats dans lesquels les données sont hébergées disposent également d’un délai pour contester l’injonction de délivrance. En cas de non-respect de l’injonction, la sanction pourra s’élever à 2% du chiffre d’affaires annuel mondial du fournisseur. Une obligation de conservation des données pendant la durée de la procédure pénale est également prévue.

Le règlement « e-evidence » est complété par une directive. Celle-ci poursuit un but d’harmonisation des règles visant les fournisseurs de services non-établis dans l’Union européenne, mais qui y fournissent bel et bien un service. Ils seront dans l’obligation de désigner un représentant légal chargé de réceptionner et respecter l’injonction. Cette logique correspond, dans une certaine mesure, à celle du Cloud Act américain. Il permet à cet État d’accéder à des données stockées par des fournisseurs de services américains n’importe où dans le monde. Pourtant, la relation dans l’autre sens n’est pas si simple.

 

Les Etats-Unis : un cas particulier

L’importance majeure des acteurs américains dans le secteur du stockage de données en nuage est telle que s’ils n’étaient pas visés par la réglementation, le texte perdrait beaucoup de sa valeur. Pourtant, le droit américain possède une spécificité. Il peut empêcher les fournisseurs de service américain de collaborer avec l’Union européenne. Des négociations sont donc en cours pour tenter de garantir l’application de ce texte aux fournisseurs de services étasuniens. C’est le principal enjeu qui entoure le texte dans un futur proche. Cependant, l’échec de ces négociations ne signifierait pas l’abandon du texte. Le règlement sera donc applicable dès son adoption par le Parlement européen, alors que les Etats bénéficieront d’un délai de 30 mois (sauf indication contraire) pour transposer la directive dans le droit national.

 

Lilian VASSEUR 

M2 Cyberjustice – Promotion 2022/2023

 

Sources : 

https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2023/01/25/electronic-evidence-council-confirms-agreement-with-the-european-parliament-on-new-rules-to-improve-cross-border-access-to-e-evidence/

– https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/e-evidence/

A propos de Lilian Vasseur