Accéder aux contenus des sites pornographiques est, pour les mineurs, simple comme un jeu d’enfant. Un simple clic suffit. Selon un rapport du Sénat publié fin septembre 2022, près de 1,2 million de mineurs de moins de quinze ans se connecteraient chaque mois sur ces sites.
Ainsi, le gouvernement s’est donné pour mission de développer des moyens efficaces pour bloquer l’accès à de tels sites aux mineurs.
Une nouvelle réglementation concernant l’accès aux sites pornographiques
Depuis une loi en date du 30 juillet 2020, il ne suffit plus, en France, de simplement cocher une case « J’ai 18 ans » pour attester de sa majorité. Les sites pornographiques sont ainsi dans l’obligation de renforcer la vérification de l’âge de leurs visiteurs. En vertu de cette même loi, c’est à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) que revient le rôle de s’assurer du respect par les plateformes de leur nouvelle obligation. Cette dernière peut mettre en demeure les sites n’ayant pas un système de blocage efficace.
En cas d’inaction des plateformes sous quinze jours, elle peut alors demander à un juge le blocage à l’échelle nationale d’un site. En effet, les sites se rendent, dans ce cas, coupables de l’infraction de diffusion de contenu pornographique à des mineurs prévue par l’article 227-24 du Code pénal.
Une affaire portée devant les tribunaux
C’est ainsi que, le 13 décembre 2021, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), devenu depuis l’Arcom, avait mis en demeure cinq sites pornographiques de mettre en place un système efficace pour vérifier l’âge des visiteurs. La mise en demeure étant restée sans effet, l’Arcom avait saisi début septembre 2022 le tribunal judiciaire de Paris pour demander leur blocage. Toutefois, la société éditrice de l’une des cinq plateformes mise en cause a déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Celle-ci portait sur l’article 23 de la loi du 30 juillet 2020.
Plusieurs points sont soulevés par la société :
- L’infraction reprochée ne serait pas définie en des termes suffisamment clairs et précis, contrevenant ainsi au principe de légalité des délits et des peines.
- La loi ne préciserait pas les mesures à prendre pour vérifier l’âge des visiteurs.
Le 4 octobre 2022, le tribunal judiciaire de Paris a transmis la QPC à la Cour de cassation. Cette dernière l’a toutefois rejetée dans une décision du 5 janvier 2023. Ainsi, la décision concernant le sort des plateformes devrait être rendue en juillet 2023.
Toutefois, Jean-Nöel Barrot, ministre délégué au numérique, a annoncé le 7 mai 2023 que le gouvernement comptait renforcer le pouvoir de l’Arcom. Leur souhait est qu’elle puisse décider, sans le concours d’un juge, du blocage et du déréférencement des sites pornographiques récalcitrants. Cette mesure fait partie du projet de loi visant à « sécuriser et réguler l’espace numérique ». Ce dernier devrait être présenté avant l’été au Sénat, puis à l’Assemblée nationale début septembre.
Les difficultés rencontrées pour trouver une solution de blocage efficace
Le souhait du gouvernement est de trouver, avant la fin de l’année 2023, un outil efficace pour vérifier l’âge des visiteurs.
Pour cela, plusieurs solutions ont été envisagées :
- fournir une copie d’un document d’identité ;
- recourir à l’enregistrement d’une carte bancaire ;
- estimer l’âge selon une photographie en utilisant de l’intelligence artificielle.
Or, aucune de ces solutions ne se révèle satisfaisante et n’assure l’équilibre entre les différents intérêts en jeu. Ces dernières ne sont soit pas assez résistantes face à des outils tels que les Virtual Private Network (VPN), soit trop intrusives au regard de la protection des données. Elles mettraient également en péril l’économie des sites car trop dissuasives auprès des utilisateurs majeurs.
La solution se trouve peut-être dans une procédure de vérification d’âge en « double anonymat ». Cette dernière est en expérimentation depuis fin mars 2023. Elle consiste en l’utilisation d’un service tiers chargé de procéder à la vérification d’âge. Il peut s’agir par exemple d’un opérateur télécom ou encore d’un fournisseur d’identité numérique. Ni ce tiers de confiance, ni le site sur lequel l’attestation est utilisée ne connaissent l’identité de la personne. Il pourrait s’agir, pour l’Arcom et la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), du système le plus robuste.
Enfin, le gouvernement compte sur une utilisation généralisée des outils de contrôle parental. Dans cette lignée, ce dernier prépare avec l’industrie des télécoms et des associations de protection de l’enfance un système de contrôle parental par défaut sur les appareils connectés. Cela s’accompagnerait également d’une campagne de communication sur l’importance et la nécessité d’installer ces outils, et de les paramétrer pour les adapter à l’âge d’un enfant.
Jeanne Thielges
M2 Cyberjustice – Promotion 2022/2023
Sources :
https://www.courdecassation.fr/decision/63b7c9ce6b63637c907b7638