You are currently viewing La présence technologique des USA en Ukraine
usa and ukraine silk flags

Les événements entre la Russie et l’Ukraine ont démontré que les données en lien avec les usages du numérique sont des armes redoutables pour toutes les parties au conflit. C’est par la présence des données qu’il est possible, pour ceux qui les exploitent, d’assister en temps réel aux évolutions du conflit.

 

  • Données accessibles par toutes les parties au conflit

Le Dr. Jeffrey Lewis a été le premier à repérer le mouvement des troupes russes à la frontière russo-ukrainienne. Il n’a pas eu besoin de se déplacer ou de pénétrer dans les systèmes de vidéosurveillance, mais simplement de suivre l’activité du trafic sur les routes reliant la Russie à l’Ukraine. En effet, le 24 février, il constate sur Google Maps la présence d’embouteillages du côté russe tout près de la frontière entre les deux pays.

Auparavant, la récolte des données, utiles à une intervention militaire, était produite notamment par des satellites météorologiques ou des satellites cartographiques. Aujourd’hui les terminaux de production de données se sont multipliés et revêtent différentes formes : ordinateurs, smartphones, montres connectées… Ainsi, la donnée est produite via les usages des personnes pour être ensuite acheminée à un hébergeur. Par exemple, un ukrainien ou un russe – qui a accepté que son smartphone communique avec les serveurs de Google Maps – envoie en continu des données de géolocalisation aux serveurs de l’entreprise. Autrement dit, une entreprise américaine peut déduire des mouvements de population civile ou militaire à plusieurs milliers de kilomètres de son siège social.

L’armée française avait déjà commis involontairement l’erreur de dévoiler leurs positions en zone de guerre. En effet, les militaires utilisaient une application sportive de géolocalisation (Strava) pour connaitre l’intensité de leurs efforts. Ainsi, ces usages ont dévoilé à l’entreprise les horaires et les mouvements des soldats français sur des bases militaires censées être discrètes.

 

  • Le risque d’une d’exploitation des données par un Etat étranger

En outre, le phénomène peut prendre une tout autre ampleur dès lors que les données sont stockées sur le sol américain. En effet, le Gouvernement américain a la possibilité de saisir les données de géolocalisation de Google Maps afin de les exploiter à son tour. Cette expropriation est autorisée par l’article 702 de la loi FISA ayant pour finalité de garantir la sécurité de l’Etat américain.

Bien qu’il existe une controverse sur la notion de guerre au regard du droit international, la communauté internationale peut s’accorder sur la terreur que ce conflit engendre : des sanctions sont engagées, l’inflation gonfle, des destitutions sont approuvées, des menaces sont dirigées contre des Etats et des personnalités publiques… En bref, ce climat d’insécurité est propice au développement de groupe paramilitaire et peut être de groupes terroristes.

A ce stade du conflit, les Etats-Unis n’ont pas communiqué sur un usage de l’article 702 de la loi FISA sur des données personnelles concernant le conflit. En faisant appel à cette norme, les renseignements américains seront habilités à traiter des données en lien direct avec le conflit. Autrement dit, bien que les Etats-Unis n’interviennent pas directement dans le conflit, mais leurs lois permettent d’exploiter des données sensibles liées au conflit. D’autant plus que pour justifier une telle intrusion l’histoire prouve que les conflits de ce genre ont été des terrains fertiles au déploiement de mouvances terroristes justifiant une protection accrue de la sécurité des Etats.

 

  • La nécessité de recourir à de tels services

A cet égard, les belligérants ont déjà pris certaines mesures pour protéger la confidentialité des données personnelles et militaires.

D’une part, la Russie a la capacité d’utiliser des brouilleurs empêchant toute communication avec des antennes relais. Mais aussi, l’armée russe a la capacité de pirater directement un satellite de géolocalisation.

D’autre part, l’Ukraine a le soutien logistique de plusieurs Etats et entreprises. En effet, très tôt dans le conflit, le président Ukrainien avait lancé un appel aux opérateurs de satellites privés afin de garantir une continuité dans les télécommunications et éviter un shut-down des antennes relais du pays. Starlink, EOS Data Analytics, Capellaspace ont tous répondu présent. Dorénavant, l’Ukraine profite de manière spontanée des services américains mais peut être au détriment d’une certaine autonomie.

 

  • L’urgence d’adhérer à un système protecteur des données à caractère personnel

Par ces moyens, il convient au plus vite pour l’Ukraine de rejoindre l’Union européenne. En effet, le règlement à la protection des données permet avec sa jurisprudence d’apporter une protection supplémentaire sur le transfert des données hors Union européenne. D’autant plus que la Cour de justice de l’Union européenne avait le 16 juillet 2020 démontré que la loi FISA violait de manière disproportionnée les droits fondamentaux garantis par la charte de l’Union européenne. Ainsi, le Privacy Shield n’apportait pas les garanties nécessaires pour limiter l’intrusion des services américains compétents.

En adhérant au texte réglementaire aujourd’hui, l’Ukraine pourra obtenir d’éventuelles réparations en revenant sur des potentiels manquements aux garanties de confidentialité sur le traitement des données à caractère personnel.

Jaune117

Sources:

La guerre en Ukraine a lieu aussi en orbite, mais pas avec les armes qu’on imagine

Géolocalisation des militaires sur Strava: l’armée française rappelle à ses troupes “les règles élémentaires de sécurité des systèmes d’informations”

Comptes Twitter des différentes personnes mentionnées

A propos de COMED 2021/22