Début novembre, Facebook annonçait que le géant du numérique allait faire le tri dans les informations sur lesquelles il se fonde lors de ses ciblages publicitaires. En effet, la société a annoncé que dorénavant, des critères comme la religion, l’orientation sexuelle ou la politique ne devraient plus être présents dans les campagnes publicitaires, et notamment pour cibler les populations.
Depuis plusieurs années, il est bien connu que Facebook, et les algorithmes qu’il utilise, ont pour but de rendre la plateforme, bien que premièrement proposant un service de mise en relation des personnes, financièrement rentable, et donc vitrine de nombreuses publicités. Ces campagnes de publicité se sont développées et perfectionnées au fil du temps en devenant de plus en plus présentes et en correspondant de plus en plus aux attentes et besoins des utilisateurs.
Comment cela a-t-il été rendu possible ? Tout simplement par la création par Facebook d’algorithmes permettant de faire du « profilage », c’est-à-dire de recueillir des masses de données sur les utilisateurs pour pouvoir reconstituer leur profil avec leurs préférences musicales par exemple, mais aussi leur lieu de travail, les biens et services qu’ils consomment, les endroits dans lesquels ils se rendent etc. En collectant ces données, les algorithmes peuvent par la suite et avec l’assistance préalable des humains, créer des profils où peuvent être déterminés l’orientation sexuelle, l’appartenance politique, la religion, l’appartenance syndicale. Cette collecte massive de données et ce profilage ayant pour but par la suite de revendre les profils à des entreprises et/ou de proposer les publicités des entreprises aux profils d’utilisateurs les plus susceptibles d’acheter par la suite.
Facebook étant surement l’une des sociétés, si ce n’est la société, qui a le plus de données, dont une masse inimaginable de données personnelles sur ses utilisateurs, elle est la plus susceptible de capitaliser sur ces données. Une telle pratique, bien que très rentable, pose des questions en matière de surveillance des utilisateurs et de protection de ces derniers ainsi que de leurs données personnelles. En effet, en plus de la question éthique qui se pose derrière cela, à savoir le fait que les utilisateurs ne sont pas toujours au courant de ces pratiques, et n’ont parfois pas conscience que leurs données sont à ce point utilisées contre eux, se pose un questionnement juridique.
Dans l’Union européenne, la technique du profilage et la règlementation du traitement des données personnelles sensibles sont régies par le Règlement Générale sur la Protection des données (RGPD). En effet, l’article 9 dispose qu’est par principe interdit « le traitement des données à caractère personnel qui révèle l’origine raciale ou ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques ou l’appartenance syndicale, ainsi que le traitement des données génétiques, des données biométriques aux fins d’identifier une personne physique de manière unique, des données concernant la santé ou des données concernant la vie sexuelle ou l’orientation sexuelle d’une personne physique sont interdits ».
L’annonce faite par Facebook permettrait donc à ce dernier d’être plus conforme au RGPD, ce dernier interdisant le traitement de ce type de données par principe. L’article 9 du RGPD pose de plus des exceptions rendant ce traitement licite, comme le consentement explicite, la sauvegarde des intérêts vitaux, l’activité légitime, des motifs d’intérêt public, etc. Néanmoins, il pourrait être légitime de douter de la légalité des traitements de données personnelles sensibles effectués par Facebook dans le cadre des campagnes de publicité car il ne semble pas entrer dans l’une des exceptions posées par le règlement européen. L’article 22 du même règlement rappelle de plus que le profilage basé des données sensibles est interdit, sauf exceptions préalablement citées.
A la suite de ces explications, nous pouvons donc nous questionner sur les motivations d’un tel changement de vision des choses de la part de Facebook. Bien que sujet depuis des années à de nombreux scandales en matière de collecte et d’utilisation de données personnelles dont des données sensibles, comme l’affaire Cambridge Analytica, le géant du numérique n’a pas ou peu vu son nombre d’utilisateurs chuter. Ces derniers ne sont pas non plus devenus plus méfiants ni vigilants à l’égard de l’entreprise américaine, cette dernière continuant de collecter massivement les données de ses utilisateurs. Alors pourquoi un tel revirement après des années de politique libérale relative aux données ?
Il est possible de se demander si cette volonté de changement résulte de la prise de conscience de l’importance de respecter les données sensibles et personnelles des utilisateurs. Ou peut-être résulte-t-elle simplement d’une volonté de redorer son blason et de pouvoir continuer de compter sur le public européen, dans un monde, et surtout une Europe qui exige une protection et une transparence sur le traitement des données, encore plus importantes lorsqu’il s’agit de données sensibles.
« Nous voulons mieux répondre aux attentes mouvantes des personnes sur les méthodes des annonceurs », a indiqué mardi 9 novembre Graham Mudd, le vice-président chargé de la publicité du groupe.
Indifféremment des motivations qui ont poussé Facebook à déclarer un tel changement, ce dernier reste une avancée positive et non négligeable en matière de protection des utilisateurs. Elle s’avère aujourd’hui bienvenue et illustrant une volonté d’adaptation au public européen.
On peut espérer que cela aille plus loin que simplement le ciblage publicitaire des entreprises dans le but de vendre par la suite aux utilisateurs des produits ou services. Même si ce point serait déjà une très grande avancée en matière de protection des utilisateurs et de leurs données, l’idéal serait que ce type de données ne soit plus exploité pour proposer par la suite des contenus politiques, extrêmes ou déviants aux utilisateurs, contrairement à ce qui a pu être fait par le passé.
Pour conclure, bien que cette annonce serait une réelle avancée et volonté de coopérer avec les pays européens notamment en matière de protection des données, que pouvons-nous attendre d’une telle annonce ? Sera-t-elle respectée ? Sous quelles conditions ?
Lorie Masdieu
Sources :
- Article du Parisien
- Article du site les numériques
- Image, « dinero facebook » by clasesdeperiodismo