You are currently viewing Les avis Google : quand la notation devient une arme anticoncurrentielle

Selon une étude menée par des chercheurs de l’Harvard Business School, l’augmentation d’une étoile (le barème de notation) mène à l’augmentation de 5 à 9 % des revenus d’une entreprise. Les avis Google sont attribués librement par les internautes. Véritable vitrine virtuelle, ils façonnent la réputation en ligne des professionnels et conditionnent bien souvent le choix d’un restaurant, d’un cabinet d’avocats, d’un site géographique ou d’un produit. Mais ces avis Google sont-ils vraiment fiables ? La réponse est négative : n’importe qui peut publier, à la seule condition d’avoir un compte Google.

Ces avis constituent une des fonctionnalités de Google Profil d’entreprises. Depuis leur lancement en 2014, il s’agit d’un service gratuit qui contribue grandement au référencement local des entreprises de toutes sortes. 

Ceux-ci permettent de laisser une note, allant de 1 à 5 étoiles et il est également possible d’ajouter un commentaire. Pour les services de restauration, quelques détails s’ajoutent, comme des photos, le type de repas consommé, le prix dépensé par personne, ou encore les options végétariennes éventuelles. 

Les opinions partagées par les internautes sont extrêmement importantes pour les entreprises. Elles jouent en effet un rôle clé dans la réputation numérique des entreprises. Aujourd’hui, avant d’acheter un produit, de choisir un restaurant ou les services de n’importe quelle entreprise, la plupart des consommateurs consultent préalablement en ligne les avis. Une notation élevée va inciter les clients à franchir le pas. Au contraire, une mauvaise note va grandement impacter l’activité de l’entreprise.

Au-delà du critère de sélection par les internautes, l’algorithme de Google fait apparaître dans les meilleurs résultats de la page de recherche, les établissements qui, d’une part ont les meilleures notes, et d’autre part ont reçu le plus d’avis. 

Ainsi, la visibilité des entreprises est largement conditionnée à ce système de notation et leur viabilité en dépend souvent. 

Des entreprises évaluées avec des notes que l’on pourrait pourtant estimer correctes, sont ainsi cachées aux yeux des potentiels clients puisque Google privilégie celles qui ont généralement au-dessus de 4 étoiles. 

Ce système, bien que très pratique, est en fait un cercle vicieux pour les moins bien notés. En effet, les établissements ayant une note basse ou peu d’avis risquent de se retrouver en bas de la liste de recherche. En conséquence, ceux-ci vont attirer moins de clients, donc encore moins d’avis et ainsi de suite. 

Pour le cas d’un restaurant qui vient d’ouvrir, il peut y avoir certaines difficultés à exister face à des concurrents plus anciens.

Si l’algorithme de Google joue un rôle déterminant dans la visibilité des entreprises, il n’est cependant pas exempt de failles. 

  • Qui peut publier ces avis ? 

En réalité, n’importe qui peut publier un avis, qu’il ait réellement testé l’établissement ou non. La seule condition est d’avoir un compte google, c’est-à-dire une adresse gmail. Contrairement à d’autres plateformes qui exigent une preuve d’achat ou une réservation confirmée (comme Airbnb ou TripAdvisor dans certains cas), Google ne vérifie ni l’identité de l’auteur, ni la véracité des propos tenus.

La création de ce compte se fait de manière totalement gratuite et l’identité réelle de la personne derrière le compte n’est pas vérifiée donc un pseudo peut librement être utilisé. Cette absence de filtre ouvre la porte à plusieurs dérives : des concurrents mal intentionnés peuvent poster de faux avis négatifs pour nuire à une entreprise, tandis que certaines sociétés n’hésitent pas à acheter de faux avis positifs pour améliorer artificiellement leur réputation. 

Certains sites internet, trouvables en quelques clics, sont d’ailleurs spécialisés dans la vente de faux avis. Ainsi pouvons-nous en acheter une centaine pour la somme de 299 €.  

  • Quelle position a Google vis-à-vis de ces pratiques ? 

En 2023, le géant de la tech a mis en place un algorithme d’apprentissage automatique. Concrètement cette technologie analyse les avis de manière à détecter rapidement les activités suspectes comme les avis identiques sur plusieurs entreprises ou des pics inattendus d’avis de 1 ou 5 étoiles. Cette approche a grandement amélioré la rapidité mais également l’efficacité de la détection puisque dès sa mise en place, 170 millions d’avis frauduleux ont été supprimés, soit 45 % de plus que l’année précédant sa mise en place. 

En outre, Google n’hésite pas à agir sur le terrain judiciaire. Dans un communiqué de 2023, le responsable contentieux de la firme annonçait intenter un procès contre plusieurs escrocs, responsables de 14 000 avis frauduleux. Mais cela ne semble pas dissuader les potentiels fraudeurs.

  • Quelle solution alors ? 

Le Digital Service Act impose aux grandes plateformes comme Google de mettre en place un signalement efficace. Ainsi, les professionnels qui estiment qu’un avis est faux peuvent le signaler. Mais bien évidemment, cela ne garantit par le retrait puisque certains avis ne sont pas manifestement frauduleux. 

La meilleure solution reste de répondre cordialement aux avis, qu’ils soient frauduleux ou simplement négatifs. Une réponse bien formulée permet non seulement de rétablir la vérité face à un avis injustifié, mais aussi de rassurer les clients potentiels qui consultent les évaluations avant de faire un choix. Lorsqu’un avis semble frauduleux ou manifestement erroné, l’entreprise peut apporter des précisions, expliquer les circonstances ou inviter l’auteur à un échange plus approfondi. Cette transparence renforce la crédibilité de l’entreprise et limite l’impact des fausses évaluations. 

Précisons également que ces pratiques commerciales trompeuses peuvent être sanctionnées. Récemment, une agence immobilière située dans la Somme qui avait demandé à ses salariés de poster eux-mêmes des avis positifs a écopé d’une amende de 100 000 € par la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes. 

 

Louis PERRIN–CONRARD

M2 – CYBERJUSTICE



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