Le 25 juin 2024, le Parquet de Paris a annoncé publiquement avoir fermé le site internet « coco.gg ». Repère à délinquants sexuels, ce site internet était défavorablement connu depuis plusieurs années. Au sein de ce dernier se mêlaient prostitution, proxénétisme ou encore guet-apens suivis d’agression sexuelle. Réalisée sous l’égide de la juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (JUNALCO), cette fermeture est avant tout l’œuvre d’une véritable enquête et coopération internationale.
Les faits reprochés
« Coco.gg », site internet créé en 2003, n’était pas inconnu de la justice. Depuis plusieurs années, la mention de ce site internet devenait récurrente dans de nombreuses affaires criminelles (guet-apens, viols, proxénétisme). En avril 2024, un jeune homme, Philippe Coopman, avait été tué dans le nord de la France à la suite d’un guet-apens tendu par deux agresseurs. Ces derniers avaient donné rendez-vous à leur victime par le biais de coco.gg, se faisant passer pour une jeune fille mineure sur le site.
Cette terrible affaire n’en étant qu’une parmi d’autres dans lesquelles coco.gg était cité, la justice avait de facto le site dans son collimateur. En outre, cette fermeture avait déjà été réclamée par plusieurs associations, dont SOS homophobie en 2023, qui relayait des accusations de guet-apens tendus à des personnes homosexuelles via ce site.
A la date de fermeture de coco.gg, 23 051 procédures judiciaires en lien avec la plateforme avaient été ouvertes. De surcroît, entre le 1er janvier 2021 et le 7 mai 2024, 480 victimes de ce site ont pu être recensées par la justice.
En ce sens, les accusations pesant sur coco.gg sont lourdes. La société gérant le site internet est accusée de « fourniture d’une plateforme en ligne pour permettre une transaction illicite en bande organisée », puni, selon l’article 323-3-2 du Code pénal, de dix ans d’emprisonnement et de 500 000 euros d’amende. En sus de cette accusation principale, la plateforme est également poursuivie pour de nombreuses infractions relatives au proxénétisme ou encore à la pédocriminalité.
Le fonctionnement du site pointé du doigt
Véritable darkweb sur le clearweb, coco.gg pouvait être considéré comme un réseau pédocriminel, visible au grand jour, accessible à tous facilement. La plateforme, dénuée de toute modération, laissait le champ libre à toutes les dérives. Et pour cause, les délinquants de ce site ne pouvaient pas être retrouvés, car l’architecture de coco.gg ne conservait pas de trace des messages échangés entre membres.
De plus, l’inscription y était très facile ; il suffisait de renseigner son pseudo, son âge, son code postal ainsi que son genre. Une fois cette inscription effectuée, l’utilisateur se retrouvait avec des personnes de la tranche d’âge qu’il avait mentionnée, dans le secteur géographique du code postal renseigné. Une véritable aubaine pour les nombreux réseaux pédocriminels qui ont pu agir sur ce site pendant plusieurs années.
Depuis la fermeture de la plateforme, un message de la Gendarmerie Nationale apparaît quand on souhaite y accéder. Ce dernier indique les entités qui ont permis sa fermeture, à l’instar de la « Direction Générale des Douanes et Droits Indirects » ou encore la « JUNALCO du Parquet de Paris ».
A l’heure actuelle, plusieurs sites miroirs ont essayé de ressusciter la plateforme coco.gg, mais ont tous été fermés rapidement par ces mêmes autorités.
Le caractère international de l’enquête
La fermeture de la plateforme coco.gg représente un véritable exemple dans la lutte internationale et la coopération interétatique dans le domaine cyber. En effet, elle n’aurait pu avoir lieu sans l’intervention d’organismes extérieurs.
Dans un premier temps, cette coopération internationale a dû s’effectuer sur l’aspect matériel. Le site était enregistré sur l’île de Guernesey (d’où le « .gg » à la fin du nom de domaine), la société responsable du site était basée en Bulgarie, tandis que les serveurs hébergeant la plateforme étaient disséminés dans plusieurs pays européens, dont l’Allemagne et la Lituanie. Cet étalement géographique est en partie responsable de la longueur de l’enquête et du temps requis avant la fermeture de la plateforme.
Dans un second temps, cette fois-ci sur le volet humain, quatre arrestations ont pu avoir lieu. Le créateur du site, Isaac STEIDL, a été interpellé en Bulgarie, tandis que trois autres complices, probables administrateurs de la plateforme, ont été arrêtés dans le sud de la France. Ces interpellations simultanées ont notamment pu voir le jour grâce à la force d’Eurojust, l’agence européenne de coopération judiciaire.
Matthias LEVIEUX
Promotion 2023/2024
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