You are currently viewing TikTok : Décryptage du rapport de la commission d’enquête du Sénat

Est-ce que le réseau social préféré des jeunes va être banni en France ? Après plusieurs mois de travaux et d’auditions, la commission d’enquête du Sénat français ouverte sur « La tactique TikTok : opacité, addiction et ombres chinoises » vient de rendre son rapport.

Les principales questions soulevées par ce rapport sont celles des liens de l’application avec le gouvernement chinois mais également celles de l’addictivité du réseau et de son influence sur le comportement des plus jeunes. La commission parvient ainsi à 21 propositions.

 

S’agissant des rapports persistants avec la Chine 

La question centrale du rapport est celle des liens persistants de l’application avec la Chine et ses autorités. Pour les sénateurs, « TikTok et ByteDanse (sa maison mère) seraient dépendants de l’Etat chinois sur le plan technique, capitalistique, juridique et politique ». Les sénateurs critiquent notamment la fausse transparence du réseau social et ce pour plusieurs points :

  • Le contrôle étroit exercé sur l’application par le Parti communiste chinois

La comparaison est faite à Huawei, dont l’utilisation du matériel pour le déploiement du réseau 5G en France avait été restreint très fortement par l’ANSSI (Agence nationale chargée de la sécurité informatique). Cette quasi-interdiction résultant du refus de l’ANSSI de donner des autorisations d’exploitation à Huawei était le résultat de lourds soupçons d’espionnage au profit de Pékin. A l’époque, Huawei, comme TikTok, avait nié tout lien avec le gouvernement chinois.

  • L’immatriculation aux Îles Caïmans

Le PDG de TikTok, M. Shou Zi Chew, a expliqué au Congrès américain que ByteDanse était immatriculée aux Îles Caïmans et qu’elle était détenue par des investisseurs américains si bien qu’il y a une « séparation totale entre TikTok et les autres entités opérant en Chine ».

Pour les rapporteurs, l’immatriculation aux Îles Caïmans révèle un manque de transparence flagrant et renforce le sentiment d’opacité à l’égard de la plateforme. De plus, TikTok a besoin des technologies et des brevets de la branche de Pékin pour fonctionner. Ainsi, bien que ByteDanse revendique qu’il n’y ait pas de lien entre TikTok et Douyin (branche chinoise), celle-ci serait soumise au contrôle des autorités chinoises via une golden share (action spécifique).

  •  L’utilisation des données par la Chine

Les travaux de la commission ont révélé entre autres des faits d’espionnage, de géolocalisation mais surtout des transferts de données vers la Chine. De plus, la collecte massive de données amènerait à un profilage algorithmique des utilisateurs. Les pratiques de l’application seraient également contraire au principe de minimisation du RGPD (Règlement général pour la protection des données).

Cette masse de données serait amenée à transiter entre de nombreux pays hors UE (Union européenne) ce qui pose de sérieux problèmes en termes de sécurité des traitements.

 

S’agissant de l’addictivité de la plateforme et de son effet sur les plus jeunes 

TikTok serait addictif et cette addictivité découlerait d’un algorithme particulièrement performant. Cette performance résulte du concept de l’application qui consiste en une succession de vidéos très courtes ce qui fournit à l’algorithme des données d’entraînement d’une richesse incomparable en nombre et en qualité. Or, aucune transparence n’est fournie sur ce dernier et des faits de désinformation ou de promotion de contenus dangereux ont été révélés.

En effet, TikTok participerait au phénomène de désinformation et de bubblefilter (méthode de filtrage algorithmique du contenu) notamment auprès des plus jeunes. Il en résulte un isolement intellectuel, accentué par l’addictivité de l’algorithme qui a pour objectif de capter l’attention de l’utilisateur le plus longtemps possible. 

En France, 63% des jeunes de 12 ans utilisent TikTok alors que l’application est censée être interdite au moins de 13 ans. En résulte ce phénomène que certains psychologues qualifient d’ « abrutissement » mais les conséquences peuvent être encore plus néfastes.

Il est avéré que l’algorithme est souvent amené à mettre en avant des contenus dangereux. Ce contenu dangereux résulte de l’algorithme d’enfermement et touche les plus vulnérables, notamment les plus jeunes avec un phénomène d’amplification des difficultés psychologiques. Par exemple, on retrouve sur TikTok beaucoup de vidéos glamourisant les troubles du comportement alimentaire ce qui peut avoir des effets tragiques chez les jeunes filles et jeunes garçons ayant déjà un rapport avec leur corps ou avec la nourriture, compliqué. Des challenges dangereux circulent également sur la plateforme et la politique de modération ne semble pas à la hauteur des enjeux.

Enfin, l’accès de l’application aux mineurs de 13 ans pose également problème. Ces derniers passent, en effet, de nombreuses heures sur l’application chaque jour alors qu’ils ne devraient pas y avoir accès. En plus, ils ont de grandes chances de tomber sur du contenu dangereux. Ainsi, les rapporteurs exigent que TikTok mette en place un système performant de vérification de l’âge, prévoyant des tiers certificateurs indépendants.

 

Les propositions de la commission d’enquête sont nombreuses et couvrent les différents sujets précités, il appartient ainsi à TikTok de prendre ou non en compte ces considérations sous peine de voir son utilisation encore plus restreinte sur le territoire français. L’application est aujourd’hui, interdite dans plusieurs pays et sa version est restreinte dans de nombreux autres, France comprise.

 

Chloé PADAR

Master 2 Cyberjustice – Promotion 2022/2023 

 

Liens utiles

https://www.senat.fr/travaux-parlementaires/structures-temporaires/commissions-denquete/commission-denquete-sur-lutilisation-du-reseau-social-tiktok-son-exploitation-des-donnees-sa-strategie-dinfluence.html


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