You are currently viewing Twitter quitte le Code de l’Union européenne contre la désinformation 

En 2018, des grandes entreprises technologiques telles que Twitter, Google, Meta ou Microsoft ont signé, sur la base du volontariat, le Code de pratique sur la désinformation de la Commission européenne dans lequel elles reconnaissent avoir un rôle dans la lutte contre la désinformation. Les entreprises de cette industrie reconnaissent pour la première fois que la désinformation est un défi majeur pour l’Europe, car les sociétés démocratiques dépendent du débat public. Cela suppose que les citoyens soient correctement informés afin d’exprimer leur volonté « dans le cadre de processus politiques libres et équitables ». Cependant, le 26 mai 2023, Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur, annonce le retrait de Twitter du Code.  

 

Qu’est-ce que la désinformation?

D’après la Commission européenne, la désinformation se définit comme des « informations fausses ou trompeuses vérifiables qui sont créées, présentées et diffusées dans un but économique ou pour tromper intentionnellement le public, et peuvent causer un préjudice au public ». Cette notion n’inclut pas la publicité trompeuse, les erreurs de reportage, la satire et la parodie, ou les opinions partisanes identifiées. 

 

Le Code de pratique sur la désinformation de 2018, renforcé en 2022

L’avènement d’Internet et des nouvelles technologies a considérablement changé la manière dont les citoyens communiquent, participent au débat public et accèdent à l’information. Les jeunes utilisateurs, en particulier, utilisent les réseaux sociaux comme principale source dinformation. La Commission européenne, dans sa communication du 26 avril 2018 « lutte contre la désinformation en ligne : une approche européenne », énonce les dangers d’Internet, qui inclut notamment la diffusion en masse de désinformation. Cela a pour conséquence une possible perte de confiance dans les institutions, nuisant aux démocraties. Par ailleurs, les citoyens ne peuvent pas prendre de décisions en toute connaissance de cause car, toujours d’après la Commission européenne, la désinformation concerne souvent des idées et des activités radicales et extrémistes. Il est donc nécessaire pour les acteurs publics et privés de garantir la liberté d’expression, tout en limitant la diffusion de la désinformation. 

C’est dans ce cadre que s’inscrit l’adoption du premier Code de pratique de 2018. Les signataires s’engagent entre autres à :

  • assurer la transparence de la publicité, notamment politique, permettant à l’internaute de comprendre pourquoi il a été ciblé ;
  • mettre en oeuvre des politiques de lutte contre la désinformation, par exemple en bloquant le contenu, voire le compte ; ou encore
  • assurer une diversité d’informations, provenant de sources différentes à l’internaute, lui permettant ainsi d’avoir accès facilement à des points de vue alternatifs.

Par ailleurs, conformément à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme qui protège la liberté d’expression et d’opinion, les plateformes ne peuvent ni être contraintes par les gouvernements, ni adopter elles-mêmes des politiques visant à «.supprimer ou empêcher l’accès à des contenus ou messages au seul motif qu’ils sont perçus comme faux » : le contenu doit expressément remplir les conditions de la désinformation. Elles doivent ainsi tout mettre en œuvre pour assurer la priorité aux informations pertinentes, authentiques et exactes.

Toutefois, ce Code ne suffit pas pour lutter contre la désinformation en ligne, qui présente encore des menaces. D’après Věra Jourová, vice-présidente chargée des valeurs et de la transparence de la Commission européenne, l’Union européenne (UE) doit : 

« intensifier [son] action collective pour responsabiliser les citoyens et protéger l’espace d’information démocratique. Il convient de disposer d’un nouveau code plus solide car les plateformes en ligne et les autres acteurs [doivent remédier] aux risques systémiques liés à leurs services et à l’amplification algorithmique, qu’ils ne soient plus seuls à surveiller eux-mêmes leur activité et qu’ils cessent de permettre de gagner de l’argent grâce à la désinformation, tout en préservant pleinement la liberté d’expression ». 

 

Le Code de pratique renforcé de 2022 sur la désinformation s’inscrit dans ce contexte. L’UE a pris conscience que les signataires n’avaient pas toujours respecté leurs engagements, notamment lors de la pandémie Covid-19. Bien que certaines plateformes ont encadré les publicités et encouragé leurs utilisateurs à vérifier le contenu avant de le partager (comme cela a été le cas avec Twitter), des lacunes persistent. Tout en s’appuyant sur le Code de 2018, celui de 2022 préconise également la transparence de la publicité politique, la démonétisation de la diffusion de désinformation, et la vérification de faits. Les 34 signataires s’engagent également à mettre en place une task-force qui crée un forum permettant de faire vivre ce Code, en l’adaptant à l’évolution des technologies, des besoins et des pratiques de la société. Les objectifs et obligations du Code sont repris dans le Digital Service Act (DSA) du 19 octobre 2022, qui vise notamment à responsabiliser les acteurs et protéger les consommateurs contre la désinformation en ligne – règlement européen contraignant à partir du 17 février 2024

 

Le retrait de Twitter 

Selon Jean Cattan, secrétaire général du Conseil national du numérique, « Elon Musk joue selon ses règles, pas en fonction de celles de l’Union européenne ». En se retirant du Code, il n’y a pas de conséquences concrètes, puisque son adhésion était basée sur le volontariat. En revanche, si Twitter ne respecte pas les obligations de lutte contre la désinformation prévues par le DSA, l’entreprise s’expose à des amendes pouvant aller jusqu’à 6% de son chiffre d’affaires annuel mondial, et son activité pourrait même être suspendue jusqu’à ce qu’elle se conforme aux obligations réglementaires. 

 

Twitter, comme 19 autres très grandes plateformes, ont désormais jusqu’au 25 août 2023 pour se conformer au DSA. 

 

Hannah Siegrist

M2 Cyberjustice – Promotion 2022/2023

 

Sources :

 

A propos de Hannah Siegrist