La transformation numérique a impacté tous les aspects de la société moderne. Les relations internationales n’y échappent pas. Depuis plusieurs années, de nombreux pays, dont la France, adoptent des stratégies pour faire valoir leurs intérêts, notamment dans le cyberespace.
La diplomatie numérique, une nouveauté du XXIe siècle
Thomas Gomart, historien des relations internationales, explique que la notion de diplomatie est intimement liée à celle de souveraineté. Ce sont les Etats souverains disposant d’un territoire qui pratiquent la diplomatie. Territoire qui est régi par un droit national et défendu par une force militaire. Toutefois, la notion de territoire est moins évidente dans le cyberespace. Selon Thomas Gomart : « La diplomatie numérique est souvent présentée comme un avatar de la diplomatie publique, c’est-à-dire comme un moyen d’entrer directement en contact avec les sociétés civiles en utilisant les réseaux sociaux afin de mettre en œuvre des stratégies d’influence ».
Historiquement, le premier élément marquant de cette diplomatie est la création en 2002 par le Département d’Etat, l’équivalent du ministère des Affaires étrangères, d’une taskforce sur l’eDiplomacy. Ensuite, c’est sous l’administration d’Obama que la diplomatie étasunienne a repris de l’importance. Le but était d’influencer l’opinion mondiale à travers « un empire médiatique global ». De nos jours, des centaines de diplomates s’activent chaque jour à Washington pour atteindre cet objectif. Ce qui fait des Etats-Unis d’Amérique la première puissance diplomatique mondiale en matière de numérique.
La stratégie internationale de la France pour le numérique
Le 15 décembre 2017, Jean-Yves Le Drian, alors ministre de l’Europe et des affaires étrangères, a exposé la stratégie internationale de la France pour le numérique. Il a expliqué que la diplomatie française allait se concentrer sur 4 enjeux prioritaires : « Garantir la sécurité internationale du cyberespace […] ; Contribuer à la gouvernance de l’Internet en renforçant son caractère ouvert et diversifié […] ; Promouvoir les droits humains, les valeurs démocratiques et la langue française dans le monde numérique […] ; Renforcer l’influence et l’attractivité des acteurs français du numérique ». L’objectif est de réaffirmer la puissance de la France et de l’Europe dans un contexte où le numérique est de plus en plus dominé par les Etats-Unis d’Amérique et la Chine.
Afin de garantir la sécurité internationale du cyberespace, la France est présente à tous les niveaux :
- Au niveau national : elle s’est dotée dès 2015 d’une stratégie nationale pour la sécurité numérique. Elle peut compter sur différents acteurs opérationnels pour mener à bien sa politique : l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (ANSSI), le ministère des Armées et le ministère de l’Intérieur.
- Au niveau européen : elle défend activement le concept « d’autonomie stratégique numérique de l’Union Européenne ». Ce dernier est basé sur l’innovation, la réglementation et la cyberdéfense. Elle est également pleinement investie dans la coopération entre les Etats membres.
- Au niveau international : elle fait la promotion d’un cyberespace sûr, stable et ouvert. L’acte le plus marquant reste L’Appel de Paris pour la confiance et la sécurité dans le cyberespace du 12 novembre 2018. Cette déclaration politique soutenue par plus de 80 États et 700 entreprises, a pour ambition de rappeler la primauté des droits de l’Homme et du droit international au sein du cyberespace. La conception du cyberespace comme zone de non-droit est dépassée selon le gouvernement français. La France est également investie dans de nombreuses organisations internationales pour promouvoir la cybersécurité : ONU, Union Européenne, Alliance Atlantique, G7, OCDE, OSCE etc.
Le rôle d’Ambassadeur du numérique
Afin d’étoffer sa diplomatie numérique, le gouvernement français a décidé de se doter d’un ambassadeur pour le numérique. C’est Henri Verdier, spécialiste de l’open data, qui a endossé ce rôle fin 2018. Il explique que son rôle est « d’unifier une vision et un discours français pour faire face à des menaces potentiellement graves non seulement sur Internet, mais sur toute l’économie et la société. ». Le numérique concerne de nombreux domaines et d’innombrables acteurs et cette diversité appelle à l’unification de la réflexion et des décisions.
Il développe ses axes d’actions en fonction des quatre grandes menaces pour le cyberespace contemporain. Tout d’abord, la « militarisation d’internet » avec le développement de la cybercriminalité qui doit être réglée par le droit et la prudence. Ensuite vient les « grands déséquilibres » entre les pays qui doivent être réglés par le partage de l’innovation et la coopération internationale. Puis il y a l’hégémonie grandissante des géants du numérique qui menace la concurrence et le développement des entreprises françaises et européennes. Enfin, ces grandes plateformes constituent aussi une menace pour le débat public et la démocratie à travers les réseaux sociaux et leurs algorithmes.
Pour atteindre ses objectifs, Henri Verdier est convaincu qu’il faut dépasser les pratiques diplomatiques traditionnelles et solliciter tous les acteurs, publics ou privés, du numérique : « L’Etat a donc bien conscience que si la France veut porter sa vision du numérique, elle devra s’appuyer sur la force de tout un écosystème ».
Léo Tarpin
M2 Cyberjustice – Promotion 2022/2023
Sources :
– https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/diplomatie-numerique/
– https://www.alliancy.fr/diplomatie-numerique-france
– Gomart Thomas, « De la diplomatie numérique », La vie numérique, janvier 2013.