Avec les progrès réalisés dans le domaine de l’internet des objets (IoT), les Digital Twins suscitent un intérêt majeur auprès des entreprises. Les solutions qu’englobent ce concept sont susceptibles d’apporter des bénéfices sans précédents dans des secteurs industriels diverses. Présenté comme une révolution majeure, le concept de jumeau numérique fait peu à peu son chemin dans nos vies.
Apollo 13 : le premier Digital Twin
Lors d’une mission de la NASA en 1970, les réservoirs d’oxygène de la fusée Apollo 13 explosent. À l’aide d’une réplique physique similaire à celui de la fusée sur Terre, les ingénieurs testent différentes options et transmettent ensuite la solution aux trois astronautes. De cette expérience de sauvetage est en réalité né le concept de jumeau numérique !
Ce qui fait de la mission Apollo 13, la première utilisation d’un jumeau numérique. C’est la façon dont les contrôleurs de mission de la NASA ont pu adapter et modifier rapidement les simulations, pour correspondre aux conditions du vaisseau spatial paralysé de la vie réelle, afin qu’ils puissent effectuer des recherches, rejeter et perfectionner les stratégies nécessaires pour ramener les astronautes sur terre.
Les jumeaux numériques
Un jumeau numérique[1] incarne une réplique numérique d’un objet, d’un processus ou d’un système qui peut être utilisé à diverses fins. Ce process permet tout au long du cycle de vie des données, d’apporter des éléments sur la dynamique du réel fonctionnement de l’objet. Ce double numérique est continuellement nourri de données récoltées sur l’objet physique pour que celui-ci évolue de manière identique.
Il est doté d’algorithmes d’intelligence artificielle lui permettant de prendre des décisions comme un être humain. C’est un vrai outil permettant d’étudier, en amont et en aval, les impacts de décisions et d’événements.
Un tel procédé peut être utilisé à tout moment du cycle de production : conception, simulation, surveillance, optimisation ou entretien de produit.
En centralisant l’ensemble des données relatives à une technologie, cette solution permet de faciliter l’accès à la documentation ainsi que le travail des techniciens. Elle offre de nombreuses possibilités pour renforcer la performance des produits, anticiper les étapes de leur cycle de vie ou planifier les activités de toute une chaîne de production.
L’industrie 4.0
Selon Stéphane Raynaud[2], l’industrie 4.0 se définit comme : « La 4ème révolution industrielle, c’est la possibilité au travers de l’internet des objets, au travers de la robotique, de la réalité mixte, l’ensemble des dispositifs, de revoir fondamentalement la manière dont les usines fonctionnent, mais au-delà de l’usine, une fois le produit mis en service, comment l’accompagner tout au long de son cycle de vie. ».
Cette nouvelle forme d’industrie organise des processus de production induits par les innovations de l’IoT, regroupant l’ensemble des objets connectés. La technologie du jumeau numérique est un élément essentiel dans cet essor. Elle permet de décomplexifier les écosystèmes et de pousser l’efficacité des produits encore plus loin.
Des clones virtuels de patients Covid
Un projet de recherche européen et interdisciplinaire mené par le Centre pour les systèmes intelligents (CIS) de l’EPFL (école polytechnique fédérale de Lausanne), a pour objectif de créer un jumeau numérique des patients contaminé par le virus de la Covid, pour pouvoir prédire par la suite l’évolution des formes de la pandémie.
Mené par l’EPFL, le projet européen Digipredict[3] (contraction de numérique et de prédiction) a pour objectif d’exploiter ce concept technologique pour prédire les formes graves de Covid. Le jumeau numérique qui y est développé se nourrira de données issues du patient et collectées à l’aide d’un patch enregistrant les taux d’oxygène, de respiration et la température corporelle de la personne concernée.
Cette innovation permet de suivre la progression de la maladie en temps réel afin de prodiguer le traitement le plus adapté. Un prototype devrait être prêt d’ici deux ans.
Focus Data
Dans un monde de traitement massif de la donnée, l’utilisation des données apparait comme une préoccupation majeure. Il est primordial de récupérer les bonnes données et de bien les exploiter. Une telle technologie a pour objectif de permettre une exploitation de données par principe fiables et représentatives.
Des données incomplètes ou mal utilisées peuvent entraîner des conséquences désastreuses, comme le disfonctionnement d’un avion en plein vol ou encore la délivrance d’un mauvais traitement à un patient.
Aujourd’hui, le problème de la sécurisation des données se pose pour la confidentialité de celles-ci et peut être accru par le traitement de données sensibles, majoritairement dans le milieu médical. Les enjeux que soulèvent les jumeaux numériques sont donc : la sécurisation, l’anonymisation et la confidentialité des données.
État du droit
Le Règlement général sur la protection des données du 27 avril 2016 prévoit
des obligations et procédures obligatoires en cas d’utilisation des données :
- Article 5 : obligation de transparence, de loyauté, de stockage pour une durée raisonnable et de tenir à jour ces données ;
- Articles 6 et 7 : obligation de contentement pour le traitement des données et possibilité de retrait à tout moment ;
- Article 9 : la possibilité de collecter et de traiter les données sensibles repose sur le consentement préalable de la personne concernée.
[1] Digital twin ou device shadow en anglais
[2] Global Practice Manager Industry 4.0 à Inetum
[3] DIGIPREDICT, acronyme de Edge AI-deployed DIGItal Twins for PREDICTing disease progression and need for early intervention in infectieuses et cardiovasculaires au-delà de COVID-19, est un projet de 48 mois commençant en janvier 2021.
Romane Leban-Mathieu
Master 2 Cyberjustice – promotion 2021-2022