You are currently viewing Les dangers de l’impression 3D d’armes à feu

L’impression 3D est actuellement l’une des innovations qui a le plus le vent en poupe. Toutefois, comme la plupart des technologies, son utilisation peut être détournée de son but premier. Cet article sera ainsi l’occasion d’évoquer l’une de ses dérives à travers le phénomène de “Ghost Gun”, des armes fabriquées grâce aux imprimantes 3D.

Le secteur de l’impression 3D connaît une forme olympique parmi les innovations majeures de la dernière décennie. Le marché de l’imprimerie 3D pouvait en effet s’enorgueillir d’un marché en croissance de 52% en 2020 avant la crise sanitaire.

Pour rappel, l’impression 3D est aussi dénommée fabrication additive. Cette technologique consiste en l’utilisation de procédés de fabrication de pièces en volume par ajout de couches successives de matières déterminées grâce à une modélisation 3D.

De prime abord cette technologie vise à aider les entreprises dans leur démarche de prototypage industriel. Seulement, un phénomène outre-Atlantique a permis aux Etats de constater que l’impression 3D n’était pas exempt de risques. 

L’émergence des armes fantômes

C’est aux États-Unis que le phénomène a pris forme, plus particulièrement en 2013 avec Cody Wilson, le concepteur du tout premier pistolet imprimé en 3D, le Liberator. Ce dernier, avec son organisation Defense Distributed, a diffusé les plans de son arme gratuitement sur les réseaux, afin que tous puissent être libres de la fabriquer.

Suite à des procès initiés par le gouvernement américain, le site via lequel l’organisation distribuait ces plans, fut mis aux arrêts. Seulement ce site, DEFCAD  a connu une seconde vie en 2018. En effet, la légalisation de l’impression 3D d’armes par l’administration Trump et le groupe décentralisé Deterrence Dispensed, regroupant une communauté d’amateurs d’armes à feu et d’activistes libertariens, ont contribué à ce renouveau. 

Actuellement, ces membres se partagent et peuvent télécharger librement des modèles d’impression d’armes et de munitions artisanales, en contrepartie d’une cotisation annuelle de cinquante dollars. Ces militants prônent comme motivation les deux premiers amendements de la constitution américaine, à savoir la liberté d’expression et de porter une arme.

Confectionner sa propre arme à feu est légal aux États-Unis, à la condition de lui graver un numéro de série. C’est là que réside le problème du détournement des imprimantes 3D : la création d’armes à l’écart des circuits officiels. Il s’agirait d’armes intraçables et qui plus est, en plastique donc indétectables par les détecteurs de métaux. On parle alors de Ghost Guns ou d’armes fantômes. 

La problématique des armes fantômes

Les Ghost Guns peuvent être dangereux même pour leurs porteurs puisque pour les armes les moins perfectionnées, donc moins chères à produire, il y a de grands risques qu’elles explosent ou fondent dès les premières utilisations. 

Mais la crainte que produit ce phénomène tient essentiellement à leur intraçabilité et à leur discrétion. C’est avec une arme imprimée qu’un terroriste antisémite a pu commettre l’attentat du 9 octobre 2019 à Halle-sur-Saale en Allemagne faisant deux morts et deux blessés graves. Le terroriste a d’ailleurs indiqué qu’il lui avait suffi de cinquante dollars de matériel pour confectionner son arme. 

Une autre difficulté pourrait concerner le droit pénal à l’avenir. Si un criminel commande des pièces différentes imprimées dans des entreprises civiles situées dans plusieurs Etats distincts, chaque composant de l’arme sera logotypé d’une entreprise d’une nationalité différente. Cela compliquerait l’affaire en matière de preuve, de responsabilité pénale ou encore pour déterminer si un individu se prépare à commettre une infraction.

Mais qu’en est-il en France et en Europe ?

Sur le vieux continent et notamment en France, la législation sur les armes à feu est beaucoup plus stricte. Qu’il s’agisse du port d’arme ou de la détention d’une arme à feu, les règles sont particulièrement rigides et ne concernent que des membres des administrations dans le cadre de leur activité professionnelle. Il existe quelques exceptions pour les chasseurs, les tireurs sportifs ou encore les personnes menacées.

Aujourd’hui même les sociétés professionnelles d’impression 3D sont étroitement surveillées. De surcroît, l’article L317-1-1 du code de la sécurité intérieure réprime de 7 ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende la fabrication ou le commerce de matériels, d’armes, de munitions ou d’éléments essentiels à leur création. 

La vente de plans et l’impression d’armes à feu peuvent donc être très sévèrement punies en France où il n’existe pas encore de précédent, contrairement au Royaume-Uni, où un étudiant fut condamné à 3 ans de prison ferme pour avoir imprimé une arme fantôme.

En réalité, le problème des armes fantômes est encore quasi-inexistant puisqu’aucune affaire de reproduction d’armes 3D ne s’est retrouvée devant les tribunaux français. Les sociétés du secteur ont pourtant fait l’objet de demandes d’impression de pièces d’armes à feu. Ces dernières ne manquent pas de refuser ou de signaler ces commandes. 

Si la différence est si prégnante par rapport aux États-Unis c’est surtout dû à une différence de culture. De plus, le façonneur de l’arme doit aussi disposer d’un savoir-faire spécifique et des ressources nécessaires pour se fournir une imprimante 3D. 

Ainsi en France, il faudrait attendre que des progrès techniques et matériels rendent l’impression 3D plus accessible financièrement pour qu’un véritable risque de propagation d’armes fantômes émerge.

Pour conclure, il est essentiel de distinguer le débat sur la légalisation du port d’arme et celui de l’impression d’armes fantômes, puisque ces dernières impliquent un anonymat pouvant être vecteur d’un sentiment d’impunité et donc de réalisation d’infractions.

Léo Detoisien – M2 Cyberjustice – Promotion 2021/2022

Sources majeures :

https://www.3dnatives.com/armes-imprimees-en-3d-08092020/

https://www.lci.fr/societe/creer-une-arme-a-feu-via-une-imprimante-3d-est-il-a-la-portee-de-n-importe-qui-2184094.html

https://www.usinenouvelle.com/article/ces-reseaux-decentralises-qui-relancent-l-impression-3d-d-armes-a-feu.N848440

https://www.vice.com/fr/article/8897pb/les-armes-imprimees-en-3d-seront-bientot-pres-de-chez-vous

 

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