Avec l’automatisation du monde du travail, le marché français ne s’en trouve pas moins bouleversé. D’après l’OCDE, 32 % des emplois seraient amenés à être transformés par le biais du numérique. Un changement considérable que n’a pas réfuté la ministre du travail en décidant de faire de la recherche dans le domaine, une nouvelle priorité.
L’origine du projet
Le 19 novembre dernier, la ministre du travail Elisabeth Borne – en déplacement à l’institut de l’innovation parisien Matrice – a signé une convention avec l’INRA (institut national de recherche en science et technologie numérique). Ce texte a dès lors permis la création d’un laboratoire de recherche exclusivement dédié à l’intelligence artificielle.
On peut se questionner sur l’origine de l’implication du ministère du travail dans un tel projet. Ce laboratoire baptisé « LaborIA » aura pour objectif principal de : « mieux cerner l’intelligence artificielle et ses effets sur le travail, l’emploi, les compétences et le dialogue social afin de faire évoluer les pratiques des entreprises comme l’action publique ».
Pourtant, il ne s’agit pas d’une avancée spontanée. Le PMIA (le partenariat mondial pour l’IA) lancé par le G7 en 2020, constitué de groupes de travaux, dont celui dénommé « avenir du travail », aurait déjà suggéré l’importance de l’intégration de l’IA au monde professionnel dans ses recommandations.
Le projet de LaborIA
Dans un premier temps, le programme LaborIA doit envisager le rapport des entreprises et des acteurs publics à l’intelligence artificielle. Elle devra ensuite permettre de déployer des applications concrètes afin de s’assurer de leur efficacité. Une application nécessaire sur le lieu de travail, et qui aborderait toutes les thématiques liées au monde professionnel, à savoir : les conditions de travail, de recrutement, l’évolution des compétences…
Ce projet, prévu pour une durée de cinq ans, s’organisera de la manière suivante[1] :
- Après enquête réalisée auprès d’entreprises entre novembre 2021 et avril 2022, il donnera naissance à un baromètre sur l’intelligence artificielle au travail permettant de faire le point sur le déploiement de ces nouvelles technologies dans le monde du travail et de leur impact sur les entreprises et les travailleurs ;
- Parallèlement à l’enquête, il formalisera avec les entreprises de projets concrets mobilisant l’intelligence artificielle ;
- Enfin, dès septembre 2022 et pour une durée de six mois, aura lieu le lancement des expérimentations: elles permettront de faire des recommandations.
Vers un monde entièrement automatisé ?
Dans un communiqué, le directeur général de Matrice François-Xavier Petit a déclaré : « […] réorganiser sa manière de produire, aller chercher de nouvelles compétences, se doter d’une nouvelle approche entre ce qui relève de l’humain et ce qui relève la machine, automatiser des pans entiers du travail pour ‘désautomatiser’ les humains ». La philosophe Hannah Arendt[2] imaginait déjà un monde où l’automatisation remplacerait l’Homme. Ici, en cherchant à intégrer l’IA au marché du travail, on tente de trouver des solutions alliant le travail de l’Homme et celui de l’automate, évitant alors une substitution définitive de l’un par rapport à l’autre.
Elsa Moriceau
[1] LaborIA – Création d’un centre de ressources et d’expérimentations sur l’intelligence artificielle dans le milieu professionnel (22 novembre 2021) [Communiqué de presse].
[2] Condition de l’homme moderne, Hannah Arendt, 1958 : « C’est une société de travailleurs que l’on va délivrer des chaînes du travail, et cette société ne sait plus rien des activités plus hautes et plus enrichissantes pour lesquelles il vaudrait la peine de gagner cette liberté. »
Image : Tara Winstead, Pexels