You are currently viewing Les avatars post-mortem

« Même si l’IA ne peut pas éliminer la douleur de la perte, elle peut certainement faire perdurer les souvenirs ». 

Ce sont les mots de Rohit Prasad, vice-président senior d’Amazon, annonçant que l’entreprise élabore une mise à jour d’Alexa permettant l’imitation de n’importe quelle voix humaine, y compris celle d’un proche décédé.

Cette reconstitution numérique d’interactions entre les vivants et leurs proches décédés apparaît comme une ample avancée technologique.

Cependant, cette capacité à prolonger la personnalité juridique du défunt en une personnalité virtuelle nous invite à nous interroger sur son cadre et son statut juridique.

 

Que sont les avatars post-mortem ?

Appelés également « chagrinbots » ou « deadbots », ils permettent à leurs proches d’échanger avec eux et provoquent « l’illusion qu’une personne décédée est toujours en vie ».

Ils peuvent alors prendre plusieurs formes. Par exemple, les avatars peuvent se constituer en clones numériques d’un proche décédé. Il est aussi possible qu’ils prennent l’apparence de chatbots conversationnels comme ceux mis en place par l’entreprise chinoise StoryFile.

Ces avatars peuvent aussi permettre aux entreprises de prolonger la disposition des avis autorisés de leurs dirigeants, même après leur mort grâce à l’application  canadienne « Augmented Eternity ».

 

Comment sont créés les avatars post-mortem ?

Les avatars post-mortem sont un domaine de l’IA.

De leur vivant, les individus consentent à faire l’objet d’une collecte de leurs données à caractère personnel qui seront alors traitées à la suite de leur décès.

Le traitement se base sur des algorithmes type machine learning qui analysent et interprètent leurs données aux fins d’imiter de la manière la plus précise leurs caractéristiques physiques et mentales, et ce, sans interaction humaine.

Selon Yang Mujiang, ingénieur chez Silicon Intelligence, la copie du physique et des gestes propres au défunt se fait à partir d’une vidéo de trois minutes.

Pour dupliquer sa voix, il faut à l’entreprise une dizaine de minutes d’enregistrement audio.

Aux fins de reproduire la pensée du défunt, « plus il y’a de matière, plus il y’a de ressemblances avec la personne décédée ». 

 

Quel est le cadre juridique des avatars post-mortem ?

Les avatars post-mortem n’ont pas de cadre juridique spécifique.

En droit de l’union européenne, le RGPD dans son considérant 27 nous précise qu’il ne régit que les règles relatives au traitement des données à caractère personnel des personnes vivantes. Il invite donc les Etats Membres à prévoir des règles relatives aux données des personnes décédées à l’aune de leur droit national.

En droit interne, la loi française pour une République numérique du 7 octobre 2016 régit les règles applicables à la gestion des données personnelles post-mortem et prévoit que chaque individu a le droit de définir leur sort, ce qui doit être respecté par les personnes responsables de leur accès.

Ces dispositions font écho à la loi du 6 janvier 1978, la Loi Informatique et Libertés dite LIL.

En principe, les droits de la personne décédée s’éteignent au moment de sa mort mais des conditions prévoient leur maintenance au regard de deux types de scénarios.

Avant sa mort, une personne peut décider que tout ou partie de ses données à caractère personnel fasse l’objet d’une prolongation post mortem et peut nommer un tiers de confiance numérique. Ce dernier a un droit d’accès aux données et doit respecter les directives du défunt les concernant. Si la personne ne s’est pas exprimée de son vivant, sa prolongation numérique revient aux héritiers au regard notamment « des informations utiles à la liquidation et au partage de la succession ».

 

Quel est le statut juridique des avatars post-mortem :

Leur statut juridique pose des difficultés au regard du principe de la personnalité juridique.

Elle se définit comme « une aptitude à être sujet de droit et à participer à la vie juridique ».   Nous l’acquérons à la naissance à la condition d’être né vivant et viable et elle s’éteint à notre mort. Alors, notre droit à l’image et à la vie privée cessent à notre décès si l’on croit l’arrêt de la Cour de cassation rendu en sa 1ère chambre civile le 14 décembre 1999 n°97-15.756.

Cependant, la personnalité juridique ne fait pas disparaître le respect de la dignité du cadavre.

Alors, le cas des avatars post-mortem soulève des interrogations quant à une éventuelle prolongation de la personnalité juridique du défunt, notamment au regard des droits de la personnalité, et de l’intégrité du corps humain.

 

Vers un méta droit à l’oubli ?

Force est de constater que les avatars post-mortem souffrent d’un régime qui ne leur est pas propre, nous pouvons prendre l’exemple du comité pilote pour l’éthique du numérique qui serait favorable à une prolongation de la personnalité numérique correspondant au temps social du deuil comme au Japon qui le fixe à 49 jours.

Passé ce délai, un « méta droit à l’oubli » serait envisagé à l’égard de tous les avatars.

 

BENYAHIA Nadia, Master-Cyberjustice, Promo 2024/2025.

 

Sources :

https://www.ladn.eu/nouveaux-usages/business-immortalite-numerique-chine-deepfake-personnes-decedees/

https://www-dalloz-fr.scd-rproxy.u-strasbg.fr/documentation/Document?ctxt=0_YSR0MD1sZXMgYXZhdGFycyBwb3N0IG1vcnRlbcKnciRlbz0iRElQSVQiwqdyJGVkPSJESVBJVF9DSFJPTl8yMDIzXzAxODciwqd4JHNmPWR6LXJldnVlcw%3D%3D&ctxtl=0_cyRwYWdlTnVtPTHCp3MkdHJpZGF0ZT1GYWxzZcKncyRzb3J0PSNkZWZhdWx0X0Rlc2PCp3Mkc2xOYlBhZz0yMMKncyRpc2Fibz1UcnVlwqdzJHBhZ2luZz1UcnVlwqdzJG9uZ2xldD3Cp3MkZnJlZXNjb3BlPUZhbHNlwqdzJHdvSVM9RmFsc2XCp3Mkd29TUENIPUZhbHNlwqdzJGZsb3dNb2RlPUZhbHNlwqdzJGJxPcKncyRzZWFyY2hMYWJlbD3Cp3Mkc2VhcmNoQ2xhc3M9&id=DIPIT%2FCHRON%2F2023%2F0187

https://www.lappelexpert.fr/question-juridique/civil/qu-est-ce-que-la-personnalite-juridique

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