Entre le 30 août et le 08 octobre 2024, les utilisateurs brésiliens ne pouvaient plus accéder au réseau social X (anciennement Twitter).
L’affaire opposant Elon Musk, le célèbre entrepreneur à la tête de Tesla, SpaceX et du réseau social X, à la justice brésilienne s’est soldée par un événement historique : La Cour suprême brésilienne a suspendu l’accès à la plateforme sur l’entièreté du territoire brésilien, allant jusqu’à mettre en place une amende de 50 000 R$ (réais), soit environ 8 000 €, pour les utilisateurs de VPN (Virtual Private Network) qui chercheraient à contourner le blocage géographique.
Au cœur du conflit : la diffusion de fausses informations sur la plateforme et le refus d’Elon Musk de se plier aux injonctions du juge Alexandre de Moraes, un magistrat de la Cour suprême brésilienne chargé d’enquêter sur une supposée tentative de coup d’État de l’ancien président Jair Bolsonaro en 2023.
Genèse du conflit : désinformation et menace de censure
Le juge Alexandre de Moraes, figure importante de la scène politique brésilienne, a ordonné à la plateforme X de fermer plusieurs comptes soupçonnés de diffuser de fausses informations dans le cadre de son enquête. Cette décision visait majoritairement des sympathisants de l’ancien président d’extrême-droite.
En réponse, Elon Musk, connu pour ses prises de position controversées et pour sa défense de la liberté d’expression absolue sur internet, s’est farouchement opposé à ces mesures, les qualifiant de « censure » et menaçant de les contester. Il a affirmé vouloir « lever toutes les restrictions » et a exigé la « démission ou la destitution » du juge.
Escalade des tensions
Face à l’intransigeance d’Elon Musk, le juge de Moraes a annoncé des amendes de 20 000 $ par jour pour chaque compte réactivé et a demandé l’ouverture d’une enquête pour « instrumentalisation criminelle » de la plateforme. Loin de se laisser intimider, Elon Musk a continué ses provocations sur X, demandant un débat public avec le juge et l’accusant notamment de violer la constitution brésilienne en matière de liberté d’expression. Ces échanges acerbes ont propulsé le terme « Impeachment », utilisé pour parler de destitution, parmi les sujets les plus populaires de la plateforme.
Inclusion d’Elon Musk dans l’enquête sur les milices numériques
Le 8 avril 2024, le juge de Moraes a décidé d’inclure Elon Musk dans l’enquête sur les milices numériques (INQ 4874), l’accusant de mener une « campagne de désinformation » et d’inciter à la « désobéissance et à l’obstruction à la justice ». Le juge a également instauré une enquête sur les actions de Musk concernant des crimes d’obstruction à la justice, d’organisation criminelle et d’incitation au crime.
Suspension de X au Brésil et sanctions économiques
Le 30 août 2024, suite au non-respect des injonctions pesant sur la plateforme, Alexandre de Moraes a ordonné la suspension de l’accès à la plateforme sur tout le territoire brésilien. Le juge a également confirmé l’astreinte de 100 000 R$, soit environ 20 000 $, par jour pour chaque profil réactivé en violation des décisions judiciaires. Cette décision a été confirmée par la Première Chambre du Tribunal suprême fédéral le 2 septembre 2024.
Avec l’astreinte ordonnée par le Tribunal Suprême Fédéral, la suspension du réseau social X sur le territoire brésilien a doublement sanctionné l’économie de la plateforme, le Brésil étant l’un des grands marchés économiques de X avec environ 40 Millions d’utilisateurs affectés par la décision.
Musk cède face à la justice et X revient au Brésil
Face à la détermination de la justice brésilienne et à la pression croissante des utilisateurs brésiliens de X, Elon Musk a finalement accepté de se plier aux exigences du juge de Moraes. Ce 27 septembre, X a prouvé avoir bloqué les profils incriminés et avoir nommé un représentant légal au Brésil, conformément à la législation du pays. La plateforme s’est également acquittée de la totalité des amendes, qui s’élevaient à 28,6 millions de réais, soit environ 4,6 millions d’euros. Le 8 octobre 2024, le juge de Moraes a autorisé le retour de X au Brésil.
Un bras de fer aux multiples enjeux
L’affaire X au Brésil met en lumière les difficultés rencontrées par les États à réguler les plateformes numériques et lutter contre la désinformation. Elle soulève également des questions sur la liberté d’expression et les limites du pouvoir des géants du numérique. Si la justice brésilienne a réussi à imposer sa décision à Elon Musk, ce bras de fer illustre la complexité croissante de la gouvernance du numérique à l’échelle mondiale. Cette affaire pourrait avoir des conséquences importantes sur la manière dont les plateformes seront régulées à l’avenir et sur le rapport de force entre les États et les grandes entreprises du numérique, notamment en ce qui concerne l’action des plateformes.
L’affaire soulève également des questions sur le pouvoir des grandes plateformes et sur leur influence dans la vie politique. Le gouvernement brésilien s’inquiète de la capacité de X à déstabiliser le pays et à saper la démocratie.
Enfin, la question de la « censure » imposée par la justice brésilienne mérite d’être posée. À quel point la suspension des comptes des sympathisants de l’ex-président est-elle proportionnelle à la lutte contre la désinformation ? Qu’en est-il des personnalités politiques dont le compte a été suspendu ? Ces décisions seraient-elles légales en France, avec le DSA (Digital Services Act) et le DMA (Digital Markets Act) ? Une Cour américaine adopterait une position semblable à celle de la Cour Suprême brésilienne ?
Ces questions méritent d’être étudiées de près. Bien que X revienne au Brésil, l’affaire reste à suivre.

João Pedro De Alcântara Bastos
Master 2 Cyberjustice 2024/2025
Sources :
https://edition.cnn.com/2024/08/30/business/brazil-suspends-x-elon-musk-moraes-intl-hnk/index.html
https://www.oxan.com/insights/brazil-x-controversy-highlights-regulatory-challenges/

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