Depuis l’apparition des smartphones, la création d’application est régulière, voire quotidienne. Il existe des applications pour de nombreuses thématiques, notamment le divertissement, la création de lien social, l’aide médicale… Par ailleurs, l’utilisation des smartphones s’adresse aux mineurs de plus en plus jeunes, c’est-à-dire à un public peu averti, ce qui peut générer de graves conséquences. En effet, depuis quelques semaines une application de rencontre pour adolescents fait scandale.
- Présentation de l’application « Crush, trouve ton crush secret »
L’application « Crush » est apparue début novembre 2023. Ce terme anglais, traduit par « coup de cœur » désigne une attirance qu’une personne a pour une autre. Cette interface de rencontre a été conçue, à l’origine, pour un public particulièrement jeune, entre 10 et 21 ans. L’objectif étant de connaître qui “crush” sur un camarade dans son établissement scolaire. Pour cela, l’adolescent, en s’inscrivant sur la plateforme, va devoir renseigner son nom, son prénom ainsi que son lycée ou collège.
L’application fonctionne par un système de sondage. Chaque utilisateur a la possibilité de soumettre une question à ses relations. Afin d’y répondre, il est nécessaire d’ajouter 4 amis via son répertoire téléphonique. À l’issue, plusieurs noms sont proposés et la personne choisie va recevoir une notification avec un émoji flamme. Dans le but de connaître l’identité de la personne ayant envoyé la notification, il faut souscrire à un abonnement payant à hauteur de 3,99 euros par semaine. Ce paiement est automatiquement renouvelé.
Le développeur, Marc Allain, a souhaité créer cette plateforme afin d’éviter le harcèlement scolaire et permettre aux élèves de recevoir des compliments. Cette application qui fait débat, a été promue par une influenceuse nommée Ophenya, qui est suivie par plus de 5 millions d’abonnés sur les réseaux sociaux. La publicité de l’application a permis de faire connaître la plateforme, et ainsi de mettre en lumière son utilisation et ses dangers.
- Pourquoi le scandale ?
Cette plateforme, initialement représentée par une flamme violette sur un fond violet, n’est pas sans rappeler l’application bien connue des célibataires « Tinder ». Ainsi, l’objectif du réseau semble clair, il vise à favoriser les rapprochements amoureux entre de jeunes adolescents.
La finalité douteuse poursuivie par l’application n’est pas la seule difficulté qui est rencontrée. Lors de l’inscription sur la plateforme, il est demandé au souscrivant leur âge, sans pour autant qu’il soit nécessaire de le prouver. En effet, n’importe quel adulte a la possibilité de s’inviter sur « Crush », permettant aux personnes avec des intentions malsaines d’entrer en contact avec de très jeunes adolescents. Il serait donc facile pour un pédocriminel de réaliser du « grooming ». Cette pratique est définie par le média « Chut » comme un adulte qui se cache derrière un pseudonyme pour sympathiser avec un enfant sur une plateforme de réseau social. D’ailleurs, l’application « Crush » donne de fortes indications sur le lieu de vie de l’enfant et sur ses habitudes.
De plus, l’âge proposé est particulièrement bas, allant à l’encontre de la loi promulguée le 8 juillet dernier visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne. Tout adolescent de moins de 15 ans doit avoir l’autorisation d’un de ses parents pour s’inscrire sur un réseau social. Afin de vérifier l’âge du souscripteur, l’interface doit mettre en place une solution technique en conformité avec la loi. En l’occurrence, aucune vérification n’est réalisée par «Crush».
Au-delà des graves problématiques d’âge, s’ajoute un accès au répertoire du souscrivant ainsi qu’à sa localisation. Donc, sans en avoir conscience, les utilisateurs offrent un accès à de nombreuses informations à caractère personnel. Les informations collectées sont une mine d’or à la revente.
Subséquemment de ces dangers légaux, on pourrait se demander ce qu’il en est des dangers émotionnels de ce genre de plateforme. Il est connu que l’adolescence est une période de construction identitaire importante, recevoir des notifications « positives » peut être un bénéfice, mais dans le cas où un adolescent n’en recevrait pas, les conséquences pourraient être dramatiques. Rapidement pourrait s’installer une dépendance aux notifications et une identité construite uniquement sur l’apparence et sur le regard des autres.
- Les améliorations apportées par la plateforme à la suite de la polémique
Au vu des critiques récentes sur l’application, les concepteurs ont pris en compte les remarques du public afin d’améliorer l’utilisation de leur outil. Dans le but de changer son image et la perception de l’application, elle a changé de nom pour devenir « Friendzy ». Le logo s’est simplifié pour n’être que le nouveau nom de l’application sur un fond jaune.
Critiquée sur l’âge des utilisateurs, celui-ci a été modifié pour s’adresser désormais aux 13-18 ans. Selon le concepteur Marc Allain, pour le moment, l’ensemble des sondages soumis à l’application seront bloqués, jusqu’à une validation manuelle. De plus, le numéro contre le harcèlement est renseigné dans les paramètres, ce qui permet de rappeler l’objectif de la plateforme.
En conclusion, malgré ces légères modifications, l’application reste critiquable. L’âge des participants n’est pas contrôlé, et l’autorisation parentale n’est pas non plus réalisée lorsque le mineur a 15 ans ou moins. Les risques et les dangers de l’application demeurent, d’autant plus que ce n’est pas la seule qui propose des rencontres entre de très jeunes adolescents. Ainsi, le projet d’installer le contrôle parental par défaut sur les appareils électroniques pour juillet 2024, prend tout son sens, afin d’éviter des conséquences dramatiques sur la génération naissante.
Justine Van Bever
M2 Cyberjustice – Promotion 2023/2024
Sources :
https://chut.media/cybersecurite/violences-sexuelles-750-000-pedocriminels-sont-actifs-sur-internet/
https://www.vie-publique.fr/loi/288274-majorite-numerique-15-ans-reseaux-sociaux-loi-7-juillet-2023