La cyberjustice s’inscrit dans un double courant, politique et économique.
En ce qui concerne la politique, est née une volonté de moderniser le service public de justice et de l’adapter à son temps.
En ce qui concerne l’économie, les lois européennes telles que le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) de 2016, le Digital Market Act (DMA) et Digital Service Act (DSA) de 2020 créent un besoin croissant de juristes permettant d’accompagner les entreprises et les professionnels dans la mise en conformité à ces nouvelles législations. De plus, la cyberjustice a un objectif propre. Elle cherche à former un nouveau type de juriste ; le « juriste augmenté ».
Comment la cyberjustice se présente à un milieu dans le besoin ?
La notion de cyberjustice
La notion de cyberjustice se compose du préfixe provenant de l’anglicisme « cyber » qui s’emploie dès lors qu’il est question d’un terme en lien avec le numérique ou avec les Technologies de l’Informatique et des Communications (TIC). De nombreux termes doivent être démystifiés comme « cyberdéfense » qui se définirait comme les moyens de défense permettant de protéger un écosystème numérique. Dans le même esprit se trouve celui de « cybersécurité » emportant avec lui, de nombreuses autres notions telles que « cybermenaces » qui sont des menaces numériques portées à l’encontre de systèmes informatiques ou encore les « cyberattaques » qui sont des attaques commises à l’encontre de ces mêmes systèmes.
Cette croissance du cyberglossaire a l’honneur d’accueillir en son sein la notion de cyberjustice, qui doit être entendue au sens large comme regroupant à la fois la modernisation des institutions de justice ainsi que de leur fonctionnement. Mais également, l’arrivée des nouvelles technologies à l’appui du service public qu’offre la Justice. Ce qui permet de se questionner sur l’attente espérée autour de l’arrivée d’une telle notion dans la société et plus précisément dans le milieu juridique.
La cyberjustice au sein des institutions de la justice
La cyberjustice emporte la question de la modernisation des institutions de la Justice. De l’usage du premier calculateur en 1966 pour le centre de recherche de l’éducation surveillé à Vaucresson, à l’arrivée de l’informatique dans les années 1990, en passant à la numérisation du casier judiciaire dans les années 1980. L’enjeu actuel est d’incorporer les nouvelles technologies que sont les blockchains, les cryptoactifs et les tokens, en plein essor depuis les années 2010.
La question de la modernisation de la justice est à l’image des appareils informatiques qui la composent. Elle nécessite d’être mise à jour régulièrement afin de lutter contre la perpétuelle obsolescence tant redoutée. Cette cyberjustice n’est pas qu’une évolution institutionnelle, elle passe aussi par la modernisation du service de la Justice et d’une nouvelle offre de formation pour ses nombreux acteurs.
La cyberjustice au sein du service public de la Justice
L’évolution du service de la Justice doit permettre l’amélioration de la relation entre le service et les justiciables. Aujourd’hui, il apparaît impensable que ce service ne soit pas disponible via un ordinateur, une tablette ou même un smartphone. Le complexe projet « Portalis » le démontre ; débutant dans les années 2010 avec un budget de 45 millions d’euros, le portail numérique justiciable-juridiction n’est pas au point bien que le projet ne cesse d’être renouvelé. La cyberjustice se base aussi sur la formation de professionnels aux outils numériques qui auront pour but d’apporter des idées innovantes au sein de la Justice.
Le bilan n’est pas négatif car d’autres projets ont permis à la justice de se moderniser de manière efficace. C’est le cas avec l’initiative du Conseil National du barreau créant la clé Réseau Privé Virtuel des Avocats (RPVA) qui permet aux avocats de communiquer directement avec les institutions, garantissant ainsi une justice plus rapide et efficace et permettant aux citoyens de gagner confiance dans le système de justice qu’ils financent. La cyberjustice doit trouver des solutions permettant de répondre à un besoin de désengorgement des tribunaux se traduisant par une efficacité et une rapidité accrue de la justice. Également par un besoin de former un nouveau type de juriste permettant de guider les professionnels et les justiciables au sein des différentes transitions numériques.
Les « juristes augmentés », des juristes pluridisciplinaires
Les cyberjuristes ou juristes augmentés doivent anticiper l’arrivée des nouvelles technologies et les comprendre afin de porter les projets de modernisation de la justice sur les plans politique, économique et social.
Sur le plan politique, cela va se traduire par l’accompagnement des décideurs à développer des politiques plus claires et compréhensibles mais également à les aider à établir et voter des lois permettant d’encadrer les usages des nouvelles technologies dans le but de protéger au mieux les citoyens et leurs données.
Sur le plan économique, il va falloir responsabiliser les entreprises à l’emploi et à la mise sur le marché des nouvelles technologies.
Enfin sur le plan social, il est impératif d’aider la société à effectuer les meilleures transitions numériques possibles. Il faut également l’accompagner et l’aider à résoudre de nombreux problèmes comme ceux de la fracture et de la rupture numérique. Il faut également lui faire prendre conscience des différents risques que le numérique fait apparaître comme l’isolement numérique, la révélation d’informations privées plus ou moins sensibles ou encore vivre dans un monde totalement connecté à Internet.
Il revient aux futurs avocats, magistrats, greffiers, délégués à la protection des données, juristes, policiers, gendarmes, commissaires de justice ainsi qu’à de nombreux autres acteurs d’incarner cette cyberjustice.
Ugo GAROSCIO VOLTO
M2 Cyberjustice – Promotion 2022/2023
Sources :
https://www.cairn.info/revue-apres-demain-2014-2-page-9.htm
https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/cyber-/21255
https://lestempselectriques.net/index.php/2023/02/20/la-transformation-numerique-de-la-justice/
GARAPONT et J. LASSÈGUE, Justice digitale, PUF, 2018
https://www.persee.fr/doc/ridc_0035-3337_1968_num_20_4_17226
https://www.numerique.gouv.fr/uploads/portalis_art_3.pdf