En décembre 2021, la Commission européenne pour l’efficacité de la justice du Conseil de l’Europe (CEPEJ) a présenté son plan d’action pour les prochaines années concernant la numérisation de la justice.
Qu’est-ce que le CEPEJ ?
La Commission a été créée en 2002 suite à une Résolution du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe. Elle est composée d’experts issus des Etats membres de l’organisation européenne. Elle réfléchit notamment au rôle des nouvelles technologies pour poursuivre son objectif d’amélioration de l’efficacité et du fonctionnement des systèmes judicaires européens. C’est à ce titre qu’elle a adopté lors de sa 37ème réunion plénière, en décembre 2021, son plan d’action 2022-2025 sur « la digitalisation pour une meilleure justice ».
Les objectifs visés dans le plan d’action de la CEPEJ
L’accompagnement de la transformation numérique des tribunaux est une priorité pour la Commission et elle compte veiller à ce que cela se fasse en conformité avec les normes européennes, notamment avec le droit à un procès équitable (article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme). Cette numérisation de la justice doit suivre les objectifs d’une justice humaine, efficace et de haute qualité. Pour poursuivre ce but, la CEPEJ énumère des lignes directrices qui doivent guider l’action des Etats dans les prochaines années.
Une numérisation au service d’une justice efficace, transparente, collaborative et humaine
La transformation numérique de la justice doit servir à son efficacité, notamment en permettant le passage aux dossiers judiciaires numérisés. Selon la CEPEJ, il s’agit de mettre en place des outils technologiques classiques mais ce sont « les mieux adaptés et les plus compatibles possibles avec une justice de qualité, efficace, accessible et impartiale ».
Les nouvelles technologies doivent permettre une meilleure transparence de la justice et ainsi promouvoir une meilleure connaissance des institutions judiciaires et des procédures. La CEPEJ propose la mise en place d’un tableau de bord permettant de gérer les flux d’affaires afin de faire respecter un délai raisonnable de traitement des dossiers et une meilleure allocation des ressources.
La CEPEJ souhaite également que le numérique permette une justice collaborative avec des outils permettant des interconnexions entre les différents professionnels de la justice (magistrats, avocats, experts, etc.) et les usagers. Mais ces outils doivent être faciles d’utilisation.
Le numérique doit permettre une justice humaine en aidant les différents acteurs à s’adapter aux changements de leurs fonctions dus à cette transformation. Mais la Commission appuie bien sur le fait que « le juge doit rester au centre de la procédure ». La justice doit aussi être centrée sur les individus et rester accessible grâce à la formation des magistrats et de ses usagers.
Le numérique dans la justice française
A la lecture de ce plan, il est possible de se questionner sur l’état d’avancement du numérique dans nos tribunaux. Si la France est en avance sur certains sujets, comme l’open data selon le DESI 2021, sur d’autres, elle semble en retard. C’est ce que révèle la Cour des comptes dans deux rapports, un d’octobre 2021[1] et un autre de janvier 2022[2]. En effet, le ministère de la justice est en retard sur la numérisation de son administration. Par exemple, il a dû fournir en urgence des ordinateurs portables à des magistrats et des greffiers lors du premier confinement, témoignant ainsi d’un manque de matériel informatique.
Les logiciels utilisés sont aussi désuets (ex. utilisation de Word Perfect, un traitement de texte datant du milieu des années 1990). Mi-mars, l’applicatif Cassiopée est tombé en panne pendant plusieurs jours, ralentissant ainsi la justice pénale. De plus, dans un article publié en janvier 2022[3], un magistrat témoigne de l’arrivée dans son tribunal de la Procédure Pénale Numérique. Celle-ci semble s’ajouter à d’autres applicatifs, tels que Cassiopée, Appi, Wineurs, et donc alourdit le traitement numérique d’un dossier pénal. Ainsi, à la lumière de ces exemples, il semble que l’Etat français a des efforts à faire pour la transformation numérique des tribunaux afin d’accomplir les objectifs fixés par la CEPEJ.
Les objectifs propres à la CEPEJ
Dans le plan d’action 2022-2025, la CEPEJ dresse également une liste des missions qu’elle devra accomplir. Ainsi, pour servir une justice éclairée, elle doit faire davantage d’analyses d’informations en répondant par exemple à des demandes spécifiques. Elle doit également assurer une plus grande visibilité à ses outils pour répondre à un objectif de justice réactive.
Julie HEYRAUD
Sources :
- Plan d’action de la CEPEJ 2022-2025, « La digitalisation pour une meilleure justice »
- « La digitalisation pour une meilleure justice » – À propos du plan d’action 2022-2025 de la CEPEJ, Samir Merabet, La Semaine Juridique, Edition Générale n°1, 10 janvier 2022
- Comment magistrats et greffiers ont survécu à une nouvelle semaine noire dans l’informatique de la justice, Gabriel Thierry, dalloz-actualite.fr, 22 mars 2022
- Justice malade : plongée dans l’enfer du numérique judiciaire, Ludovic Friat, actu-juridique.net, 19 janvier 2022
- Note sur l’amélioration de la gestion du service public de la justice, Cour des comptes, octobre 2021
- Améliorer le fonctionnement de la justice – point d’étape sur le plan de transformation numérique du ministère de la justice, Cour des comptes, janvier 2022
[1] Note sur l’amélioration de la gestion du service public de la justice, Cour des comptes, octobre 2021
[2] Améliorer le fonctionnement de la justice – point d’étape sur le plan de transformation numérique du ministère de la justice, Cour des comptes, janvier 2022
[3] Justice malade : plongée dans l’enfer du numérique judiciaire, Ludovic Friat, 19 janvier 2022, actu-juridique.net