You are currently viewing L’exploitation sexuelle en ligne : un problème mondial

Pornhub a été récemment accusé de laisser circuler sur son site des vidéos d’agressions sexuelles, certaines incluant des mineurs, ou encore des vidéos dont des victimes n’avaient pas consenti à leur publication. Le site pornographique le plus connu a annoncé dans un communiqué que toutes les vidéos téléchargées par des comptes non autorisés seraient rendues inaccessibles. Ensuite, Pornhub lancera une vérification plus stricte sur l’identité de fournisseur du contenu, ainsi qu’une confirmation d’âge des acteurs et actrices pornos.

L’industrie pornographique est toujours au centre du débat sur la liberté d’expression et il y a une lutte constante pour trouver un équilibre entre cette liberté et les manifestations de violence et d’exploitation sexuelle. Naturellement, il faut faire un renvoi au droit des États-Unis pour comprendre l’irresponsabilité du site. Le Communication Decency Act of 1996 fixe le principe de non-responsabilité des plateformes telles que les réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter, sur les ressources accessibles : « Aucun fournisseur ou utilisateur d’un service interactif par ordinateur ne sera traité comme l’éditeur ou l’émetteur de toutes informations fournies par un autre fournisseur de contenu d’information. » De plus, pour encourager le comportement du bon samaritain, l’article (c)(2)(A) de cette section prévoit que le fournisseur peut prendre « toutes mesures volontairement et de bonne foi pour restreindre l’accès ou la disponibilité au support que le fournisseur ou l’utilisateur considère comme obscène, lascif, dégoûtant, excessivement violent, harcelant ou autrement répréhensible, que ce support soit ou non protégé par la Constitution. »

C’est un aménagement un peu paradoxal : d’une part, en exonérant les plateformes de toute responsabilité des publications sur leur site, la loi prévoit un lieu de diffusion de différents types de contenus. Les prestataires de services ne sont pas légalement sanctionnés pour avoir toléré un type de publication particulière. D’autre part, les prestataires de services ont toutefois plus de pouvoir que le gouvernement et les tribunaux. Ils peuvent, en toute bonne foi, interdire ou supprimer tout contenu qui ne correspond pas à leurs principes. L’exemple classique est le blocage commun du compte de Donald Trump par les grandes entreprises technologiques américaines à la suite des émeutes au Congrès : même le Président des États-Unis peut facilement être réduit au silence dans la société Internet actuelle.

Au contraire, dans la Constitution chinoise la liberté d’expression et de publication est protégée en tant que droit fondamental. Toutes les descriptions et les présentations obscènes sont totalement interdites. Selon le règlement sur les services de publication en ligne (《网络出版服务管理规定》), « les publications en ligne ne doivent pas contenir les éléments suivants : … (7) Ceux qui promeut l’obscénité, la pornographie, les jeux d’argent, la violence ou la complicité de crimes. » L’article 23 prévoit aussi que « les services de publication en ligne mettent en œuvre un système de responsabilité éditoriale pour assurer que le contenu de ces publications soit légal. » 

De surcroit, selon une nouvelle proposition du règlement chinois sur les services d’information sur Internet《互联网信息服务管理办法(修订草案征求意见稿》spécifie que les fournisseurs de services d’information sur Internet sont obligés de censurer et de prohiber les contenus illégaux postés dans leurs sites.

Même avec une forte pression juridique, les films pornographiques en tous genres continuent d’être disponibles sans entrave sur Internet. Pour les internautes, l’accès au contenu pornographique n’est pas une tâche difficile. 

Cela est dû à la nature particulière d’Internet. D’une part, la publication de films pornographiques sur Internet ne nécessite plus de moyens de distribution physique, et cette production n’est plus placée sur des supports d’information traditionnels tels que le papier et les CD-ROM. Grâce à des flux Internet internationaux interopérables, tout le monde peut accéder directement aux serveurs où ce contenu est stocké. Malgré que le gouvernement chinois ait utilisé des mesures techniques comme le pare-feu pour bloquer l’accès à certains sites web et contenus, cette restriction peut être facilement contournée par des techniques telles que le VPN. Tant que la Chine restera dépendante de l’échange international d’informations fourni par Internet, les réseaux locaux nationaux qui bloquent complètement les informations étrangères illégales ne seront pas possibles. En outre, comme les serveurs des sites pornographiques chinois sont souvent situés en dehors de la Chine, leurs détenteurs peuvent rapidement créer de nouveaux sites pornographiques en changeant le nom de domaine qui pointe vers le serveur. Toute enquête criminelle officielle chinoise est également très difficile à mener à bien en raison de la localisation à l’étranger et d’un manque de collaboration internationale efficace.

D’autre part, il n’y a pas encore de consensus international sur la réglementation de la pornographie sur Internet. Un exemple est la pédo-pornographie en ligne impliquant l’exploitation sexuelle des mineurs. La Convention sur la cybercriminalité du Conseil de l’Europe, une convention quasi-internationale, énonce dans l’article 9 que « chaque Partie adopte les mesures législatives et autres qui se révèlent nécessaires pour ériger en infraction pénale, conformément à son droit interne, les comportements suivants lorsqu’ils sont commis intentionnellement et sans droit: a) la production de pornographie enfantine en vue de sa diffusion par le biais d’un système informatique ». La définition d’une pornographie enfantine n’est jamais claire. Ainsi, au Japon, le cosignataire de la convention, “pornographie enfantine simulée” ou “pornographie enfantine virtuelle” sont encore légales. Les mangas et animes de ce type sont protégés par la liberté d’expression.

«Le droit ne peut pas tout, mais il peut beaucoup. Il est la seule arme non violente à la disposition des faibles ». Pour protéger les enfants et les adultes (surtout les femmes) qui sont exploités au nom d’une liberté désordonnée, il nous reste un long chemin à parcourir.

ZHANG Liwei

M2 Cyberjustice – Promotion 2020/2021

Sources :

https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/12/14/sous-le-feu-des-critiques-pornhub-desactive-des-millions-de-ses-videos-pornographiques_6063366_4408996.html

https://www.law.cornell.edu/uscode/text/47/230

https://www.coe.int/en/web/conventions/full-list/-/conventions/treaty/185

http://www.cac.gov.cn/2021-01/08/c_1611676476075132.htm

http://www.cac.gov.cn/2016-02/15/c_1118048596.htm

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