L’odorat a souvent été négligé par rapport aux autres sens dans le domaine de l’innovation technologique, en raison de la difficulté à reproduire les odeurs. Contrairement à la vue et à l’ouïe qui se traduisent facilement en formats numériques, les odeurs sont trop complexes et trop subjectives. Mais aujourd’hui, l’odorat est au cœur de nouvelles innovations.
L’apparition de dispositifs tels que les diffuseurs d’odeurs numériques ou les nez électroniques promet une expérience sensorielle inédite. Toutefois, cette évolution soulève des questions sur les applications concrètes et les défis liés à sa démocratisation.
Une technologie à la frontière entre la science et l’art.
L’intégration de l’odorat dans le monde numérique repose sur des dispositifs capables de capter, recréer et diffuser des odeurs. L’objectif de ces dispositifs est d’ajouter une dimension olfactive aux expériences numériques, et ainsi d’enrichir les contenus visuels et sonores par le biais des senteurs.
Mais concrètement, comment cela fonctionne-t-il ? Les systèmes olfactifs reposent sur un ensemble de technologies complémentaires. Tout d’abord, le nez électronique est un capteur chimique qui détecte et analyse les composés volatils présents dans l’air. Ces capteurs vont ensuite traduire les odeurs en signaux numériques et créer une empreinte olfactive unique. Ensuite, la base de données d’odeurs contient toutes les empreintes et chaque odeur est associée à un profil chimique. Enfin, le diffuseur intelligent va libérer des micro-doses de composés odorants à partir de capsules. Ces composés sont mélangés avec précision afin de reproduire l’odeur souhaitée. Derrière tout cela se trouvent des algorithmes qui vont moduler l’intensité et les combinaisons olfactives.
Par exemple, les diffuseurs olfactifs conçus par l’entreprise Inhalio sont intégrés dans leur concept novateur de Smellaverse. Il s’agit d’une plateforme où l’olfaction numérique accompagne des expériences immersives, réelles ou virtuelles. Dans cet univers, une scène de jeu vidéo ou de réalité virtuelle se vit non seulement avec les yeux et les oreilles, mais aussi avec le nez. Cela permet de renforcer l’immersion et l’émotion ressentie.
L’art s’empare aussi de cette technologie. A la Gaîté Lyrique, à Paris, l’odeur devient un outil narratif. Dans les spectacles, les expositions ou les installations, les senteurs accompagnent les images et les sons pour créer des expériences plus riches. Il s’agit d’une nouvelle manière de raconter des histoires, à la croisée des sens, qui transforme les perceptions traditionnelles de l’art.
Une technologie multisectorielle.
Les applications des senteurs numériques ne se limitent pas à la culture ou au divertissement. Elles trouvent aussi leur place dans des domaines très concrets.
Dans le domaine de la santé, des diffuseurs connectés sont utilisés pour améliorer le bien-être des patients lors de traitements médicaux. Par exemple, des recherches ont montré que les arômes de lavande et de rose permettent de réduire le stress et l’anxiété des patients pendant les procédures médicales.
Dans le domaine du marketing sensoriel, les entreprises intègrent de plus en plus les diffuseurs d’arômes dans leurs campagnes publicitaires. Le but est d’influencer les émotions des consommateurs et de renforcer l’impact sensoriel des produits. La marque Zadig & Voltaire utilise par exemple une odeur spécifique dans ses boutiques pour créer une ambiance qui reflète son identité.
Les défis des technologies olfactives.
Malgré ces avancées, les technologies olfactives restent confrontées à plusieurs défis. Tout d’abord, le coût des dispositifs et des matériaux reste élevé, et leur fonctionnement peut être influencé par des facteurs externes, comme l’humidité ou la température. Ensuite, la perception olfactive constitue en elle-même une difficulté. Une même odeur peut être perçue différemment d’un individu à l’autre, en raison de ses souvenirs, de sa culture, de sa biologie ou même de son état émotionnel.
Cela complique la standardisation des senteurs numériques. Contrairement aux images et aux sons, il n’existe pas de langage universel pour décrire une odeur. Créer une base de données olfactive mondiale représente un véritable défi technique et culturel.
Raphaël Ormezzano
Master 2 Cyberjustice 2024/2025
Sources:
https://inhalio.com/fr/
https://www.gaite-lyrique.net/evenement/diffusion-numerique-dodeur-nez-electroniques-et-olfaction
