You are currently viewing Les dérives sectaires: de nouvelles mesures pour contrer le danger en ligne

Le 10 mai 2024 a été promulguée la loi n°2024-420 visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires. En réaction face à la mutation des sectes au moyen notamment des réseaux sociaux, cette loi récente nous rappelle l’importance de rester alerte devant de telles pratiques à la dangerosité particulière.

 

Qu’est-ce qu’une dérive sectaire ?

En France, le principe est celui de la liberté d’opinion et de croyance (art. 10 Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789). Ce postulat empêche la catégorisation de cultes ou de communautés ayant interdiction de s’exprimer au regard de leurs croyances et aspirations personnelles. Toutefois, les pratiques sectaires sont considérées comme portant particulièrement atteinte aux droits d’autrui, ce qui amène à les différencier de la simple expression d’une croyance personnelle. Pour lutter contre ce phénomène, la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES) est un organisme de l’État chargé de prévenir l’expansion de pratiques portant atteinte à la santé physique ou psychique d’autrui. Peut à ce titre être considéré comme une dérive sectaire tout comportement visant à entraîner autrui vers une dépendance ou une sujétion psychologique ou physique, abolissant chez la personne victime tout libre arbitre.

 

La recrudescence du phénomène des sectes à l’ère du numérique

Assurément, les dérives sectaires ont su s’adapter aux évolutions sociétales. Le porte-à-porte ou le bouche-à-oreille traditionnel s’est au fur et à mesure dématérialisé. Il apparaît qu’aujourd’hui, nombreuses sont les sectes ayant laissé une empreinte numérique. Tel est le cas de la secte, tristement connue pour son suicide collectif en 1997, Heaven’s Gate, ayant mis en place un site libre d’accès et référencé sur lequel est retranscrite une majeure partie de ses idéologies. 

En 2020, le Covid se présente comme un contexte favorable à l’expansion de nouvelles théories complotistes et à la désinformation de masse. De la responsabilité gouvernementale aux puces implantées à l’aide des vaccins, nombreuses sont les idées qui se répandent sur les plateformes numériques. La solitude ressentie du fait du confinement entraîne certains vers une réconciliation sociale au moyen de réseaux de communication où la libre expression est la règle. Il en est ainsi du réseau 4CHAN ou de Reddit. Sur ces réseaux, mais aussi sur d’autres plus accessibles comme TikTok ou Instagram, certains contenus vont jusqu’à proposer d’adopter de nouveaux modes de vie. Du développement personnel engendrant isolation du monde extérieur aux encouragements en vue d’abandonner les traitements contre le cancer, nombreux sont les propos inquiétants, aux conséquences certaines.

 

Qui est réellement concerné ?

Dans un rapport publié fin 2022, la MIVILUDES n’a pas manqué de souligner l’augmentation des signalements faits face au pullulement des dérives sectaires. Le nombre de 4 020 signalements en 2021 illustre l’ampleur du phénomène. La particularité des réseaux sociaux réside dans leur accessibilité. Cela se manifeste notamment du fait de l’espace de rencontres sans frontières territoriales, d’âges, de classes sociales ou intellectuelles qu’ils mettent en place. Cette situation amène à considérer que toute personne est susceptible de se confronter au moins une fois à du contenu pouvant être considéré comme l’émanation d’une dérive sectaire.

Plus inquiétant encore, les enfants, particulièrement présents sur ces réseaux, représentent de nouvelles proies pour les sectes et pour les « cybergourous ». Leur vulnérabilité est à prendre en considération, notamment face aux risques de rencontrer des sectes aux agissements constitutifs d’infractions sexuelles.

 

L’adoption d’une nouvelle loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires

Considérant l’évolution rapide du phénomène sectaire, le législateur a adopté la loi du 10 mai 2024. Celle-ci introduit de nouveaux articles dans le Code pénal. Parmi les nouvelles infractions sont en cause le délit de placement ou maintien dans un état de sujétion psychologique ou physique. Cet état de dépendance constitue également une nouvelle circonstance aggravante pour de nombreuses autres infractions comme le meurtre, la torture ou encore l’escroquerie. Il en est de même pour les infractions relatives aux thérapies de conversion. 

Du fait que les dérives sectaires sont particulièrement présentes dans le domaine de la santé, la loi instaure en outre un délit de provocation à l’abandon ou à l’abstention de soins et un délit à l’adoption de pratiques risquées pour la santé (exposant à un risque immédiat de mort ou de blessures graves). Ces derniers sont punis d’un an de prison et de 30 000 euros d’amende, voire plus. À ce titre également, les peines en cas d’exercice illégal de la médecine ou de pratiques commerciales trompeuses sont renforcées lorsque ces délits sont commis via internet (jusqu’à 5 ans de prison et 75 000 euros d’amende).

En tout état de cause, les dérives sectaires savent s’adapter rapidement aux nouveaux comportements sociaux. Le principe reste le même : semer le doute, proposer des solutions nouvelles, isoler et assujettir par la suite. Ce schéma peut avoir des conséquences irréversibles. L’adoption d’une nouvelle loi en la matière rappelle à cet égard qu’il est nécessaire de rester éveillé face aux prêcheurs de bonnes paroles, malgré la bienveillance apparente.

Pour en savoir plus sur les dérives sectaires en ligne : https://cyberjustice.blog/2021/03/17/les-derives-sectaires-sur-internet/

 

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Sources:

https://www.interieur.gouv.fr/actualites/grands-dossiers/letat-mobilise-contre-derives-sectaires/comprendre-phenomene-des

https://www.dalloz-actualite.fr/flash/loi-visant-renforcer-lutte-contre-derives-sectaires-droit-penal-special-en-premiere-ligne

https://www.miviludes.interieur.gouv.fr/

 

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