Depuis toujours, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) et la chaîne C8 entretiennent une relation tempétueuse. Elle a connu dernièrement un mauvais tournant fatidique. Le mercredi 24 juillet 2024, l’ARCOM a décidé de ne pas renouveler les fréquences TNT de C8.
Que permettent les fréquences TNT ?
L’abréviation « TNT » désigne l’appellation « Télévision Numérique Terrestre ». C’est un moyen de diffusion, par voie hertzienne, permettant de recevoir la télévision. Les fréquences permettent aux personnes de recevoir diverses chaînes de télévision. Cette perception est gratuite dès lors qu’il existe un récepteur compatible.
L’attribution des fréquences revient à l’ARCOM qui s’appuie sur la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. A cette fin, elle vérifie le respect des diverses dispositions et principes de cette loi. Parmi eux, le principe de pluralisme des courants de pensée et d’opinion ressort concernant le cas de la chaîne C8. C’est sur ce principe que l’ARCOM a fondé sa décision de ne pas renouveler les fréquences TNT de C8. Ce serait le manque de représentation de diverses idées qui poserait un problème. Pour l’opinion publique, c’est la mise en avant accrue d’idées de droite, voire d’extrême droite, par la chaîne qui poserait un problème.
Par ailleurs, les nombreux dérapages du présentateur Cyril Hanouna est un autre point motivant la décision de l’ARCOM. En effet, le nombre pharaonique de sanctions à l’encontre de cette chaîne a sans nul doute motivé la décision. 7,6 millions d’euros, c’est le nombre correspondant au montant total des amendes infligées à C8 depuis 2016. Des amendes faisant suite à la violation de plusieurs principes fondamentaux de communication audiovisuelle.
La plus mémorable reste l’affaire Hanouna-Boyard de 2022. La chaîne C8 avait été condamnée à une amende record de 3,5 millions d’euros. Le motif ? Les injures proférées par le présentateur à l’encontre du député de La France Insoumise, Louis Boyard. L’autorité de régulation a annoncé qu’il s’agissait d’une atteinte au respect de l’honneur et de la réputation de ce député. C’est le principe du respect de la personne et de la dignité humaine qui est entaché.
Dernière illustration avec l’affaire du canular homophobe d’Hanouna de 2023. L’affaire est allée jusqu’à la Cour européenne des droits de l’Homme. Cette dernière a confirmé le caractère homophobe de la séquence retenue par le Conseil supérieur de l’Audiovisuel (CSA). Elle confirme l’amende de 3 millions d’euros prononcée à l’encontre de C8.
Nombreuses sont les sanctions de la chaîne C8 motivant le refus de renouveler les fréquences TNT. Lors de l’audition des dirigeants de C8, il a été soulevé le nombre incalculable d’occasions où la chaîne C8 aurait pu se conformer à la réglementation. Cela aurait pu se faire suite aux mises en demeure ou encore suite aux sanctions. Tel n’est pas le cas au regard de la situation actuelle.
Face à cette décision, la chaîne C8 tente le tout pour le tout en formant un recours auprès du Conseil d’Etat.
Le rejet du Conseil d’Etat du recours de la chaîne C8
C’est le mercredi 25 septembre 2024 que la décision du Conseil d’Etat est tombée. Le recours formé par la chaîne C8 en référé a été rejeté. Il estime que la condition d’urgence, nécessaire pour un recours en référé, n’était pas constituée. Le Conseil d’Etat estime que les intérêts de la chaîne C8 ne sont pas fortement remis en cause. Puisqu’il n’existe pas un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée de l’ARCOM. Ainsi, la décision administrative de cette dernière est exécutable. Toutefois, le recours de cette chaîne n’est pas nul. Il sera étudié au fond pour fin novembre 2024. Ainsi, la relation entre C8 et l’ARCOM n’est pas finie. L’affaire continue et reste à suivre.
Les conséquences du non-renouvellement des fréquences
Le non-renouvellement des fréquences de TNT de C8 vient impacter cette dernière, puisque cela ne lui permettra pas de toucher aussi facilement le public. Toutefois, ce retrait ne signifie en rien la fin du programme de la chaîne. Il est possible de recourir à l’Internet et ses moyens de communication comme les plateformes.
Le principe du pluralisme est soulevé tant par la chaîne C8 que par l’ARCOM. Là où la chaîne crie à la violation du principe de pluralisme des médias, l’ARCOM invoque le pluralisme des idées et opinions. Difficile de savoir qui a raison, les deux invocations semblent valables. En effet, le pluralisme des médias permet à la population d’avoir accès à une diversité de sources d’idées et opinions, contribuant ainsi à la formation d’avis divers idées et permettant tout débat. Quant au pluralisme des idées et des opinions, il permet la représentation des diverses idées et opinions à l’écran. Les deux revendications respectent la considération du Conseil constitutionnel. Ce dernier avait soutenu que « le pluralisme constitue une condition de la démocratie » dans une décision de 1989.
La décision de l’ARCOM de ne pas renouveler les fréquences TNT soulève quelques interrogations. Cette décision peut venir heurter la liberté d’entreprendre de la chaîne. De plus, cela touche effectivement le principe de pluralisme des médias. Ainsi, la chaîne C8 a-t-elle raison ? Le Conseil d’Etat lui donnera-t-il gain de cause en novembre 2024 ?
Clara Bonnard
M2 Cyberjustice – Promotion 2024/2025
Sources :
Rémy Frontier, Les effets attendus des nouvelles disposition, Journal du droit des jeuns 2001/6 n°206 ; pages 47 à 49, Cairn-revue