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Dans un contexte où l’innovation technologique est cruciale pour maintenir la compétitivité mondiale, Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp) et Spotify, deux géants de la tech, ont sollicité les décideurs européens à revoir et harmoniser le cadre réglementaire en place. En effet, dans une tribune du 21 août 2024 publiée par The Economist, Mark Zuckerberg, CEO (président-directeur général) de Meta, et Daniel Ek, CEO de Spotify, ont exprimé leurs inquiétudes, soulignant les risques que la fragmentation et l’incohérence des régulations en Europe font peser sur le développement de l’intelligence artificielle (IA).

L’Europe, entre régulation et innovation en intelligence artificielle

Dans un communiqué commun publié le 23 août 2024 sur le site de Meta, à la suite de leur tribune du 21 août, Mark Zuckerberg et Daniel Ek soulignent que l’Europe compte plus de développeurs open source que l’Amérique, la plaçant en position favorable pour tirer parti de la nouvelle vague technologique. Toutefois, ils avertissent que les réglementations actuelles en Europe pourraient ralentir cet élan, en raison d’une législation complexe, incohérente et inadaptée, contribuant ainsi au manque de compétitivité et d’innovation du continent.

Il convient de noter que ce communiqué intervient peu de temps après la décision de la Commission irlandaise de protection des données, prise en réponse aux plaintes déposées dans plusieurs pays européens par l’organisation autrichienne None of Your Business (noyb), qui défend la vie privée. Cette décision a contraint Meta à repousser l’entraînement de ses modèles d’IA, initialement prévu pour juin 2024, retardant ainsi le lancement de ses modèles Meta AI en Europe. Motivées par des préoccupations concernant l’utilisation des données des utilisateurs de Facebook et Instagram sans leur consentement, ces restrictions sont perçues par Meta comme un “pas en arrière” pour l’innovation et la compétitivité dans le développement de l’IA en Europe. 

La déclaration semble ainsi particulièrement audacieuse, surtout dans le contexte où, en avril 2024, la Commission européenne a lancé une procédure formelle pour évaluer si Meta a enfreint le règlement européen sur les services numériques (Digital Service Act), qui vise à encadrer les activités des plateformes. Cette enquête concerne plusieurs aspects, dont les publicités trompeuses, le contenu politique sur ses plateformes et le signalement des contenus illicites. Elle vise également “l’indisponibilité d’un discours civique en temps réel et d’un outil efficace de suivi des élections par des tiers avant les prochaines élections au Parlement européen et d’autres élections dans différents États membres”. De plus, en mai 2024, la Commission européenne a ouvert une autre procédure pour examiner si Meta a violé le Digital Services Act en ce qui concerne la protection des mineurs.

Une régulation européenne trop restrictive ?

Mark Zuckerberg et Daniel Ek considèrent que l’innovation en Europe est étouffée par un cadre réglementaire trop restrictif et incohérent, ce qui entraîne des retards dans le développement des technologies émergentes, telles que l’IA open source, et pourrait empêcher le continent d’en tirer parti. Selon eux, ces politiques restrictives ne se limitent pas à entraver la progression européenne, mais risquent de fragmenter le paysage de l’IA à l’échelle mondiale, compliquant l’intégration et l’adoption en Europe des avancées technologiques développées dans d’autres régions du monde. Ils estiment également que l’Europe perdrait en compétitivité et en souveraineté à un moment où d’autres régions avancent rapidement dans le développement et la commercialisation de l’IA. En effet, il est précisé dans la déclaration que “les lois conçues pour accroître la souveraineté et la compétitivité de l’Europe ont l’effet inverse”

Toutefois, cet argument suscite le scepticisme de nombreux observateurs. Certains estiment que les plaintes de Meta et Spotify relèvent davantage de la défense d’intérêts commerciaux que d’une véritable inquiétude pour l’innovation européenne. En parallèle, Meta menace de ne pas publier de nouveaux modèles d’IA, comme Llama multimodal, un modèle open source capable d’analyser les images, dans l’Union européenne, invoquant l’imprévisibilité du cadre réglementaire européen. Cette position, qui semble indiquer que Meta se considère au-dessus de l’Union européenne, paraît paradoxale : Meta affirme que l’absence de ses modèles Llama ferait perdre à l’Europe en souveraineté et la priverait d’une grande opportunité. Pourtant, cela sous-entend que l’innovation européenne dépendrait des technologies développées par des entreprises américaines, alors que pour beaucoup, la souveraineté technologique de l’Europe réside justement dans sa capacité à créer des solutions indépendamment des géants américains.

L’intelligence artificielle entre dans une ère de régulation mondiale 

Face à ces défis, Mark Zuckerberg et Daniel Ek plaident pour une réforme du cadre réglementaire en Europe, demandant une simplification et une harmonisation des règles à travers les différents pays européens. Selon eux, cette harmonisation est essentielle pour que l’Europe puisse pleinement exploiter les opportunités offertes par l’IA.

Cependant, leur appel intervient à un moment où de nombreuses autres régulations similaires sont en cours d’élaboration à l’échelle mondiale, notamment en Californie où la loi « SB 1047 », visant à encadrer les modèles d’intelligence artificielle générative, a été adoptée le 28 août 2024. Ces initiatives montrent que l’Europe n’est pas isolée dans sa volonté de réguler l’IA. Ainsi, s’il est vrai que des réglementations trop sévères peuvent freiner l’innovation, il est également clair que la période d’autorégulation des géants de la tech touche à sa fin.

En somme, la déclaration conjointe de Meta et Spotify souligne l’importance de trouver un équilibre entre régulation et innovation, tout en protégeant l’indépendance technologique de l’Europe.

Lucie Speyser

M2 Cyberjustice – Promotion 2023-2024

Sources : 

A propos de Lucie SPEYSER

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