You are currently viewing Les drones au service de la sécurité : une décision clé du Conseil d’État

Dans un contexte marqué par l’évolution technologique et les enjeux sécuritaires, l’utilisation des drones équipés de caméras par les forces de sécurité suscite des débats quant à leur légalité et leur influence sur les libertés individuelles. Récemment, le Conseil d’État s’est prononcé sur cette question, admettant l’usage de ces dispositifs de surveillance dans une ordonnance rendue le 24 mai 2023. Cette ordonnance marque un tournant dans le paysage juridique français et soulève des interrogations sur l’encadrement de l’utilisation des drones par les autorités.

 

Drones et protection de la sécurité publique : une réglementation rigoureuse pour assurer la sécurité

La réglementation des drones pour la sécurité publique est définie par le code de la sécurité intérieure (CSI) aux articles L. 242-1 et suivants. Ces articles établissent les règles d’utilisation des drones par les forces de sécurité à des fins de police administrative.

Le décret du 19 avril 2023 découle de la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure (RPSI) promulguée le 24 janvier 2022. Il fixe les conditions d’autorisation de déploiement et de conservation des enregistrements réalisés par les drones utilisés par les forces de sécurité dans le cadre de leurs missions de police administrative. Ce décret permet aux services de police et de gendarmerie d’utiliser des caméras installées sur des aéronefs tels que les drones, les hélicoptères et les ballons captifs pour la captation d’images.

De plus, la délibération du 16 mars 2023 de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) complète cette réglementation en fournissant des lignes directrices pour la mise en œuvre des traitements d’images effectués par les drones des forces de sécurité. Cette délibération tient compte des exigences de protection des données personnelles et de respect de la vie privée.

 

Recours des associations et garantie des droits : la position du Conseil d’État 

Dans une ordonnance rendue le mercredi 24 mai, le juge des référés du Conseil d’État a rejeté la demande de suspension du décret permettant l’utilisation de drones équipés de caméras par les forces de sécurité lors des manifestations. Il convient de souligner que cette ordonnance du juge des référés ne fait que rejeter la suspension du décret en raison de l’absence d’illégalité manifeste justifiant une telle suspension. Il est donc important de noter qu’il est tout à fait possible que lorsque l’affaire sera examinée sur le fond, le décret soit annulé.

Le 16 mai dernier, le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative, a examiné un recours déposé par l’Association de défense des libertés constitutionnelles (Adelico) à l’encontre du décret encadrant l’utilisation des drones par les forces de police et de gendarmerie. Ce décret est la base normative des préfectures de Paris, Bordeaux, Lyon, ainsi que celle du Havre, qui avaient pris des arrêtés autorisant le survol des cortèges lors de la Fête des travailleurs, le 1er mai, par ces engins aériens.

Le Conseil d’État a jugé « qu’il n’existe pas de doute sérieux sur la légalité de ce décret, compte tenu des garanties que le cadre juridique défini par la loi et le décret offre quant au respect des exigences de protection de la vie privée et des données personnelles issues du droit français et européen. Le juge rappelle en outre que le respect, par chaque autorisation préfectorale, de ces exigences reste soumis au contrôle du juge administratif, qui peut être saisi y compris en urgence ».

Cette ordonance du Conseil d’État revêt toutefois une importance majeure. En effet, il y a deux ans, saisi par la Quadrature du Net, le Conseil d’État avait rejeté l’utilisation des drones par les autorités et avait ainsi désavoué la préfecture de police dirigée par Didier Lallement. Le préfet de police était alors sommé de cesser immédiatement la surveillance des rassemblements de personnes sur la voie publique par le biais des drones, selon une ordonnance rendue le 22 décembre 2020. La juridiction avait également exigé un encadrement législatif de l’utilisation des drones, une mesure qui a depuis été mise en place. 

 

Les drones et la protection des données : enjeux de confidentialité et de sécurité

L’utilisation des drones doit être autorisée par une ordonnance motivée et écrite du préfet, pour une durée maximale de 3 mois, renouvelable. La captation d’images ne peut être permanente, et certaines pratiques, telles que la captation de sons, la reconnaissance faciale et les rapprochements automatisés avec d’autres traitements de données personnelles, sont strictement interdites. De plus, la captation par voie aérienne ne peut viser l’intérieur des domiciles.

 

Enregistrements de drones : préoccupations autour de la vie privée

La conservation des enregistrements est soumise à des règles strictes, avec une durée maximale de 7 jours à partir de la fin du déploiement du dispositif, sauf en cas de procédure pénale, disciplinaire ou administrative. Ce délai vise à éviter la conservation indéfinie des enregistrements, limitant ainsi le risque d’atteintes disproportionnées à la vie privée des personnes filmées par les drones. 

De plus, le décret dispose que le public se doit d’être informé de l’utilisation de dispositifs aéroportés, tels que les drones, à moins que des circonstances particulières ne justifient une exemption. Cette mesure vise ainsi à assurer une certaine transparence quant à l’utilisation de ces technologies de surveillance, permettant aux citoyens d’être informés de leur présence et de leur utilisation dans des contextes spécifiques.

Cette ordonnance marque un équilibre délicat entre la sécurité publique et la protection des droits fondamentaux. Elle servira de référence pour l’utilisation des drones dans les missions de sécurité. Toutefois, comment garantir une utilisation responsable des drones tout en préservant la vie privée et les libertés individuelles ? 

 

Hanan KAICHOUH

M2 Cyberjustice – Promotion 2022/2023

 

Sources : 

  • Légifrance : Décret n° 2023-283 du 19 avril 2023 relatif à la mise en œuvre de traitements d’images au moyen de dispositifs de captation installés sur des aéronefs pour des missions de police administrative 

 

  • Code de la sécurité intérieure : Articles L. 242-1 et suivants 

 

  • Légifrance : Délibération n° 2023-027 du 16 mars 2023 portant avis sur un projet de décret portant application des articles L. 242-1 et suivants du code de la sécurité intérieure (demande d’avis n° 22015146) 

 

  • Légifrance : Délibération n° 2021-078 du 8 juillet 2021

 

 

 

 

 

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