Blog Cyberjustice - FTX, un écran de fumée ?

Qu’est ce que FTX ?

Après avoir créé Alameda Research, entreprise de courtage de crypto-monnaies en 2017, Sam Bankman-Fried (SBF) met en place FTX (Future Exchange) en 2019 – plateforme de crypto devise. Il s’agit d’une forme de bourse de crypto-monnaies, où l’offre et la demande se rencontrent. Début 2022, FTX est considérée comme la deuxième plateforme mondiale centralisée d’échange de crypto-monnaies, avec une valorisation qui frôlait les 32 milliards de dollars.

SBF était présenté comme un génie de 30 ans, pur produit de l’élite américaine, avec un père professeur de droit à l’université de Stanford, et des études à la prestigieuse université de Massachusetts Institute of Technology (MIT). Le succès de FTX est dû par ailleurs à un marketing assez agressif, sollicitant des célébrités telles que Gisele Bündchen ou Tom Brady pour faire la promotion de la plateforme, ainsi que la diffusion de publicités lors de la mi-temps du Super Bowl. Cela ne pouvait que renforcer la confiance des futurs investisseurs.

La chute

Le 6 novembre 2022, Changpeng Zhao, patron de Binance, première plateforme mondiale d’échange de crypto-actifs, annonce vouloir liquider les jetons FTT se trouvant sur Binance – jetons émis par FTX permettant d’échanger des crypto devises sur la plateforme. En conséquence, dans la panique, les détenteurs de FTT cherchent à vendre leurs jetons. Le cours de FTX s’effondre en quelques heures, « passant de plus de 25 dollars à environ 3 dollars ». Environ 1 million de clients et d’investisseurs sont dans l’incapacité de récupérer leurs liquidités.

Le 11 novembre 2022, FTX se déclare en faillite auprès du tribunal du Delaware, et est placée sous la protection du Chapitre 11 (loi sur les faillites).

Par ailleurs, SBF est accusé d’avoir utilisé l’argent déposé par les clients de FTX, sans leur consentement, pour financer des paris risqués et spéculatifs de sa société Alameda Research ; d’avoir financé des partis politiques ; et d’avoir acheté de l’immobilier. Il est à noter que depuis les crises financières de 1929 et 2008, spéculer en son nom avec l’argent des clients est interdit aux Etats-Unis. Selon Reuters, « au moins 1 milliard de dollars puisé dans les dépôts des clients a disparu ». SBF plaide non coupable pour huit chefs d’accusation, dont blanchiment d’argent, escroquerie ou encore détournement de fonds. Après avoir été extradé des Bahamas vers les Etats Unis, une date prévisionnelle de procès a été fixée le 2 octobre 2023 par la Cour fédérale du district de New York.

En conséquence, FTX est placée sous le contrôle des tribunaux, et l’avocat spécialisé dans les procédures de faillites, John Ray III, a pour mission de récupérer l’argent des créanciers. Plusieurs moyens sont employés pour se faire :

rechercher des liquidités dans les adresses blockchain de FTX ;
obtenir le remboursement des donations faites aux partis politiques ;
vente de propriétés immobilières de SBF ;
vente des filiales de FTX.

Cependant, « d’après la banque d’investissement Jefferie, les victimes de FTX pourraient ne percevoir qu’entre 20 % et 40 % de leurs pertes initiales ». Une solution possible est de relancer les services de FTX, qui aurait encore du potentiel, selon John Ray III.

Vers une régulation progressive?

Les transactions en cryptomonnaies sont publiques et traçables, notamment grâce aux blockchains. Avec ce scandale, il est évident que la technologie ne prévient pas tous les détournements humains. La confiance des consommateurs est touchée, et plusieurs experts appellent à la régulation. D’après François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France, « la question n’est plus de savoir s’il faut ou non réguler : il est sûr qu’il le faut ».

Sur ce point, l’Union européenne a déjà une longueur d’avance. En effet, le Conseil de l’Union européenne a adopté le projet de règlement « Markets in Crypto-Assets » (MiCA) en juin 2022. Il a pour objectif d’encadrer le marché des crypto-actifs et d’uniformiser les règles les concernant. Il donne, entre autres, des définitions de crypto-actifs, met notamment en place leurs conditions d’offres et définit un régime pour leurs prestataires de service. Ce texte devrait s’appliquer dès janvier 2024.

Raymond Gregory, cofondateur et rédacteur en chef de The Big Whale, cherche à rassurer les investisseurs de crypto-monnaies. Selon lui, le problème de FTX découle du fait qu’il s’agit d’un acteur centralisé qui fait faillite. Or le reste des crypto-monnaies décentralisées continue de fonctionner, comme Bitcoin, dont le cours a dépassé 25 000 dollars en février 2022. Il conseille de ne pas laisser l’argent sur des plateformes comme FTX, mais de le placer directement sur des portefeuilles numériques afin de prendre le contrôle total des actifs. Par ailleurs, d’autres acteurs du secteur appellent à se renseigner avant d’investir dans des crypto-actifs pour éviter la perte partielle, voire totale, de son argent.

Hannah Siegrist

M2 Cyberjustice, promotion 2022-2023

Sources :