L’évolution des robots chirurgiens soulève de nombreuses questions dues aux nouvelles possibilités qu’elle offre. Cette quête à la perfection du robot suscite de nouvelles problématiques, notamment aux niveaux éthique et juridique. Il s’agit dans cet article de traiter les divers aspects que soulèvent ces « chirurgiens de demain », dont la place dans nos hôpitaux se fera de plus en plus conséquente dans un futur proche.
Dans un domaine où la recherche et le développement se font à une vitesse hallucinante, le robot a su se faire une place, parfois omniprésente, dans nos hôpitaux en se mettant au service du patient et du chirurgien lui-même.
Bien que la technologie en elle-même soit complexe et très technique, elle n’en est pas moins révolutionnaire et en voie de changer définitivement nos usages et habitudes. quelle éthique pour cette nouvelle technologique ? Quid des libertés fondamentales ? Quelle est la place du robot dans notre droit ?
Par nature la chirurgie a une approche éthique toute particulière avec les patients et leurs corps. Depuis la disparition du bourreau, le chirurgien reste le seul à avoir légitimement le droit « d’attenter à l’intégrité physique d’une personne humaine » en la faisant saigner. Grande est sa responsabilité morale.
Outre ce premier fait, il va sans dire que plus les robots sont performants et autonomes, plus ils amassent de la donnée (pour justement fonctionner correctement et avoir ce degré d’autonomie que nous attendons d’eux). Ceci peut être perçu comme « normale » concernant le domaine médical et de santé, car qui de mieux placé que le médecin et le chirurgien pour nous dire quoi faire de notre santé. Mais le souci ne réside pas dans le fait que les médecins ont accès de manière illimités à nos données personnelles très sensibles : mais plutôt dans la sécurité de ces dernières. Qu’adviennent les données personnelles, et donc notre vie privée, si l’hôpital subit une attaque et se fait voler les informations des robots ? Ce problème ne date pas d’hier, et il ne date pas non plus depuis l’arrivée des robots, mais la problématique subsiste.
Pour le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE), il apparaît fondamental de « redonner à l’individu une certaine maîtrise sur les données qui le concernent, ainsi que la compréhension de ce qui en est fait ». Cela doit passer par des aménagements du consentement libre et éclairé, dans un contexte qui est justement en partie défavorable : des données personnelles peuvent être utilisées en l’absence de toute transparence et sans consentement. « La complexité et l’opacité de l’exploitation des métadonnées et la difficulté d’énoncer des finalités précises interrogent la notion classique de choix libre et éclairé et de consentement, et pourraient restreindre la contribution de la personne à la décision médicale qui la concerne », poursuit le CCNE. Des explications et des informations sont donc à fournir aux individus.
Enfin, qui dit donnée dit sécurisation et anonymisation (ou pseudonymisation). « La difficulté technique d’assurer l’anonymat des données et la fragilité des mesures de sécurisation créent un risque majeur d’atteinte à la vie privée », note le CCNE. En effet, outre les garde-fous à prévoir face aux abus des entreprises, il y a le risque du piratage qui pourrait déboucher sur une utilisation malveillante des données de santé.
Le robot aux yeux du droit :
Un aspect fondamental quand il s’agit des robots, c’est leur place au sein de notre droit : que dit la loi ? A qui revient la responsabilité si quelque chose tourne mal durant l’opération ? Les réponses apportées dans la première partie seront-elles remises en question en abordant, dans une seconde partie, les innovations et perspectives d’avenir des robots chirurgicaux ?
Pour le droit, le robot est une chose. Il n’y a ainsi pas de responsabilité, ce dernier étant considéré comme une simple chose mobilière, comme un scalpel ou un robot chirurgical déplacé par un opérateur humain. Jusqu’à présent, les dommages corporels causés par un robot cathéter ont été clarifiés dans le droit suisse actuel du point de vue de la responsabilité médicale classique.
Le robot est donc un outil, qu’utiliserait le chirurgien, seul et unique responsable en cas de problèmes. Mais il ne faut pas oublier la potentielle responsabilité du fabricant ou de celle du patient : le médecin ou l’hôpital concerné pourrait se retourner contre le fabricant, voire se prévaloir, dans certains cas, d’un consentement libre et éclairé du patient quant à l’utilisation de ce dispositif, du moins lorsque les risques ont été clairement expliqués au patient. Mais le personnel médical reste le premier responsable des actes médicaux réalisés.
Un hôpital a déjà été condamné pour une chirurgie robotique trop longue : un patient a été opéré en 2007 pour un prolapsus urogénital de stade II par laparoscopie assistée par robot. En raison de l’utilisation du robot, l’intervention chirurgicale, et avec elle l’anesthésie, a duré sept heures. Après l’opération, il souffrait de lésions nerveuses dans le plexus brachial inférieur droit, dont il a encore des séquelles aujourd’hui.
Dans cette affaire, les experts ont considéré que la lésion du plexus brachial était due à un « accident de positionnement sur la table d’opération » et à l’anesthésie prolongée du patient, notant notamment que si le recours à la chirurgie robotique n’était pas intrinsèquement vicié, un temps d’intervention plus long qu’une opération sans robot, majorant d’autant plus le risque, dont le CHU doit en assumer l’entière responsabilité. Le cadre juridique existant permet d’analyser une variété de questions juridiques liées à la robotique. Cependant, la question de la nécessité de nouvelles normes est actuellement en discussion, par exemple certains défendent l’idée que les robots pourraient avoir des droits, d’autres de les doter d’une personnalité juridique spéciale.
Sophie HAMON
Etudiante en Master Cyberjustice
Promotion 2021/2022