L’opération Serenata de amor est un projet participatif d’intelligence artificielle d’analyse des dépenses publiques des membres du Congrès au Brésil.
Conçu en mars 2016 par le chercheur Irio Musskopf, le sociologue Eduardo Cuducos et l’entrepreneur Felipe Cabral, celui-ci incarne un projet collaboratif de grande ampleur et novateur en la matière.
La plateforme a pour principal objectif de surveiller les réelles dépenses des agents publics et de partager les informations récoltées de manière accessible pour tous.
Contexte :
Les données fournies par les membres du Congrès concernant les remboursements liés au travail peuvent ne pas toujours être exactes, malgré des règles de remboursement formalisées. Au Brésil, les députés ont un quota pour l’exercice de l’activité parlementaire (CEAP), soit un montant mensuel allant jusqu’à 45 000 R$.
L’équipe gouvernementale en charge du traitement du remboursement des dépenses effectuées par les membres du Congrès reçoit chaque jour environ 1 500 reçus d’hommes politiques demandant à être remboursés, soit plus de 20 000 demandes chaque mois selon la chambre des députés brésilienne.
Au Brésil, le rythme de résolution des affaires est lent et les coûts pour amener un politicien devant les tribunaux dépassent les 15 000 $.
État du droit brésilien :
Actuellement, le projet fait partie du programme Data Science for Civic Innovation d’Open Knowledge Brasil.
Dans le domaine de la lutte contre la corruption, le Brésil adopte en 2011, une loi d’accès à l’information qui rend les données ouvertes obligatoires pour toutes les entités publiques.
Le Brésil adopte depuis 2017 une stratégie numérique basée sur un développement économique et social fondé sur la promotion de l’innovation[1].
Le 21 mars 2017 dernier, fut adopté un décret de stratégie brésilienne de transformation numérique (E-Digital) donnant lieu à la création d’un comité́ interministériel en charge de ces questions (CITIDigital).
Le Brésil possède tous les atouts pour passer au gouvernement numérique, comme le démontre ainsi la multiplication des projets dans le domaine informatique et l’adoption d’une nouvelle stratégie de transformation numérique.
Une IA au service de l’administration des finances publiques :
Contrôler et exposer au grand public les dépenses qui paraissant suspectes est désormais possible grâce au développement du robot Rosie.
Rosie est un logiciel qui effectue son travail d’investigation de manière autonome et automatique. Cela permet à toute personne intéressée de contribuer ou de suivre le fonctionnement de l’IA Rosie, ses informations et son code informatique.
Avec un langage neutre et des données factuelles, cette solution s’est avérée plus efficace et efficiente.
Le projet Serenata de Amor incarne le premier projet mondial en Open source à propos de politiques[2].
L’IA s’occupe elle-même de télécharger les données disponibles à partir des sources, les analyser, exécuter des algorithmes et identifier les soupçons.
La plateforme analyse ainsi les données déclarées et signale les dépenses suspectes effectuées par les représentants politiques. Lorsqu’elle remarque un paiement suspect, Rosie tweete automatiquement les résultats afin que les citoyens et membres du Congrès y aient accès.
Conséquences
Rosie a forcé des membres du Congrès à s’expliquer et à corriger leur comportement.
La pression publique peut être plus influente qu’une arrestation, surtout si l’alternative est une affaire judiciaire longue et coûteuse qui utilise des fonds publics.
L’utilisation d’une plateforme de médias sociaux pour rassembler les gens autour des données ouvertes elles-mêmes, via une plateforme automatisée, a le potentiel de transférer le pouvoir aux citoyens et de profiter d’un espace préconstruit pour tenir leurs représentants responsables.
Le numérique apparaît comme un moyen efficace de lutte contre la corruption et d’accroitre la satisfaction du citoyen du service public en lui offrant les moyens de s’exprimer.
Quelques chiffres
En octobre 2021, une enquête réalisée par la plateforme révèle :
- 8 276 remboursements suspects
- 735 députés suspects
- 3,6 millions $ de demandes de remboursements suspects
[1] Selon un rapport de l’OCDE en 2018, 58 % de la population utilise internet et plus de 100 millions de Brésiliens utilisent leurs smartphones.
[2] Disponible sue la plateforme GitHub
Romane LEBAN-MATHIEU
M2 CYBERJUSTICE 2021-2022