Les cryptomonnaies sont des actifs numériques virtuels qui s’échangent de pair-à-pair. Elles reposent sur la technologie de la blockchain à travers un registre décentralisé et un protocole informatique crypté.
Apparues en 2008 à la suite de la crise financière des subprimes, ces monnaies souvent controversées tendent à se démocratiser, de plus en plus de commerçants acceptant le paiement en Bitcoin.
Selon l’étude annuelle du Cambridge Center for Alternative Finance parue en 2020, 101 millions d’utilisateurs du Bitcoin dans le monde ont fait le pari d’investir dans cette monnaie.
L’Autorité des marchés financiers (AMF) alerte régulièrement les épargnants sur les risques inhérents aux investissements dans les cryptomonnaies notamment en raison de la volatilité de cette devise.
De plus, le Bitcoin semble être un outil pour les criminels, en matière d’escroqueries, de blanchiment d’argent, de financement du terrorisme ou de cyberattaques.
L’obligation d’enregistrement instaurée par la loi PACTE
La loi PACTE a permis d’instaurer un cadre visant à protéger les investisseurs des sites frauduleux de cryptomonnaies ou de particuliers qui ne seraient pas en mesure d’assurer une certaine expertise afférente aux actifs numériques.
Ainsi, cette loi oblige deux catégories de prestataires de services des actifs numériques (PSAN) à réaliser un enregistrement auprès de l’AMF, à défaut duquel ils sont susceptibles de figurer sur les listes noires de l’AMF.
Les PSAN visés par cette obligation sont :
- ceux qui proposent des services de conservation de crypto-actifs
- les prestataires de services d’échanges entre actifs numériques et monnaie ayant cours légal, échanges dits « crypto-to-fiat ».
L’enregistrement permet à l’AMF de vérifier que le PSAN est conforme à la réglementation relative à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LCB-FT). Cette dernière prévoit des obligations relatives à l’évaluation des risques LCB-FT des entreprises cryptos, à la connaissance client et la vérification des bénéficiaires effectifs, à la coopération avec les services de renseignement ainsi que le gel des avoirs.
L’encadrement des offres au public de jetons par la loi PACTE
Depuis 2016, des dizaines de levées de fonds ont été réalisées en France via des jetons numériques.
Ces levées de fonds consistent, pour une société ayant un besoin de financement, à émettre des jetons, auxquels les investisseurs souscrivent. Ces opérations étaient initialement dénuées de toute régulation.
La loi PACTE, promulguée le 22 mai 2019, a contribué à instaurer un cadre pour les offres au public de jetons. Depuis l’entrée en vigueur de cette loi, un porteur de projet a la faculté de soumettre son offre au visa de l’AMF. Ce label certifie aux investisseurs que l’émetteur de jetons a satisfait les garanties minimales requises par la loi. L’AMF vérifie notamment que le document d’information établi par la société à destination du public contient des informations sur l’émetteur et sur l’offre de jetons, complètes et compréhensibles pour les investisseurs.
Toutefois, cela ne prémunit en rien contre le risque de piratage ou de faillite des plateformes intermédiaires. Comme l’a rappelé Philippe Carpentier, Directeur général adjoint du Crédit Agricole d’Ile-de-France, « entre 2011 et 2018, Morgan Stanley a ainsi recensé 19 incidents graves pour un montant estimé des pertes s’élevant à 1,2 milliard de dollars. Lors de tels piratages, les détenteurs de crypto-actifs n’ont souvent aucun recours ».
Le démantèlement d’un réseau terroriste alimenté par des cryptomonnaies le 30 septembre 2020
Tracfin, le service de renseignement de Bercy, a détecté en 2019 un circuit de financement du terrorisme utilisant les actifs numériques. Ces derniers ont permis l’acheminement des fonds à des combattants djihadistes en Syrie. Le 30 septembre 2020, 29 personnes ont été interpellées en France, suspectées d’alimenter ce réseau à l’aide de coupons prépayés en Bitcoin.
C’est dans ce contexte que Bruno Le Maire a écrit un tweet le 9 décembre 2020 : « Nous devons assécher au moindre euro tous les circuits de financement du terrorisme. » Il a présenté en Conseil des Ministres, le même jour, une ordonnance renforçant le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme applicable aux actifs numériques.
Quels sont les changements apportés par l’ordonnance du 9 décembre 2020 ?
L’ordonnance du 9 décembre 2020 étend aux PSAN proposant des activités d’échanges d’actifs numériques contre d’autres actifs numériques (échanges dits « crypto-to-crypto ») et aux plateformes de négociation d’actifs numériques les obligations posées par le Code monétaire et financier en matière de LCB-FT.
Cette ordonnance prévoit en contrepartie un allégement des contrôles menés en amont par l’Autorité de contrôle : pour les PSAN visés par la loi PACTE, seules les obligations « les plus décisives » en matière de LCB-FT devront faire l’objet de diligences.
Aussi, il sera désormais interdit aux entreprises de cryptomonnaies de tenir des comptes anonymes. « De nouvelles dispositions réglementaires seront présentées afin d’accélérer la mise sur le marché de solutions d’identification numérique pour les transactions en actifs numériques » a indiqué le Gouvernement.
Les clients devront fournir une seconde preuve de leur identité, en plus d’un document d’identité. Selon Capital, ce second document prendra la forme d’un virement SEPA. De fait, le fonctionnement des plateformes crypto-to-crypto qui n’utilisent pas l’euro sera rendu impossible. Ce processus sera obligatoire dès le premier euro dépensé par l’utilisateur, contre 1000 euros auparavant.
Le développement des entreprises cryptos en France pourrait se voir ralenti par ces mesures, alors que le gouvernement a annoncé vouloir rendre la place de Paris plus attractive et plus compétitive dans ce secteur.
Sonia BOUCHENEB
Master 2 Cyberjustice – Promotion 2020/2021
Sources :
https://www.gouvernement.fr/conseil-des-ministres/2020-12-09