“Dans une société libérale, tout est autorisé jusqu’à ce que ce soit interdit. Dans une dictature, tout est interdit jusqu’à ce que ce soit autorisé” Florian Willet, coprésident et juriste de l’association The last Resort.
Le Lundi 23 septembre 2024 a été utilisée pour la première fois une capsule d’assistance au suicide appelée « Sarco » – terme visuel évoquant un sarcophage – dans une cabane forestière à Mershausen dans le canton suisse du nord du pays, par une femme souffrant de fortes douleurs causées par une maladie incurable.
Cette technologie suisse permet de s’ôter soi-même la vie sans l’aide d’un médecin, dans cet Etat qui permet l’euthanasie depuis 1942.
Cette machine a été mise sur le marché par l’association The Last Resort et créée par le concepteur et pro-euthanasie Philip Nitschke, premier médecin à avoir aidé une personne à mourir légalement en Australie.
Comment ça marche ?
Conçue à l’aide d’une imprimante 3D, l’engin libère une certaine quantité d’azote dans la capsule, ce qui élimine tout l’oxygène présent, provoquant la mort de l’utilisateur au bout de cinq minutes.
Nitschke explique, lors d’une interview, le procédé d’une façon simpliste et de manière à donner l’image d’une avancée technologique digne de confiance et aidant les personnes atteintes de maladies incurables ou trop douloureuses.
Ainsi, il explique que les personnes se sentiront au début « désorientées, non coordonnées, légèrement euphoriques, avant de perdre connaissance au bout de deux minutes » et d’être déclarées mortes après environ cinq minutes par hypoxie à l’azote.
Ce procédé se fait par la simple activation d’un bouton par l’utilisateur de la capsule, sans assistance d’un médecin, et après avoir passé un examen psychologique à l’intérieur de l’engin destiné à s’assurer qu’il est en pleine possession de ses facultés mentales.
L’objectif de l’association The last resort est précisément de « dématérialiser » le suicide assisté et de laisser les personnes ne voulant plus vivre prendre cette décision sans l’intervention d’un médecin, pourtant nécessaire d’un point de vue légal.
De plus, aucun bénéfice n’est récolté par l’association. La seule contrainte financière est le coût de l’azote de 18 Francs (CHF), l’équivalent de 19,08 euros.
Les conséquences de cette première utilisation
Suite à ce premier suicide par hypoxie à l’azote, une enquête pénale a été ouverte et quatre personnes ont été arrêtées et mises en garde à vue pour « incitation et aide au suicide », une autopsie étant en cours d’examen.
En effet, plusieurs circonstances sont en cause. Tout d’abord, le procureur Peter Sticher a affirmé que l’association avait été prévenue en juillet dernier des conséquences juridiques pouvant résulter de l’utilisation de la capsule.
Ensuite, d’après la Ministre de l’intérieur Suisse Elisabeth Baume-Schneider, la capsule ne serait pas conforme au droit car elle ne répondrait pas « aux exigences concernant le droit sur la sécurité des produits » ; la libération de l’azote dans la nature ne serait pas conforme à la loi sur les produits chimiques.
Puis, selon l’article 115 du Code pénal suisse, le suicide assisté est, de manière générale, admis sauf en cas de « mobile égoïste ». Selon la jurisprudence suisse, cela signifie que l’auteur ayant assisté au suicide a agi « pour tirer de la mort du suicidé un avantage personnel, direct ou indirect ».
De surcroît, l’opération se serait déroulée dans la plus grande clandestinité, aggravant ainsi les circonstances de l’affaire.
Des avis controversés
L’opération en cause a déclenché une discussion sur la légalité de l’euthanasie dans plusieurs États.
Le débat sur le suicide assisté est controversé depuis bien longtemps: entre ceux qui estiment qu’une personne peut décider par elle-même si sa vie vaut encore la peine d’être vécue, et ceux qui défendent le maintien de la vie, estimant qu’y mettre fin volontairement équivaut à un meurtre, et que toute vie mérite d’être vécue jusqu’à la fin.
Ainsi, comme l’a dit l’auteur allemand Ferdinand von Schirach, « En résumé, nous voulons faire remarquer : Même si c’est difficile à supporter, nous devons accepter le fait que notre droit ne semble pas être en mesure de résoudre tout problème moral sans contradiction ».
Liza SAMAHA
M2 Cyberjustice – Promotion 2024/2025
Arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2011 du 17 novembre 2011, consid. 2.4; Arrêt du tribunal de district de Uster GG170037-I/Mc/U02/gp du 30 mai 2018, VII consid. 5.1.
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