You are currently viewing Le commerce de détail, au carrefour de l’automatisation des emplois et du repos dominical
Image générée par Microsoft IA Designer : Un robot intelligent effectuant un achat auprès d'un distributeur automatique moderne

Ces dernières années, les contraintes réglementaires très strictes, ainsi que les coûts salariaux élevés, ont conduit les entreprises à se tourner vers l’automatisation des emplois. Caractérisés par des tâches répétitives, qu’elles soient manuelles ou cognitives, le but sera de maintenir leur clientèle et de concurrencer l’e-commerce.

Sur les bancs des écoles, les sujets d’examen pour l’obtention du Diplôme d’études en langue française (DELF) abordent la question de l’automatisation des caisses et du travail dominical. Question intéressante : « Les robots vont-ils nous prendre nos emplois ? ».

Il faut l’admettre : le commerce de détail a subi de profondes transformations suite aux avancées technologiques. Par exemple, il y a six ans, on comptait 350 magasins autonomes dans le monde, et ce nombre devrait dépasser 10 000 en 2024.

Des géants comme Amazon, Carrefour et Aldi adoptent ces solutions pour se passer du personnel traditionnel nécessaire à la surveillance et à l’aide des clients, ce qui leur permettra de maintenir ouverts leurs magasins 24/7.

Or, en France, pour les humains, le dimanche est reconnu comme un jour de repos. C’est une tradition issue en hommage au jour où Dieu se serait reposé après la création du monde (lat. Dominicus dies). Celle-ci remonte à Constantin, premier empereur romain converti au christianisme, qui a instauré légalement le dimanche comme un jour de repos.

En 2017, McKinsey Global Institute publiait déjà son rapport intitulé « A future that works : automation, employment and productivity », analysant les progrès en robotique, en Intelligence Artificielle (IA) et en Machine Learning, ainsi que leur impact sur les activités et performances humaines dans le secteur professionnel. Le rapport évalue le potentiel d’automatisation de l’économie mondiale et l’avenir du travail.

Selon Joseph Schumpeter, un brillant économiste et auteur de la théorie de la « destruction créatrice », le système capitaliste représente une méthode de transformation économique motivée par l’innovation et le progrès technique. En d’autres termes, les entreprises doivent s’adapter à ces changements sous peine de perdre en productivité et de se retrouver exclues du marché.

Dans ce contexte, la prévalence de l’IA et des algorithmes dans le monde du travail soulève des questions légitimes : est-il justifié de critiquer l’utilisation de ces systèmes pour automatiser et améliorer l’efficacité des tâches répétitives humaines ?

L’histoire du repos dominical en France

Le début de la Révolution française (1789) marque la fin du respect accordé aux lois de l’Église. Traditionnellement connu comme un jour de culte, les gens auront désormais la possibilité de travailler le dimanche.

En France, le repos dominical a été imposé définitivement par la loi du 13 juillet 1906. Ensuite, après les modifications apportées par la loi Aubry, l’année 2009 représente un étape importante dans l’assouplissement des réglementations sur le repos dominical.

Connue sous le nom de « Maillé », cette loi de 2009 réaffirme le principe du repos dominical tout en introduisant le concept des « salariés volontaires » dans les zones touristiques, thermales et certaines grandes agglomérations. Cela permet l’ouverture des magasins le dimanche, sous réserve d’approbation par le Conseil municipal.

L’article L.3132-1 du Code du travail dispose qu’un même salarié ne peut travailler plus de six jours par semaine. Selon la norme ISO 8601, qui définit le calendrier international, le dimanche est le dernier jour de la semaine. Cependant, l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle a été perturbé par l’adoption en 2015 de la loi « Macron » pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

Cette dernière introduit de nombreuses dérogations au principe de repos dominical, autorisant les commerces de détail à ouvrir leurs magasins jusqu’à 12 fois par an le dimanche. Cependant, les employeurs doivent accorder des compensations salariales aux salariés volontaires qui travaillent ce jour-là.

Toutefois, avec l’avènement des technologies émergentes dites de quatrième révolution industrielle, il existe, comme aux échecs, une solution alternative pour capturer la reine en utilisant un minimum de ressources.

L’automatisation des emplois, une influence directe sur le repos dominical ?

Vers les années 1880, Londres vit naître la première machine distributrice pour la vente de timbres-poste. Aujourd’hui, le nombre mondial de caisses automatiques atteint 1,2 million.

En Roumanie, Penny, propriété du groupe allemand REWE et opérateur économique de chaînes alimentaires, vient d’annoncer l’inauguration de son premier magasin entièrement autonome. Ce concept vise à offrir une expérience d’achat « facile et intuitive » grâce à des caméras intelligentes enregistrant les mouvements sans reconnaissance faciale. Les articles choisis par les clients sont automatiquement scannés et ajoutés à une liste sur l’écran de paiement ; les produits remis sur les étagères sont retirés du reçu.

Les magasins utilisent des algorithmes d’apprentissage automatique pour reconnaître les gestes des clients, complétés par des capteurs détectant le poids et la pression sur les étagères. Cette pratique s’est répandue mondialement ces dernières années.

Les magasins Amazon Go, pionniers dans les magasins automatisés, utilisent des images 3D des clients, sans recourir à la reconnaissance faciale pour préserver ainsi la confidentialité des données et, par extension, la vie privée des utilisateurs. De plus, des robots sont utilisés pour le tri, l’emballage et l’aide aux charges lourdes, minimisant les erreurs humaines et les risques de blessures.

Enfin, une chose demeure certaine : bien que travailler le dimanche pourrait ne plus être une option pour les salariés, ce seront toujours eux qui assureront le bon fonctionnement de ces machines, même en ce jour de repos.

 

Roxana Vener

Master 2 Cyberjustice – Promotion 2023/2024

 

Sources :

Amazon replaced over 100,000 humans with 750,000 robots – Income

Article L.3132-1 du Code du travail

Aruni Sunil – Is the future of shopping still autonomous (13 Mars 2023)

DELF Sujet – Des supermarchés ouverts le dimanche ?

Dhruv Grewal, Julie Baker, Michael Levy, Glenn B Voss, « The effects of wait expectations and store atmosphere evaluations on patronage intentions in service-intensive retail stores », Journal of Retailing, Volume 79, Issue 4, 2003, Pages 259-268

Fonctionnement du magasin autonome Penny

Jérôme Colombain – Nouveau monde. Non, les robots ne vont pas nous vont pas nous voler nos emplois. En tous cas, pas tous (13/02/2017)

Loi du 10 août 2009 réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires

Norme internationale ISO 8601

Penny Roumanie – Premier magasin autonome

Rapit Retail UK – The Evolution of Autonomous Retail (22 Juillet 2021)

REWE Rapport Financier 2023

Sabine Benoit, Birgit Altrichter, Dhruv Grewal et Carl-Philip Ahlbom – « Autonomous stores: How levels of in-store automation affect store patronage », Journal of Retailing, Volume 100, Issue 2, 8 January 2024, Pages 217-238