Le procès USA Gymnastics, le témoignage au Palais Bourbon d’Angélique Cauchy (ancienne joueuse de tennis) ainsi que celui de Sarah Abitbol (ancienne patineuse artistique) sont tant d’exemples qui mettent en lumière les abus sexuels dans la pratique sportive.
En ayant pour finalité la libéralisation de la parole des victimes d’abus sexuels dans le sport, la plateforme “Balance ton sport” a été mise en place pour dresser un état des lieux exhaustif des violences dans le sport et sensibiliser le public et les autorités sur le sujet.
Ce canal privilégié d’informations, selon les initiatrices du projet, Sabrina Sebaihi (députée Nupes) et Béatrice Bellamy (députée Horizons), permettrait de guider les victimes souhaitant témoigner. L’objectif prépondérant est de mettre en lumière les dysfonctionnements (racisme, discriminations, violences physiques et psychologiques, cas de harcèlements…) au sein de chaque fédération sportive.
Une plateforme temporaire
Depuis l’accès à un formulaire en ligne, les victimes peuvent depuis le 13 septembre 2023 déposer leur témoignage. Le recensement peut non seulement aider à quantifier l’étendue des violences, mais également servir de base solide pour l‘élaboration de politiques et de mesures ciblées exposées dans le rapport (sensibilisation, prévention et création de mécanismes de soutien).
Une commission d’enquête pour l’élaboration d’un rapport
Lancée depuis juillet 2023, la commission d’enquête, chargée de traduire les dysfonctionnements dans les fédérations sportives françaises, a clôturé ses travaux le 20 novembre 2023. A compter de ce délai, les données ont alors été anonymisées afin de présenter un rapport choc devant l’Assemblée nationale.
Toutefois, cette anonymisation partielle des données sensibles pose déjà un regard inquisiteur sur la confidentialité de la plateforme. Même lorsque les données sont anonymisées, il existe toujours un certain risque de re-identification ou de traçabilité, en particulier avec les avancées constantes dans le domaine de l’analyse de données et de l’intelligence artificielle. Des protocoles stricts doivent être mis en place pour éviter tout risque de divulgation non autorisée des informations.
L’urgence de la libéralisation de la parole
Le dispositif répond à une certaine forme d’urgence. La France, pays des Lumières prônant la tolérance, la liberté et l’égalité, déshonore ses propres convictions en classant sans suite les dossiers des victimes. Pour ces deux élues, il est alors primordial de concrétiser un espace de discussions afin d’apporter de véritables solutions juridiques et gouvernementales.
L’initiative utopiste, consistant à briser le silence sur les comportements déviants, a déjà recueilli une cinquantaine de témoignages sur plus de 1 500 connexions enregistrées sur la plateforme en moins de 24 heures. Ces chiffres suggèrent malheureusement que la violence affecte toutes les disciplines sportives.
Ces cellules ministérielles chargées de traiter les signalements de violence dans le sport sont encore méconnues du grand public, y compris de personnalités influentes comme Laurent Blanc.
Ce silence entourant l’existence de ces cellules ministérielles peut se traduire par plusieurs facteurs. Il peut s’agir d’un enjeu politique où les responsables hésitent à mettre en avant ces dispositifs pouvant nuire à la réputation des institutions sportives. D’un autre côté, il peut être question d’une insuffisance communicationnelle dans laquelle de simples renvois aux cellules ministérielles déjà préexistantes semblent plus adéquates.
Le rôle des associations, du corps médical et des organismes
Depuis de nombreuses années, ces entités se sont emparées du sujet afin d’apporter l’aide nécessaire aux sportifs. En effet, une cellule dédiée au ministère (signal-sports@sports.gouv.fr) permet d’ores et déjà de saisir la justice et orienter les victimes vers des associations.
Toutefois, la portée de Balance ton sport, jugée trop « marketing », n’est manifestement pas comprise du public. Il ne s’agit pas de suppléer un dispositif infaillible déjà implanté, mais de le supplémenter et de le corriger.
La désolidarisation de l’Assemblée Nationale et des associations
La présidence de l’Assemblée nationale montre son aversion et ne souhaite pas commenter le fond de cette initiative. Ce manque de soutien paraît troublant en raison de la fonction démocratique de cet organe. Sur quels fondements se positionne-t-elle pour ne pas défendre ce mouvement ?
Le caractère sexuel de la cause fait polémique. La dénomination de la plateforme ayant un lien de causalité évident avec le hashtag balancetonporc (ou « metoo ») fait débat.
De plus, les associations (notamment celle de Sébastien Boueilh, président de l’association Colosse aux pieds d’argile) considèrent que le principe de confidentialité est ébranlé lorsque les témoignages sont lus par trente membres de la commission d’enquête. Concrètement, cette lecture collective freinerait les personnes à témoigner.
De ce constat, les parlementaires et les associations déplorent un manque d’intérêt certain aux véritables objectifs recherchés. En se consacrant exclusivement au recueil de témoignages, les élues seraient passées à côté de la véritable essence de la plateforme. Selon eux, les travaux de la commission auraient dû aborder un volet budgétaire (renforcer la sensibilisation) et un volet légal (axé sur la protection de l’enfance).
La présomption d’innocence
La Déclaration universelle des droits de l’Homme de l’ONU, à travers son article 11, souligne clairement le principe fondamental de la présomption d’innocence jusqu’à ce que la culpabilité soit légalement établie au cours d’un procès public garantissant toutes les garanties nécessaires à la défense.
Tout l’inverse se produit lorsqu’un procès privé à l’encontre d’une personne, devient public sur la plateforme. En outre, cette application ne laisserait-elle pas une porte ouverte à un bafouement systématique de la présomption d’innocence ?
Amandine Derouet
M2 Cyberjustice – Promotion 2023-2024
Sources :
Documentaire Netflix. Team USA : Scandale dans le monde de la gymnastique. 2 juillet 2020, réalisé par Bonni Cohen et Jon Shenk.