Ces derniers jours, ne résonne plus que le nom de Gabriel Rochet. Agé de tout juste seize ans, cet ingénieur amateur se lance dans ce qui se révèle être un véritable exploit, alors même que cela relèverait davantage d’un jeu de construction à son âge. En effet, en moins de trois ans, ce jeune lycéen met au point un téléphone mobile modulaire, qui plus est made in France !
Cette dernière nouveauté retentit dans le monde du numérique : sommes-nous arrivés dans l’ère de la défiance des GAFAM et des BATX (les géants du Web) pour une création individuelle et surtout européenne ?
Selon le Média Positif, le Paxo Phone apparaît comme un nouvel outil de communication doté des fonctions primaires du téléphone portable actuel (une puce 2G pour l’envoi de messages, une horloge, un GPS et une calculatrice). Derrière ce projet, l’innovation majeure de ce smartphone “low cost” réside dans les moyens employés par son fabricant (l’open source, l’aspect environnemental et la réutilisation de puces nanométriques déjà exploitées dans d’autres appareils électroniques).
- Le secret de cette innovation repose-t-il dans le codage ?
En ayant choisi l’open source, ce jeune créateur laisse en libre accès les codes et consignes sur son site. Déposé sur une plateforme de développement, ce projet permet à tous les « makers » de pouvoir à leur tour développer leurs applications. Il déclare d’ailleurs à cet égard « tout le monde a un téléphone mais personne ne sait comment il fonctionne ».
Pour ainsi dire, il ouvrirait la voie à d’autres intéressés qui se donneraient pour mission de relever le défi d’un téléphone DIY (do it yourself), c’est-à-dire à faire soi-même.
- La dépendance au marché des semi-conducteurs et puces nanométriques
Après l’essai de trois anciens prototypes, le Paxo Phone se présente comme la quatrième et dernière version en vigueur, et non des moindres. Il est en effet remarquable qu’un adolescent de seize ans ait pu assembler depuis sa chambre, tous les circuits électroniques présents dans un tel appareil.
En outre, la particularité de ce smartphone “atypique” repose sur la réutilisation des composants déjà implantés dans d’autres dispositifs électroniques, qui est avant tout un parti pris écologique mais surtout économique.
En recyclant les puces nanométriques, Gabriel n’est pas contraint de faire importer des puces produites depuis la Chine, ou même de faire appel au Chips Act. Ce dernier, se présente comme le nouvel accord permettant à l’Union Européenne d’accélérer sa production de semi-conducteurs et ainsi réduire sa dépendance envers l’Asie.
Le marché du numérique bouge constamment, il est volatil, complexe et incertain de nos jours. Cette production individuelle et écologique permet alors de contrecarrer la dépendance au marché des minéraux, des semi-conducteurs et des puces.
- Un public bien visé et averti
L’appareil n’est en réalité doté ni d’une puce 4G, ni d’un accès aux réseaux sociaux. En somme, il permettrait seulement d’envoyer des messages, d’appeler et de se repérer dans l’espace. Lorsque nous est présentée une telle invention, on ne peut s’empêcher de penser à l’aspect pratique pour les jeunes collégiens.
En effet, lors de certains sondages, notamment celui de l’organisation Aleteia, plusieurs parents s’exprimaient sur l’arbitrage qu’ils devraient faire entre le refus d’offrir un téléphone aux jeunes collégiens, et le confort d’en disposer en cas de nécessité. Juste par son utilisation simplifiée, cette innovation permettrait à la fois de les protéger des réseaux sociaux (encore quelques années…) et de maintenir un rôle préventif en alertant un proche en cas de problème sur le retour du trajet scolaire par exemple.
- Une touche environnementale, une approche de la low tech
Fabriqué à partir de moins de composants, l’aspect “modulaire” du smartphone permet de lutter contre l’obsolescence programmée présente dans d’autres appareils.
En effet, pour réduire son empreinte environnementale, cet ingénieur a réutilisé des composants déjà implantés dans d’autres prototypes. Ces différents modules, aussi appelés « blocs » sont modifiables indépendamment les uns des autres. Cela a pour objectif de réduire les déchets d’équipements électroniques et d’en réduire le coût de réparation.
Par ailleurs, le « recycling » se prolonge par la réalisation d’une coque biosourcée. En effet, une imprimante 3D permet de concevoir la coque beige du téléphone pensée à partir de coquilles Saint-Jacques.
- Inclusion des personnes déconnectées
Comme dans tout projet en rapport avec le numérique, celui-ci peut présenter des avantages conséquents pour la recherche et l’innovation. On pourrait même aller encore plus loin, et parler des enjeux économiques pour les personnes déconnectées.
En effet, le Paxo Phone est pour l’instant estimé au prix de vente relativement modeste de trente euros, représentant le coût des matières premières. Ces personnes défavorisées pourraient se rendre sur le site et à leur tour fabriquer leur téléphone elles-mêmes.
Toutefois, cette avancée présente plusieurs interrogations à prendre très au sérieux. Parmi elles, on pourrait se demander si la programmation électronique ne deviendrait pas une source d’expérimentation, qui pourrait causer des accidents « de laboratoire ».
- Alors, qu’adviendra-t-il de ce jeune génie lorsqu’il aura acquis plus d’expériences ?
Le jeune homme n’est pas encore entouré de personnes expérimentées dans la tech.
Cependant, Alexis Kauffmann (fondateur de Framasoft, convaincu qu’un monde numérique émancipateur est possible), s’intéresse de très près à ce sujet. Travaillant au sein du ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse, Alexis Kauffmann a donné un véritable écho au projet en le partageant sur ses réseaux.
Force est de constater que d’autres questions restent en suspens à l’heure actuelle. Ce prototype pourrait-il être commercialisé à grande échelle ? Quelle place pourrait-il trouver sur un marché déjà bien implanté ?
Amandine Derouet
M2 Cyberjustice – Promotion 2023/2024
Sources :
Gabriel, 16 ans, l’inventeur du téléphone portable à fabriquer soi-même pour 30 euros – YouTube
Faut-il donner un smartphone à un enfant qui entre en 6ème ? (aleteia.org)
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