Qu’est-ce que le revenge porn ?
Le revenge porn consiste à rendre publics des textes, photos ou vidéos intimes sans le consentement des personnes concernées. Ces contenus ont pu être réalisés avec l’accord ou non de l’intéressé mais le revenge porn se caractérise par l’absence de consentement donné pour leur diffusion. L’exemple type est la rupture d’un couple où l’un des deux va diffuser par vengeance des éléments intimes envoyés par l’autre. C’est de cette situation de rupture amoureuse que ce phénomène tire son nom. (revenge= vengeance en anglais).
Ce phénomène est à corréler avec les échanges de « nudes », ces photos intimes qui s’échangent dans le but de séduire. Cette transmission d’éléments intimes a pris son essor avec les réseaux sociaux et les smartphones où la moindre photo peut être partagée instantanément.
Tout le monde peut en être victime, l’ancien candidat à la mairie de Paris, Benjamin Griveaux en est un parfait exemple. L’Obs-AFP a interviewé l’avocat Avi Bitton spécialisé en droit pénal qui souligne que « Les cas se sont multipliés avec l’explosion des réseaux sociaux »et Justice Atlan directrice de l’association e-Enfance qui explique que « Souvent précédée de menaces ou de chantage, la publication d’images intimes « est souvent une mesure de rétorsion, après qu’un des membres du couple se soit senti maltraité
Au sein des établissements scolaires, ce phénomène est malheureusement devenu fréquent. Toujours selon Justice Atlan, dans son interview dans Le Nouvel Obs « Ce comportement est assez répandu chez les jeunes, qui ont intégré le numérique dans leurs rapports affectifs et sexuels », souligne Justine Atlan. « Le smartphone est un outil très intime, et a en même temps une capacité de médiatisation très forte. Il peut pousser à une réaction de vengeance très impulsive ». Dès qu’ils en ont connaissance, les membres des équipes pédagogiques essaient tant bien que mal de faire cesser ces diffusions. Mais ceux-ci s’avèrent bien souvent impuissants à contenir le phénomène. Les conséquences pour les victimes sont dramatiques : isolement, ostracisation, suicide, …
Ce que dit la loi :
La loi du 7 mars 2016 pour une République numérique est venue approfondir le code pénal en créant, sous les articles 226-1 et 226-2 (délit d’atteinte volontaire à l’intimité de la vie privée par transmission de propos tenus en privé ou par captation et diffusion d’image), un nouvel article 226-2-1 qui renforce les sanctions pénales dans les cas spécifiques de contenus à caractère sexuel.
L’infraction de « Revenge Porn » est ainsi régie par l’article 226-2-1 du Code :« Lorsque les délits prévus aux articles 226-1 et 226-2 portent sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel prises dans un lieu public ou privé, les peines sont portées à deux ans d’emprisonnement et à 60 000 € d’amende.
Est puni des mêmes peines le fait, en l’absence d’accord de la personne pour la diffusion, de porter à la connaissance du public ou d’un tiers tout enregistrement ou tout document portant sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel, obtenu, avec le consentement exprès ou présumé de la personne ou par elle-même, à l’aide de l’un des actes prévus à l’article 226-1. »
Le caractère sexuel des contenus est une circonstance aggravante puisque le délit passe dans ce contexte d’un à deux ans de prison, et de 45 000 à 60 000 € d’amende.
En conclusion il est important de noter que le revenge porn est punit si la personne n’a pas donné son consentement à la diffusion des images, vidéos, … même si cette personne avait donné son consentement initial à la conservation des textes, images ou vidéos.
Un essor du revenge porn pendant le confinement
La période du confinement a vu augmenter le phénomène du revenge porn. Les jeunes femmes sont particulièrement ciblées. Ainsi des comptes (snapchat, Telegram, …) cherchent à « afficher » en ligne ces jeunes femmes, d’où leur nom : compte « ficha » ou « fisha ». Les administrateurs des comptes demandent aux internautes de trouver des images ou vidéos compromettantes pour les partager. De nombreuses victimes sont mineures et cela inquiètent jusqu’à la secrétaire d’Etat à l’Egalité entre les femmes et les hommes qui a rappelé sur Twitter, qu’Internet n’était « pas une zone de non-droit » et a demandé la suppression des contenus « pour protéger les jeunes filles ».
Pour lutter contre le phénomène, la résistance s’organise. Ainsi un groupe de militants nommé Stop Fisha a été formé pendant le confinement. Ces militants établissent des listes et signalent les liens sur la plateforme Pharos du ministère de l’intérieur ou de NET Ecoute.
Pour Kate Isaacs, fondatrice de la campagne #NotYourPorn qui lutte contre la diffusion de revenge porn et encourage les plateformes à mettre en place des structures régulatrices, ce mouvement serait l’effet boomerang d’une génération qui explore sa sexualité par le biais de la technologie. Elle explique ainsi dans le journal Les Inrockuptibles : “Cela commence souvent chez les couples d’ados qui, en période de confinement, partagent plus de contenu à caractère sexuel car ils sont loin l’un de l’autre. C’est une expression actuelle de leur sexualité”, dit-elle aux Inrockuptibles. Malheureusement, “cela réveille un voyeurisme, tandis que d’autres y voient une façon de gagner de l’argent, ou pour qui c’est simplement un passe-temps. Nous avons noté un pic de 50 % de revenge porn à travers les plateformes depuis le début de la quarantaine, un nombre record”.
Clément BOURDENET
M2 Cyberjustice- Promotion 2019-2020
Sources :
https://www.vice.com/fr/article/bvg4pz/quand-le-revenge-porn-sadapte-au-confinement
https://www.e-enfance.org/que-dit-la-loi-le-revenge-porn-2 https://www.nouvelobs.com/societe/20200214.AFP3224/video-intime-de-griveaux-une-pornodivulgation-severement-punie-par-la-loi.html