En octobre 2021, la France a annoncé dix objectifs pour mieux comprendre, mieux vivre et mieux produire, à l’horizon 2030. Dans le cadre du plan d’investissement France 2030, le cinquième objectif est de produire le premier avion bas-carbone.
Des chiffres pertinents
Actuellement, l’empreinte carbone de l’aviation représente entre 2 et 3 % des émissions mondiales. Selon les derniers chiffres disponibles de 2019, en France (vols intérieurs et vols internationaux au départ de France), le secteur aérien a émis directement 24,2 millions de tonnes de CO2. Cela représente une augmentation de 85 % par rapport à 1990. Ces émissions correspondent à 5,3 % des émissions globales de la France, soit 2,2 fois plus qu’il y a 30 ans.
Pour réduire l’impact des vols sur le climat, l’industrie aéronautique doit améliorer le carburant d’aviation, qui est le kérosène d’origine fossile, en y ajoutant de plus grandes quantités de carburant d’aviation durable (« sustainable aviation fuel », ou « SAF »), fait de ressources renouvelables telles que la biomasse et les déchets. Tous les avions peuvent aujourd’hui utiliser un mélange maximal certifié de 50 % de SAF, et plus de 330 000 vols dans le monde ont été effectués avec ce carburant. Selon l’estimation de l’IATA, en 2022 la production de SAF a triplé, passant à 300 millions de litres, contre 100 millions de litres en 2021.
Carburant d’aviation durable (SAF)
Le SAF peut être produit à partir de différentes sources, notamment la biomasse, qui est très prometteuse. Elle comprend des matières organiques d’origine végétale, comme les résidus de cultures, les branches, les écorces, les feuilles, et certaines cultures comme le panic érigé, le peuplier et le saule. La biomasse est convertie en SAF grâce à un processus nommé hydroprocessing, qui implique le traitement de la biomasse avec de l’hydrogène en présence d’un catalyseur, produisant un hydrocarbure liquide. Ce liquide peut être mélangé au carburéacteur conventionnel et utilisé dans les avions actuels sans modifications nécessaires.
Le gaz de synthèse, ou “syngas”, est un mélange d’hydrogène, de monoxyde de carbone et d’autres gaz, produit par un processus appelé gazéification. Ce processus consiste à chauffer une matière riche en carbone, comme le charbon, la biomasse ou les déchets, avec une quantité contrôlée d’oxygène ou de vapeur. C’est un combustible polyvalent qui peut être utilisé directement pour alimenter les moteurs, les turbines et les chaudières. La production de gaz de synthèse génère une quantité relativement faible d’émissions par rapport à la production de combustibles fossiles.
Le SAF peut également être produit à partir de dioxyde de carbone séquestré. Le CO2, capturé soit directement de l’atmosphère, soit des émissions industrielles, sert de matière première pour créer des hydrocarbures liquides. Ces hydrocarbures peuvent ensuite être raffinés en carburant. Lorsque le CO2 est extrait de l’atmosphère via des filtres ou des solvants spéciaux, il peut être converti en hydrocarbures synthétiques, comme le kérosène, en réagissant avec de l’hydrogène. Ce kérosène synthétique peut être mélangé avec le carburéacteur traditionnel pour créer un carburant plus durable.
Pour que le SAF soit utilisé dans l’aviation commerciale, il doit être approuvé par l’ASTM, (the American Society of Testing and Materials), un organisme international de normalisation. En juillet 2023, l’ASTM a approuvé 11 types du SAF, tels que des esters et des acides gras hydrotraités, l’alcool à réaction et le kérosène paraffinique synthétique, et 7 types sont en cours d’évaluation.
Les perspectives de SAF
Parallèlement à la France, d’autres pays européens visent également à introduire un maximum de 30 % de SAF dans leur industrie aéronautique d’ici 2030. La carte ci-dessous illustre les efforts déployés par les pays européens pour atteindre cet objectif.
Les technologies et les infrastructures nécessaires à la production à grande échelle de SAF sont encore en cours de développement, ce qui le rend actuellement plus coûteux que le carburéacteur traditionnel.
Pour atteindre l’objectif de 100 millions de passagers utilisant un mélange à 10 % de SAF d’ici 2030, 360 000 tonnes de SAF seront nécessaires. Le coût supplémentaire par rapport à l’utilisation exclusive de carburéacteur fossile devrait s’élever à environ 335 millions de dollars. Cette différence de coût doit être prise en compte pour que l’utilisation des SAF devienne un choix pratique pour les compagnies aériennes et les clients.
Le SAF coûtera probablement plus cher que le kérosène fossile pendant des décennies. Pour rendre l’utilisation du SAF à grande échelle, les compagnies aériennes, les aéroports, les entreprises, les clients privés et les pouvoirs publics doivent mener les discussions ouvertes à la meilleure façon de partager et de combler l’écart de coût.
Emiliya RAMAZANOVA
M2 Cyberjustice – Promotion 2023/2024
Sources :
https://www.economie.gouv.fr/france-2030#
https://www.zabala.fr/actualites/france-2030-avion-bas-carbone/