Les technologies de l’information et de la communication (TIC) font partie intégrante de notre quotidien, y compris sur le lieu de travail. D’où l’émergence de nouvelles pratiques liées à l’utilisation de ces technologies et des impactes qu’elles impliquent sur la santé du travailleur.
Une nouvelle façon de travailler inhérente à l’introduction des TIC
Tel que le souligne Marie Benedetto-Meyer et Jérôme Cihuelo dans La nouvelle revue du travail, « l’économie contemporaine de l’espace cherche à incarner, dans les pratiques et les valeurs des occupants, une conception de l’activité qui serait organisée autour de principes de communication ». Parmi ces principes de communication, la commande vocale est une technologie largement employée dans les domaines de la grande distribution et de la restauration et plus particulièrement dans la pratique des préparations de commande. Par exemple, elle représente actuellement 70% de mode de préparation dans le secteur de la grande distribution.
La commande vocale consiste en un système de guidage par reconnaissance vocale : le préparateur de commande est directement relié à une unité informatique centrale par l’intermédiaire d’un logiciel de reconnaissance vocale. Les informations lui sont transmises par une voix numérique, grâce à un casque relié au boîtier électronique et les différentes directives lui sont alors retranscrites par des signaux sonores composés de chiffres. La commande vocale s’inscrit ainsi dans une logique de travail téléguidé, c’est à dire dans l’exercice d’un travail technologiquement guidé qui mise sur la rentabilisation des déplacements et du temps de préparation.
Les problématiques liées à cette nouvelle façon de travailler
L’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) identifie plusieurs dégradations majeures du corps et de la vie des individus, liées à l’utilisation de la commande vocale sur le lieu de travail : intensification du travail, surcharge informationnelle et affaiblissement des relations interpersonnelles. A titre d’exemple, il est démontré que cette pratique entraine différentes pathologies, notamment des pathologies musculo-squelettiques dues à la concentration des gestes sur des tâches productives et effectuées à un rythme soutenu. D’un point de vue psychologique, David Gaborieau explique que les multiples directives qui sont directement reliées « au cerveau » du préparateur génèrent de l’anxiété car « la voix numérique déclenche chez les préparateurs la sensation d’être contrôlé en permanence, de recevoir des ordres continuellement ».
L’usage de cette technologie pose également des problèmes d’ordre éthique. Elle a pour effet de déposséder le travailleur de ses capacités de jugement et de changer l’exercice du travail en réaction plutôt qu’en action, transformant ainsi les gestes du corps en automatismes, réduits à leurs seules caractéristiques productives. En somme, il est éclairant de conclure par ce témoignage d’un préparateur de commande : « on n’entend plus rien en fait, on n’y réfléchit même plus. On pense à rien et pourtant on sait bien ce qu’on a à faire. C’est comme si ça passait directement par le cerveau ».
Paul Dubois-Gance
Master 2 Cyberjustice
Promotion 2019-2020
Sources :
- David GABORIEAU, La nouvelle revue du travail, « « Le nez dans le micro ». Répercussions du travail sous commande vocale dans les entrepôts de la grande distribution alimentaire », URL : http://journals.openedition.org/nrt/240
- Marie BENEDETTO-MEYER et Jérôme CIHUELO, La nouvelle revue du travail, « L’espace dans l’analyse du travail »
INRS (Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles) est une association à but non-lucratif qui agit pour la prévention des risques professionnelles. À travers sa revue, Hygiène & Sécurité du travail, l’INRS publie de multiples articles, dossiers et études de cas traitant du lien entre activité professionnelle et santé. Leurs rapports sont disponibles en ligne et offre un fond de recherches scientifiques