« Un réseau d’information public est maximalement efficace lorsqu’il aspire à traiter tous les contenus, sites et plateformes de manière égale », Tim Wu, juriste américain,  « Network Neutrality, Broadband Discrimination », Journal of Telecommunication and High Technology Law, 2003.

  • Pourquoi la neutralité d’Internet est-elle fondamentale ?

La neutralité du net peut être comparée au principe de non-discrimination appliqué aux recherches sur internet. L’ARCEP définit la neutralité des réseaux comme garantissant « l’égalité de traitement et d’acheminement de tous les flux d’information sur internet, quel que soit leur émetteur ou leur destinataire. Cette autorité est garante de ce principe et de son respect par les fournisseurs d’accès à internet tel que Google en France.

Le principe de neutralité d’Internet est essentiel en ce qu’il permet de jouir pleinement des libertés qu’offre Internet comme la liberté d’expression ou d’information. Par conséquent, cela évite  les limitations d’accès à internet à l’instar de la Chine. En Europe, son encadrement est assuré par un règlement européen du 25 novembre 2015 et par la loi pour une République numérique du 7 octobre 2016.

Malgré son aspect fondateur, l’application de cette neutralité du net n’est pas égale partout dans le monde. En ce moment, le débat fait beaucoup de bruit aux Etats-Unis.

  • La disparition de la neutralité du net aux Etats-Unis

C’est le 14 décembre 2017 qu’a été votée la suppression des règles garantissant la neutralité du net par la Commission fédérale des communications aux Etats-Unis. Une nouvelle législation applicable depuis le 11 juin 2018 sous l’impulsion de Donald Trump met à mal celle mise en place petit à petit par cette même commission les années précédentes. Qu’est-ce que ça signifie ? C’est la fin de :

  • L’interdiction de discriminer en bloquant certains contenus ou des sites.
  • L’interdiction de ralentir le débit des données de contenus.
  • L’interdiction de mettre en place un système d’abonnement payant pour bénéficier d’un débit rapide engendrant un débit lent pour ceux qui ne payent pas.

Evidemment, les fournisseurs d’accès internet (FAI) se réjouissent de cette situation. Ces derniers contestaient depuis des années leur classification en tant que service et Internet comme bien public en 2015, les obligeant à respecter la neutralité du net. Le fait d’y renoncer ne fait que renforcer la puissance sur le marché des FAI mais aussi des GAFAM.

Malgré la contestation de ce recul par de nombreux Etats, le 6 février 2020, la Cour d’Appel américaine du district de Columbia a affirmé définitivement l’abrogation du principe de la neutralité du net. Par conséquent, elle ne compte absolument pas reconsidérer cette décision. Il est cependant intéressant de noter que la Cour, dans une décision du 1er octobre 2019, estime que les Etats pouvaient adopter leurs propres lois pour légiférer sur la neutralité du net.

Cela aboutit à ce qu’on appelle un internet à deux vitesses ayant des impacts certains et inexorables pour les utilisateurs de l’internet.

  • Quels impacts sur l’utilisateur et les entreprises ?

Discrimination, censure, services payants, débit d’accès limité. Imaginez un réseau où les opérateurs télécoms mettront en avant leurs propres services et où, par conséquent, des frais supplémentaires seront demandés pour accéder à d’autres services que nous avons déjà l’habitude d’utiliser gratuitement. Autrement dit, les FAI pourront discrétionnairement choisir les services mis en avant sur Internet. Pour les utilisateurs, c’est une restriction de leur liberté d’information, d’expression ou encore de l’égalité d’accès à Internet.

De plus, l’impact est considérable pour les start-up, les innovations et autres petits sites qui n’auront pas les moyens, notamment financiers, pour faire face aux grandes enseignes et entreprises qui assureront un accord financier plus avantageux aux FAI. Ils seront quasiment invisibles sur la toile ou leur débit seront tellement limités que la plateforme sera inexploitable pour l’utilisateur. La libre concurrence en subira les conséquences.

L’incidence sur ce principe de concurrence touche autant les entreprises que les utilisateurs, ces derniers n’auront donc pas le choix que de choisir ce qui est le plus accessible et surtout, ce qu’ils peuvent financièrement se permettre.

Heureusement, la France est bien protégée car même si la neutralité du net n’est plus aux Etats-Unis, aucune répercussion en dehors de leur territoire n’est à redouter. De plus, aux Etats-Unis, il est soutenu que cette abolition ne serait que bénéfique pour les consommateurs, utilisateurs et ne nuirait en aucun cas à leur liberté, bien au contraire. Cela reste à voir sur le long terme, il ne faut pas oublier les dangers que pourraient engendrer un patchwork législatif pour Internet.

Delire Alexandra
M2 Cyberjustice – Promotion 2019-2020

Sources :

Pour en savoir plus, site de l’ARCEP, https://www.arcep.fr/nos-sujets/la-neutralite-du-net.html

Règlement européen du 25 novembre 2015 relatif à l’accès à un internet ouvert, https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32015R2120&from=FR

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