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Web Profond, Dark Web, L'Obscurité, Binaires, Code

Le dark web est l’objet de nombreux fantasmes, symptomatiques du mélange de crainte et d’admiration que suscite Internet. Il est l’endroit où l’on trouve de tout. Des criminels, des drogues et des armes certes, mais aussi des médicaments, des cryptomonnaies, des témoignages de personnes vivant sous des dictatures, ou plus simplement des réseaux sociaux privés. Il est l’endroit où il n’y a aucune censure, pour le meilleur et pour le pire.

Le dark web se confond souvent avec le deep web. Pour certains, les deux termes sont synonymes, pour d’autres, ils doivent être différenciés. En l’occurrence, ils seront distingués pour plus de clarté. Partant de ce principe, il est important de savoir que le dark web est une des composantes du deep web et que ce dernier lui précède. Pour comprendre ce qu’ils sont, il faut comprendre comment fonctionne Internet. 

Internet est un réseau informatique mondial, constitué par les connexions de milliers d’appareils informatiques entre eux. Il propose trois services en ligne : courrier électronique (mail), échange de fichiers et enfin le Web, qui nous intéresse particulièrement ici. Le Web est un regroupement de pages numériques multimédias. Pour être accessibles, elles doivent être référencées, c’est-à-dire être présentes sur les moteurs de recherche, et indexées, c’est-à-dire qu’elles doivent avoir une URL (une adresse web, qui se présente sous la forme : www.etc.etc). Les pages web réunissant ces deux conditions sont celles accessibles à l’internaute commun, celles que l’on peut trouver sur Google. Or, elles ne représentent qu’une infime partie de ce qui est trouvable sur le net. La très grande majorité d’entre elles ne sont ni référencées, ni indexées : elles forment le deep web. Pour y accéder, il faut obligatoirement passer par des logiciels spécifiques qui donnent un accès direct à ces pages en leur attribuant une URL cachée. Au sein de ce deep web se trouvent les darknets. Ils sont les logiciels spécifiques dont nous parlions qui, en plus de donner accès à du contenu désindexé, garantissent l’anonymat à leurs utilisateurs. Certains d’entre eux ne servent qu’à partager des fichiers, tandis que d’autres sont de véritables réseaux fonctionnant exactement sur le même principe que le Web. Ces réseaux forment donc un Web parallèle, caché : le dark web.

La question restant en suspens est comment le deep web, et par extension le dark web, sont-ils nés ? Ils sont tous les deux les produits du logiciel Tor. Tout comme Internet est une création de l’armée américaine, par la suite reprise et développée par des organismes de recherche publiques et privés, Tor l’est aussi – créé par l’US Navy (marine) plus précisément. Fondé sur les théories du philosophe et mathématicien Paul Syverson, il fut développé à partir de 1995 pour finalement être effectif en 2002. Son seul et unique objectif était d’être un réseau d’espionnage au bénéfice de la Navy. En effet, grâce à sa confidentialité et à l’anonymat qu’il garantit à ses utilisateurs par sa connexion dite en « oignon » (c’est-à-dire qu’elle passe par plusieurs relais avant d’accéder à une page internet afin de masquer l’adresse IP de l’utilisateur), il est le mode de communication parfait pour les services secrets. Ainsi, le tout premier deep web était composé d’informations classées secret-défense de l’armée américaine et les internautes du tout premier dark web étaient les politiciens et militaires américains. Or, les premiers hackers se rendirent rapidement compte de l’existence de ce réseau parallèle, si bien que la Navy n’eut d’autre choix que d’abandonner son bébé dès 2004. Pour des raisons encore très floues aujourd’hui, elle fit de Tor un logiciel open source, c’est à dire  un logiciel accessible, utilisable et même modifiable par n’importe qui, après avoir pris soin de supprimer les fichiers les plus sensibles, évidemment. Tor fut immédiatement récupéré par des dissidents chinois qui s’en servirent pour fuiter des informations sur la réalité de la dictature communiste.

En raison des possibilités infinies qu’il permet, Tor ne tarda pas à sortir de la sphère politique et à se démocratiser. Des réseaux similaires lui emboitèrent le pas, tel RetroShare qui naquit dès 2006, agrandissant continuellement l’espace pris par le deep web, à tel point qu’on estime qu’il représente au moins 96% du contenu internet d’aujourd’hui. Hélas, l’Homme étant loin d’être parfait, tout espace de liberté acquiert rapidement une part de vice. Les premiers à utiliser le dark web à des fins cybercriminelles furent les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (F.A.R.C, un groupe terroriste communiste), qui y développèrent un réseau de vente d’armes et de drogues à leur bénéfice. Ils inspirèrent d’autres criminels qui mirent à disposition du contenu toujours plus illicite, tant et si bien que le dark web est aujourd’hui associé systématiquement au crime.

« Internet est la première chose que l’homme a créée sans la comprendre, c’est la plus grande expérience en matière d’anarchie jamais réalisée » a dit Eric Schmidt, ancien PDG de Google. Cette citation est particulièrement vraie en ce qui concerne le dark web. Bien utilisé, il peut être miraculeux ; mal utilisé, il est dangereux et destructeur. Il appartient aux internautes de s’éduquer afin de décider d’y aller ou non en leur âme et conscience et de savoir comment y naviguer le cas échéant.

EL MAMOUNI Habib

M2 Cyberjustice, promotion 2019-2020

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