Avec l’arrivée des compteurs Linky, leur banalisation et la multiplication des contentieux, plusieurs enjeux juridiques ont vu le jour ; qu’il s’agisse de la présence ou non dans notre environnement d’outils pouvant provoquer des effets indésirables, de la possibilité d’imposer son installation ou au contraire de s’y opposer. 

Déployé par Enedis, le compteur Linky s’inscrit dans le courant des “objects connectés”. Celui-ci communique quotidiennement les données relatives à la consommation au fournisseur. En cela, il présente plusieurs avantages face à son prédécesseur. Les relevés sont automatiques et plus fréquents permettant des données de consommation quasiment en temps réel pour des factures au plus proche de la consommation effective. De même, certains entretiens peuvent être effectués à distance, évitant au maximum le déploiement de techniciens jusqu’au compteur.

Afin de moderniser son réseau électrique, Enedis suit le calendrier de déploiement du compteur Linky allant de 2015 à 2021 jusqu’à ce que ce dernier soit présent sur l’ensemble du territoire français. 

L’installation du compteur Linky est-elle obligatoire ? 

En principe, son installation est rendue obligatoire par une loi n°2015-992 sur la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015. Son article 28 prévoit “les gestionnaires des réseaux publics de distribution d’électricité mettent à la disposition des consommateurs leurs données de comptage, des systèmes d’alerte liés au niveau de leur consommation, ainsi que des éléments de comparaison issus de moyennes statistiques basées sur les données de consommation locales et nationales.” 

Dans les faits, cette installation peut se faire sans le consentement du consommateur à partir du moment où le compteur est accessible depuis l’extérieur ou les parties communes mais requiert sa présence lorsque ce dernier est en intérieur. Néanmoins, empêcher l’accès au compteur est contraire aux obligations du client prévu dans le contrat. Il est donc difficile de supposer que “faire le mort” soit une mesure définitive. 

C’est sur ce droit de la consommation que s’est fondé le contentieux récent, soulevant notamment la question de la liberté d’être équipé d’un compteur communiquant. Dans un arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 25 octobre 2018, la cour y a opposé que ces installations étaient rendues obligatoires par une directive 2009/72/CE du 13 juillet 2009. De plus, elle a mentionné l’obligation légale de remplacer le compteur à charge d’Enedis. Dans ces circonstances, le client n’avait donc pas la liberté de s’opposer à l’installation du compteur. 

Un enjeu de santé publique ?

Dans les mois qui ont suivi, de nombreux témoignages ont fait état d’effets secondaires indésirables tels que des maux de tête. Dans un compte-rendu, l’agence nationale des fréquences a établi que les “transmissions de signaux CPL utilisés par Linky ne conduisaient pas à une augmentation significative du champ électromagnétique ambiant”. En d’autres termes, qu’il s’agisse des champs électriques ou magnétiques, pour un relevé à 30 centimètres du compteur, ce dernier n’émettait pas davantage que des équipements communs comme une télévision ou des plaques à induction et restait évidemment bien en dessous des normes en vigueur. En cela, l’enjeu de santé publique ne pourrait être relevé, ou presque. 

Cela reviendrait à ne pas tenir compte d’une catégorie de personnes qui se seraient dites atteintes “d’hypersensibilité aux ondes”. Même si les études à ce sujet restent pauvres, certaines Cour ont accepté des concessions. A titre d’exemple, le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux a ordonné que soient installés des “filtres contre les camps électromagnétiques” pour les personnes électro-hypersensibles le 23 avril 2019. Dans une tendance similaire le Tribunal de Grande Instance de Tour a quant à lui ordonné le retrait des compteurs Linky, toujours pour ces personnes le 30 juillet 2019. Mais la solution inverse existe aussi. D’autres tribunaux ont en effet refusé au motif que les études restaient réticentes à reconnaître un lien entre les symptômes des consommateurs et le compteur. On retrouve ce choix dans une ordonnance du 4 avril 2019 du Tribunal de Grande instance de Caen ou du 2 août 2019 du Tribunal de Grande Instance  de Nanterre. 

Au-delà du compteur Linky, on peut donc s’interroger sur la tendance que prend la banalisation des technologies et sur notre droit à refuser leur présence. Devenues indispensables dans la vie de tous les jours, certaines bien que maintenant nécessaires sont aussi particulièrement intrusives. Il s’agit à présent de savoir si dans cet avenir proche, il existera encore un droit de regard dans les technologies présentes au quotidien. 

Madison Keener
M2 Cyberjustice promotion 2019-2020

Sources :

https://www.anfr.fr/controle-des-frequences/exposition-du-public-aux-ondes/compteurs-communicants/compteurs-linky/

https://www.inc-conso.fr/content/peut-refuser-linstallation-dun-compteur-linky

https://abcnews.go.com/Health/wi-fi-lawsuit-claims-electromagnetic-radiation-exposure-caused/story?id=33336635https://selectra.info/energie/guides/compteurs/linky/deploiement

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