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Le FNAEG, de quoi parle-t-on ?

Le FNAEG, Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques a été créé par la loi du 17 juin 1998, relative à la répression des infractions de nature sexuelle. A l’origine, ce fichier permettait de conserver les empreintes génétiques relevées des seuls délinquants sexuels. 

Plusieurs lois successives vont élargir le champ des profils contenus dans ce fichier :

  • La loi du 15 novembre 2001 permet l’enregistrement du profil génétique d’individus condamnés pour des crimes graves contre les personnes ainsi que les empreintes génétiques des personnes disparues et de leurs ascendants ou descendants.
  • Deux ans plus tard, la loi du 18 mars 2003, relative à la sécurité intérieure, que le FNAEG est étendu aux empreintes génétiques d’individus condamnés ou mis en cause dans les crimes et délits d’atteintes aux biens et aux personnes. Soit une très large majorité des infractions pénales à tel point que l’exception de fichage serait devenue le principe.

Chaque empreinte collectée et enregistrée est assortie d’informations permettant d’identifiée l’individu (nom, prénoms, date et lieu de naissance, filiation et sexe de la personne). Y figurent également des informations relatives à la procédure ayant donné lieu au prélèvement génétique (le service ayant procédé à la signalisation, la date et le lieu de l’établissement de la fiche signalétique, la nature de l’affaire et la référence de la procédure).
D’après la CNIL, en 2018, le FNAEG contenait 2,9 millions de profils génétiques et 480 000 traces non identifiées.


Et le RGPD dans tout ça ? 

Les données génétiques font parties des données dites sensibles (article 9 § 1 du RGPD) qui doivent en principe faire l’objet d’une protection accrue. Toutefois, le traitement d’empreintes génétiques fait l’objet d’une exception puisqu’il est « nécessaire pour des motifs d’intérêt public ». Le traitement de telles données doit cependant être proportionné à la finalité poursuivie sans toutefois être en violation avec les droits accortes par le RGPD ou les Libertés fondamentales (article 9 point g du RGPD).


Licéité de la collecte et du traitement des empreintes génétiques

L’article 6 du RGPD recense les différentes bases légales permettant la collecte et le traitement de données personnelles. Il est souvent considéré, à tort, que pour chaque collecte ou traitement, il faut obtenir le consentement de la personne concernée. Or le consentement n’est que peu souvent la base légale du traitement de données personnel.
En l’espèce, le traitement des données génétiques dans le cadre du FNAEG est « nécessaire au respect d’une obligation légale » (article 6 point c du RGPD).
Par conséquent, le consentement n’est pas nécessaire (à l’exception du prélèvement d’empreintes génétiques pour les ascendants et descendants des personnes disparues). D’où la possibilité d’ériger en infraction le refus de la personne concernée de se soumettre à un prélèvement d’empreinte génétique.


Informations préalables des individus concernés

Plusieurs informations doivent être transmises à la personne concernée – indifféremment de la base légale de la collecte (article 13 RGPD) -, et notamment, la finalité du traitement.
En l’espèce, les empreintes digitales sont collectées afin de faciliter l’identification d’auteurs d’infractions ou de personnes disparues. Par conséquent, tout autre traitement serait illicite sauf à en informer en amont, les personnes concernées. L’obligation de détermination d’une finalité agit ici comme garde-fou à une utilisation ou à un traitement arbitraire ou discriminatoire.

En outre, la personne concernée doit également être informée de ses droits (articles 15 à 21 du RGPD) : droit d’accès, droit de rectification, droit à l’effacement, droit à la limitation du traitement, droit à la portabilité et droit d’opposition au traitement.
Il est possible d’accéder aux données du FNAEG en adressant une demande d’exercice des droits à une adresse postale (Service Central de la Police Technique et Scientifique, 31 avenue Franklin Roosevelt, 69134 Ecully cedex).

Concernant l’effacement des données avant l’expiration de la durée de conservation, la demande devra être adressée au procureur de la République par lettre recommandée avec AR ou par déclaration au greffe. En outre, le ministère de la Justice a mis en ligne des formulaires d’effacement afin d’en faciliter la demande. 
En cas de refus par le procureur de la République, du droit à l’effacement, la personne concernée peut effectuer un recours auprès du Juge des libertés et de la détention puis, si nouveau refus il y a, devant le Président de la chambre de l’instruction.

L’exercice des droits de la personne concernée reste très limité puisque rendue obligatoire par la loi.


 Durée de conservation des empreintes génétiques

Le 22 juin 2017, la CEDH a condamné la France pour atteinte disproportionnée à la vie privée. En effet, avant 2017, les empreintes digitales étaient conservées pour une durée de 40 ans et il était impossible d’effacer les empreintes de manière anticipée. Aucune différenciation n’était faite sur la gravité de l’infraction. De plus, aucune procédure d’effacement n’avait été mise en place.

La France a revu sa copie 2018, en marge du vote de la Réforme de la Justice, ces dispositions, pour faire bonne figure. La durée de conservation des empreintes génétiques a été modifiée : 

  • 40 ans pour les personnes définitivement condamnées, décédées, disparues ou ayant bénéficié d’une décision de classement sans suite, non-lieu, relaxe ou acquittement pour trouble mental ; 
  • 25 ans pour les empreintes génétiques des ascendants ou descendants de personnes disparues ainsi que les empreintes génétiques des personnes simplement mises en causes.

Toutefois, la durée de conservation, dans 90% des cas reste de 40 ans, ce qui contrevient à la vision d’une justice de réinsertion et de réhabilitation des délinquants.  
La durée de conservation de 25 à 40 ans ne semble pas conforme à l’article 5 point e) du RGPD qui énonce que les données personnelles ne doivent être conservées que pour une durée strictement nécessaire au regard des finalités du traitements. En l’espèce, les empreintes génétiques sont conservées afin de faciliter l’identification des auteurs d’infraction, d’identifier des personnes décédées ou disparues. 

En effet, concernant la conservation des empreintes génétiques pour les personnes définitivement condamnées pour une période de 40 ans, on peut considérer qu’une personne ayant purgée sa peine ne doit pouvoir avoir la possibilité de se réinsérer dans la société. Ainsi, il pourrait être considéré que si dans les 5 années suivant la dernière commission de l’infraction, l’individu n’a pas récidivé, ses empreintes pourraient être automatiquement supprimées du FNAEG. 

En ce qui concerne la conservation des données génétiques des ascendants ou descendants de personnes disparues pour une période de 25 ans, la faculté pour les personnes concernées, de refuser le prélèvement est conforme à la protection des données personnelles.

Le FNAEG est un fichier sensible à la fois en raison des données qu’il contient mais également en raison de la politique pénale actuelle qui tend à favoriser la sécurité publique au préjudice des libertés fondamentales. L’exemple en est de l’amendement proposé par le rapporteur Didier Paris, avec la bénédiction du Garde des Sceaux, lors du vote sur la réforme de la Justice. Cet amendement tendait à supprimer l’expression « non-codant » relatif à la portion d’ADN prélevée ouvrant donc les portes au prélèvement d’ADN codant permettant de connaitre les caractéristiques physiologiques, morphologiques ou encore héréditaires des individus pouvant aboutir à des dérives. 

Bien que la CNIL eût tiré la sonnette d’alarme, sa voie ne fut pas entendue. Sensée être le garde-fou des données personnelles, la CNIL peut cependant être un pion sur l’échiquier politique et servir de caution de bonne foi.

La seconde proposition de cet amendement concernait l’ouverture de la recherche en parentèle non plus seulement en ligne directe mais également indirecte. Selon une étude menée par Gueye-Pellegrini, le FNAEG permettrait « d’identifier directement ou indirectement plus de 14 millions de personnes » ce qui a valu l’expression de « fichier des gens honnêtes ». En effet, une comparaison d’ADN effectuée à l’aveuglette conduirait à soupçonner plusieurs individus ayant des liens de parenté entre eux. Fort heureusement, l’Assemblée nationale a rejeté, à l’unanimité, en décembre dernier, ces deux propositions. 


Sarah Catalan
Master 2 Cyberjustice – Promotion 2018-2019


Sources:
https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=C928B1127F665A4E47DF2A0B41B3FDF7.tpdjo14v_1?idSectionTA=LEGISCTA000006138132&cidTexte=LEGITEXT000006071154&dateTexte=20131006
https://www.nextinpact.com/news/107310-biometrie-fnaeg-en-passe-devenir-nouveau-fichier-desgens-honnetes.htm
https://www.nextinpact.com/news/107290-fnaeg-cnil-salarme-extension-fichier-national-empreintes-genetiques.htm
https://www.nextinpact.com/news/107378-fnaeg-deputes-suppriment-extension-fichier-empreintes-genetiques.htm
https://www.police-scientifique.com/adn/fnaeg
https://www.nextinpact.com/news/104633-fichier-empreintes-genetiques-france-condamnee-par-cedhpour-defaut-dencadrement.htm



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