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Le 27 mars 2020 a été publié le décret n° 2020-356 portant création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « DataJust ». « A cet égard, les vieilles craintes ressurgissent auprès des défenseurs des victimes lesquels redoutent une harmonisation par référentiel unique voire une « barémisation » du droit du dommage corporel. »

Qu’est-ce que DataJust ? Un traitement automatisé de données à caractère personnel. L’algorithme a pour but de recenser les montants demandés et ceux alloués aux victimes de dommages corporels en fonction des faits, du type de préjudice, de la situation des personnes concernées, des conclusions d’experts …

Où en est ce projet ? À la phase de développement du traitement algorithmique. 

Quel est le responsable de traitement ? L’organisme pour lequel le traitement est mis en œuvre est le ministère de la Justice. Le ministère détermine ainsi les finalités et les moyens de ce traitement, c’est-à-dire l’objectif et la façon de le réaliser.

Sur quelle base juridique repose-t-il ? Conformément à l’article 6.1.e) du RGPD, le traitement est nécessaire à l’exécution d’une mission d’intérêt public confiée au Ministère de la Justice. En ce qui concerne le traitement des données sensibles et notamment des données de santé pouvant être extraites des décisions de justice, celui-ci repose sur l’article 9.2.g) selon lequel ce traitement est nécessaire pour des motifs d’intérêt public importants. 

Quelles en sont les finalités ? Le but est de développer un algorithme servant à la réalisation d’évaluations rétrospectives et prospectives des politiques publiques en matière de responsabilité civile ou administrative, d’élaborer un référentiel indicatif d’indemnisation des préjudices corporels, d’informer les parties et aider à l’évaluation du montant de l’indemnisation à laquelle les victimes peuvent prétendre afin de favoriser un règlement amiable des litiges, d’informer ou établir une documentation pour les juges appelés à statuer sur des demandes d’indemnisation des préjudices corporels.

Quelles sont les catégories de données à caractère personnel concernées ?

  • Les noms et prénoms des personnes physiques mentionnées dans les décisions de justice, à l’exception de ceux des parties qui sont occultés préalablement à leur transmission au Ministère de la justice ;
  • Des éléments d’identification des personnes physiques ;
  • Des données et informations relatives aux préjudices subis ;
  • Des données relatives à la vie professionnelle et à la situation financière ;
  • Des avis des médecins et experts ayant examiné la victime et le montant de leurs honoraires ;
  • Des données relatives à des infractions et condamnations pénales ainsi qu’à des fautes civiles ;
  • Le numéro des décisions de justice.

Ces données sont extraites des décisions de justices rendues en appel entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2019 par les juridictions administratives et les formations civiles des juridictions judiciaires, dans les seuls contentieux portant sur l’indemnisation des préjudices corporels.

Quelle est la durée de conservation de ces données ? La durée de conservation ne peut pas excéder 2 ans à compter de la publication du décret DataJust. 

Cet outil est-il accessible ? Avant d’être accessible au public (parties et juridictions), cet outil ne sera mis à disposition, pour les deux prochaines années à venir, qu’aux agents du ministère de la Justice affectés au service chargé des développements informatiques du secrétariat général du ministère de la Justice ainsi qu’aux agents du bureau du droit des obligations.

Un outil controversé ? Le recours à cet outil suscite des débats. En effet, le Conseil National des Barreaux met en garde contre les risques liés à l’utilisation d’un tel algorithme qui, bien qu’à vocation essentiellement indicatif, serait susceptible d’uniformiser l’indemnisation de préjudice. Les associations d’aide aux victimes, rappellent quant à elles leur attachement à la prise en compte individualisée de la situation de chaque victime et réaffirment leur opposition à tout barème d’indemnisation. 

D’un autre côté, l’analyse de Jean-Baptiste Perrier, professeur de droit à l’Université d’Aix-en-Provence, demeure optimiste. « Si on laisse cet outil aux mains des sociétés privées, on s’expose à ce qu’il soit récupéré par les assureurs qui négocieront entre eux sans plus passer par la justice. Il vaut sans doute mieux que ce soit le ministère qui s’en charge. Aux avocats de prendre leur place dans le dispositif. »

Malgré ces divergences d’opinion, cet algorithme est, il faut le rappeler, une aide à la prise de décision, un outil indicatif qu’il faudra utiliser tout en sachant qu’il n’apportera pas de réponse unique et figée. Décrit comme tel, Datajust n’a pas pour vocation d’établir un barème d’indemnisation des préjudices corporels mais seulement d’exposer aux parties et/ou aux juges, quelle indemnisation en moyenne est accordée dans des cas similaires à l’affaire présentée afin que les justiciables puissent « faire des choix d’une manière éclairée quant à la pertinence ou non d’engager un contentieux ou d’accepter ou non les offres d’indemnisation proposées par les assureurs ».

Virginie Collignon Ducret

M2 Cyberjustice – Promotion 2020/2021

Sources : 

https://www.justice.fr/donnees-personnelles/datajust

https://www.village-justice.com/articles/data-just-resurgence-justice-predictive,35388.html

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000041763205/#:~:text=Copier%20le%20texte-,D%C3%A9cret%20n%C2%B0%202020%2D356%20du%2027%20mars%202020%20portant,%C3%A0%20caract%C3%A8re%20personnel%20d%C3%A9nomm%C3%A9%20%C2%AB%20DataJust%20%C2%BB&text=Le%20d%C3%A9cret%20d%C3%A9finit%20les%20finalit%C3%A9s,de%20personnes%20y%20ayant%20acc%C3%A8s.

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000041763675

https://www.actu-juridique.fr/civil/responsabilite-civile/qui-a-peur-du-decret-data-just/

https://www.cnil.fr/fr/definition/responsable-de-traitement#:~:text=Le%20responsable%20de%20traitement%20est,incarn%C3%A9e%20par%20son%20repr%C3%A9sentant%20l%C3%A9gal.

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