You are currently viewing Transplantations et intelligence artificielle : les enjeux de la médecine du futur !

En 2019, il y a eu 5 901 greffes en France et environ 120 000 dans le monde. Il s’avère que 70% des transplantations d’organes sont des greffes rénales. Dans l’Hexagone, sur les 51 860 personnes transplantées, 33 298 le sont pour les reins,  12 818 pour le foie, 4 208 pour le cœur et 1 536 pour les poumons. 

L’enjeu principal d’une transplantation est que le corps de la personne greffée, et donc son système immunitaire, ne rejette pas le greffon. À défaut, le rejet cause la perte du greffon et peut causer des conséquences médicales irréversibles pour le patient ou la patiente, affligé(e) d’une souffrance psychologique supplémentaire et devant faire face à de nouvelles épreuves (repasser des nouveaux examens, refaire des dialyses, etc.).  Cette question ne peut être écartée puisque les risques de rejet représentent des milliers d’organes et donc des milliers de vies. En moyenne, 20% des transplantations échouent la première année, d’où une surveillance accrue du patient au cours de celle-ci. 

Avec le développement des nouvelles technologies, on est en droit de se demander s’il n’y a pas de nouvelles méthodes pour accompagner les personnes greffées. Alors que la justice prédictive fait des progrès grâce à l’utilisation d’un logiciel pour évaluer la potentialité de récidivisme d’un détenu en fin de peine, serait-il envisageable d’évaluer les risques de rejet grâce à l’analyse des données de la personne greffée ? On peut donc ainsi penser aux digital twins (jumeaux numériques) ou plus largement encore à l’intelligence artificielle (IA) puisque cette dernière est de plus en plus utilisée dans tous les domaines, si ce n’est omniprésente. 

Quid de l’utilisation de l’IA s’agissant des transplantations ? 

Un projet français, porté par la fondation de l’AP-HP (Assistance publique – Hôpitaux de Paris), intitulé iTransplant a pour objectif d’établir à l’aide de l’intelligence artificielle un diagnostic précis en temps réel dans l’optique de délivrer aux patients des soins personnalisés optimaux et nécessaires avant et après une transplantation pulmonaire, cardiaque, rénale ou hépatique (pour les transplantations d’un foie, il existe aussi un projet alliant IA et application médicale qui s’appelle e-stella). L’objectif de iTransplant est de pouvoir prendre des décisions individualisées grâce aux données du patient couplées à la base de données alimentant l’IA, et de permettre aux médecins de proposer aux patients un diagnostic le plus complet et précis que possible. L’objectif subséquent est celui d’améliorer la vie des patients et d’augmenter leur espérance de vie ainsi que celle du greffon. Le but recherché n’est donc pas des moindres, et cela est possible grâce à l’IA qui permettra de prodiguer sur chaque patient des soins individualisés plus efficients. 

En plus de permettre une analyse plus précise des soins à prodiguer aux personnes transplantées, iTransplant permettra de prévenir des risques de rejet d’une greffe et ainsi limitera les cas d’incompatibilité donc d’échecs et les pertes des greffons. Il permettra aussi de « stadifier » les maladies avant la greffe afin de classer les patients selon l’urgence d’obtenir un organe et donc avoir une liste des demandeurs de greffe plus adaptée aux situations. En analysant les données du patient, l’IA permettra également d’observer les effets d’un traitement (exemple : les effets des anti-rejets) sur l’organisme du greffé. 

À long terme, le projet a pour dessein d’établir de nouvelles règles sanitaires à suivre en matière de suivi des patients transplantés afin de limiter les cas de rejet.   

Quid de la collecte de données des patients ? 

Les analyses et les diagnostics personnalisés demandent d’utiliser les données de santé et les données médicales des patients. Or, ce sont des données personnelles dites sensibles, il faut donc des mesures de protection accrues, d’autant plus que les hôpitaux sont des OIV (opérateurs d’importance vitale) soumis à des obligations particulières comme l’obligation de stocker les données chez un hébergeur européen et de respecter le RGPD. 

Cependant, la collecte des données médicales des patients ne nécessite aucun consentement de leur part puisqu’elle sert à la production d’un diagnostic médical ; mais ils doivent tout de même être informés du traitement de leurs données (même par une simple infographie dans la salle d’attente par exemple). Attention toutefois, les données collectées doivent être « adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire pour la prise en charge du patient ». 

L’algorithme de iTransplant ne peut être performant que s’il exploite un nombre conséquent de data. C’est pourquoi ses créateurs ont suivi la méthode « 4 V du Big Data », c’est-à-dire « volume (collecte auprès de 10 000 patients et de nombreux collaborateurs), vélocité (rapidité à laquelle les données sont générées et traitées), variété des données, et véracité des données (vérification par des audits) ». 

L’algorithme mis en place aidera aussi à regrouper des patients qui « se ressemblent » quant à leurs données médicales et de santé, ainsi qu’au niveau des réactions et de l’acceptation des différents traitements. Le machine learning offrira la possibilité de raisonner à l’échelle d’un biomarqueur ou d’un gène. L’IA permettra également de mieux estimer la durée de vie du greffon, en se basant sur les études de plus de 14 400 biopsies et de milliers de pertes dans une volonté de « contextualisation » du patient lui-même, et non plus se baser sur l’unique avis du médecin qui peut être influencé par son expérience, ses convictions et son humeur (ses émotions, son niveau de fatigue, de stresse, etc.).

Il faut donc voir cet outil comme une aide pour établir un diagnostic plus précis de la santé du patient et de sa greffe et non comme un outil de remplacement du médecin. Mais comme l’a conclu le Professeur Alexandre Loupy, « les algorithmes ne remplaceront pas les docteurs, mais les docteurs qui n’utiliseront pas les algorithmes seront remplacés par ceux qui les utiliseront ! ». 

Didier SERFASSE

M2 Cyberjustice – Promotion 2020/2021 

A voir : conférence du Pr Alexandre Loupy, Intelligence artificielle et les technologies rupturantes au service de la prédiction, du diagnostic et de la performance thérapeutique,  « l’intelligence artificielle : vers la fin du rejet de greffe de rein ? » :

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