You are currently viewing IMSI Catcher La police judicaire française, les nouveaux pirates ?

Réservé tout d’abord aux services de renseignement, l’utilisation des IMSI catcher par les forces de police a été autorisé pour la première fois à la suite des attentats de 2015 notamment lors de la traque des frères Kouachi, responsables de l’attentat contre Charlie Hebdo. C’est la loi du 3 juin 2016 relative au renseignement qui a offert la possibilité à l’autorité judicaire de recourir aux IMSI catcher dans un cadre judicaire très restreint.

Qu’est-ce qu’un IMSI catcher ? 

Il est décrit à l’article 706-95-4 du Code de procédure pénale comme « un appareil ou un dispositif technique [utilisé dans le but] de recueillir les données techniques de connexion permettant l’identification d’un équipement terminal ou du numéro d’abonnement de son utilisateur, ainsi que les données relatives à la localisation d’un équipement terminal utilisé ». Il s’agit ainsi d’un matériel de surveillances utilisé par la police judicaire principalement dans le domaine de la criminalité organisée dans le but d’intercepter des appels téléphoniques et de localiser des téléphones mobiles. L’IMSI catcher a pour but entre autre de contourner la problématique du chiffrement des données informatiques puisqu’il est capable de les capter avant qu’elles soient chiffrées.

IMSI signifie d’ailleurs en anglais International Mobile Subscriber Identity et catcher intercepteur, ainsi un IMSI catcher est littéralement un intercepteur d’IMSI, qui est un numéro unique à chaque téléphone portable pour se connecter aux antennes relais. Toute carte SIM possède un numéro IMSI unique utilisé par les opérateurs. 


Tout appel passé via un téléphone portable transite en temps normal par l’antenne relais la plus proche, ainsi un IMSI catcher agit comme une antenne relais dans le but d’intercepter tous les appels passés à proximité et de récupérer les numéros IMSI des puces téléphoniques. L’IMSI catcher en tant que fausse antenne relais est placé entre l’appareil espionné et l’antenne relais de l’opérateur de téléphonie. La technique utilisée par la police est qualifiée « d’attaque de l’homme du milieu » ou « attaque de l’intercepteur » : il s’agit d’intercepter la communication entre deux parties sans que l’un des deux ne s’en aperçoive. 

Dans quelles situations utilise-t-on des ISMI catcher ?

Très encadrée par les articles 706-95-4 et suivants du Code de procédure pénale, cette pratique se limite donc aux infractions entrant dans le champ de la criminalité organisée (article 706-73 et 706-73-1 CPP), c’est à dire aux infractions les plus graves qui nécessitent des moyens d’enquête plus intrusifs comme les écoutes ou la géolocalisation. 

Ainsi l’utilisation d’un IMSI catcher dans le but de recueillir des données de connexion et des données de localisation n’est possible que si le Procureur de la République saisit le juge des libertés et de la détention. L’utilisation du dispositif est prévue pour un mois en phase d’enquête mais elle peut être renouvelée une fois dans les mêmes conditions (article 706-95-4-I). En instruction, le juge d’instruction peut autoriser lui-même le recours pour une durée de deux mois, l’utilisation peut être renouveler mais ne peut excéder six mois en tout. Un simple avis du Procureur de la République est nécessaire (article 706-95-5).

Si l’appareil est utilisé pour intercepter des correspondances, son usage par les forces de police ne peut excéder 48h, renouvelable une fois (article 706-95-4-II et 706-95-5). C’est le juge des libertés et de la détention qui est responsable de cette mesure et qui peut à la requête du Procureur de la République en enquête ou du juge d’instruction en instruction autoriser les officiers de police judicaires à utiliser ce dispositif. Une ordonnance écrite et motivée est nécessaire dans tous les cas.
En cas d’urgence, il est possible pour la police judicaire de recourir au dispositif par simple autorisation du Procureur de la République, la pratique doit alors être confirmée par le juge des libertés et de la détention dans un délai de 24h.  

Cette pratique judicaire ne porte-t-elle pas atteinte au droit à la vie privée garanti par l’article 8 de la CEDH ?

Ce genre d’appareil est si intrusif que sa détention, son importation, sa fabrication, etc. sont strictement encadrés par la loi (article 226-3 du Code pénal). Il est ainsi interdit à un particulier d’en posséder un chez lui.
Son usage est cependant très critiqué par les défenseurs des droits de l’Homme comme par l’association La Quadrature du Net  car très intrusif dans la vie privée. Mais c’est surtout l’absence de ciblage qui pose problème : le IMSI catcher ne permettant pas de viser seulement la personne soupçonnée, toute personne se trouvant dans le champ d’action de l’appareil, c’est à dire environ 500 mètres verra ses informations personnelles récoltées par la police judicaire. Cependant l’article 706-95-10 II rappelle que les correspondances interceptées ne peuvent concerner que la personne ou la liaison visée par l’autorisation d’interception.

La CNIL a d’ailleurs exigé lors de l’adaptation de la loi relative au renseignement une utilisation et une conservation des données rigoureuse.

Le caractère de la mesure est justifié par la gravité de l’infraction (terrorisme ou criminalité organisée qui bénéficient d’un régime dérogatoire au droit commun) et par son caractère nécessaire « dans une société démocratique » pour atteindre un but légitime, c’est à dire la nécessité pour la sécurité nationale, la sûreté publique, le bien-être économique du pays, la défense de l’ordre et la prévention des infractions pénales, la protection de la santé ou de la morale ou encore la protection des droits et libertés d’autrui. Selon l’article 706-95-9, ne sont recueillies par l’officier de police judicaire que les données utiles à la manifestation et leur destruction est encadrée par l’article 706-95-10.
De plus, la CEDH rappelle que la mesure est encadrée par la loi et qu’un contrôle par un magistrat indépendant est prévu (dans le cas d’espèce le juge des libertés et de la détention). Bien que l’ordonnance délivrée pour autoriser l’utilisation du dispositif n’a aucun caractère juridictionnel et n’est susceptible d’aucun recours, elle doit cependant être écrite et motivée pour être valide (article 706-95-6). 

Rebecca de THY Master 2 Cyber justice Promotion 2018-2019

Sources: https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/nouveau-monde/imsi-catchers-ces-valises-d-espions-pour-surveiller-les-communications-mobiles_1775597.html

https://www.cnil.fr/fr/lacces-des-autorites-publiques-aux-donnees-chiffrees

Interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications électroniques – Pascal Dourneau-Josette – juil. 2016 (actualisation : févr. 2018)


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